07/05/2025 3 articles francesoir.fr  19min #277166

Comprendre les frameworks, outils pour structurer, influencer et coordonner- partie I

Xavier Azalbert, France-Soir

Comprendre les frameworks, outils pour structurer, influencer et coordonner

Cet article inaugure une série qui plongera au cœur des frameworks, ces cadres méthodologiques qui façonnent notre manière de penser, d'agir et d'interagir dans un monde toujours plus complexe. Dans ce premier volet, nous explorons les origines des frameworks, retraçant leur histoire depuis les stratégies militaires de l'Antiquité jusqu'aux outils numériques modernes, tout en examinant leur rôle dans des domaines comme le marketing, le renseignement, l'éducation ou la cybersécurité. Les articles suivants de cette série approfondiront des aspects complémentaires : d'abord, la tension entre l'humain et la normatisation imposée par ces cadres, qui standardisent nos comportements au risque de limiter notre créativité ; ensuite, les usages modernes des frameworks dans la gestion de l'information, où des approches systématiques et probabilistes redéfinissent la prise de décision ; et enfin, les stratégies pour contrer l'influence parfois envahissante de ces outils, afin de préserver notre autonomie face à leur pouvoir structurant. À travers cette série, nous décoderons comment les frameworks, à la fois alliés et défis, modèlent notre société et comment nous pouvons en tirer parti tout en restant maîtres de nos choix.

Dans un monde où l'information circule à une vitesse fulgurante et où les interactions humaines gagnent en complexité, les frameworks, ou cadres méthodologiques, sont devenus des outils indispensables pour organiser, standardiser et influencer. Que ce soit pour concevoir une campagne publicitaire, répondre aux clients dans un centre d'appels, analyser des données dans le renseignement, gérer une entreprise, contrer une cyberattaque ou structurer l'éducation, ces cadres simplifient des processus complexes pour obtenir des résultats prévisibles. Mais d'où viennent-ils ? Sont-ils nés dans les cercles stratégiques du renseignement, dans les calculs mathématiques comme les chaînes de Markov et les probabilités bayésiennes, ou dans les découvertes des sciences sociales et psychologiques ? Cet article retrace l'histoire des frameworks, explore leurs usages à travers des exemples concrets et éclaire leurs origines, tout en restant accessible à un néophyte.

Qu'est-ce qu'un Framework ?

Imaginez un cadre méthodologique comme une recette de cuisine : une série d'étapes claires, avec des ingrédients précis, pour obtenir un plat savoureux à chaque fois. Un framework est un outil conceptuel ou méthodologique qui organise des actions, des analyses ou des processus de manière systématique afin d'atteindre un objectif. Il peut servir à standardiser des pratiques, à persuader un public ou à coordonner des efforts complexes. Dans la vie quotidienne, nous utilisons des cadres sans y penser : un plan de réunion, un modèle de CV ou une méthode pour organiser ses tâches sont autant de petits frameworks.

Dans des contextes professionnels, ces outils prennent des formes variées. En marketing, le modèle AIDA (Attention, Intérêt, Désir, Action) guide les publicitaires pour transformer un simple passant en client fidèle. Dans les centres d'appels, des scripts standardisés garantissent que chaque opérateur offre une réponse cohérente, quel que soit le client. Dans le renseignement, des méthodes structurées permettent d'analyser des informations sensibles ou de mener des opérations d'influence. En gestion d'entreprise, le General Survey Outline de McKinsey aide les consultants à diagnostiquer les forces et faiblesses d'une organisation. En cybersécurité, le cadre MITRE ATT&CK cartographie les tactiques des pirates informatiques pour mieux protéger les systèmes. En éducation, les programmes scolaires standardisés organisent l'apprentissage pour des millions d'élèves. Tous ces cadres partagent un même but : rendre les processus reproductibles, efficaces et alignés sur un objectif commun.

Une Histoire ancienne et évolutive

L'histoire des frameworks est aussi vieille que la civilisation elle-même. Ces outils ont émergé à différentes époques, façonnés par des disciplines comme la stratégie militaire, les sciences sociales, l'éducation et, plus tard, les mathématiques. Leur évolution reflète les besoins changeants des sociétés, des champs de bataille antiques aux data centers modernes.

Les origines dans l'Antiquité

Les premiers cadres méthodologiques apparaissent bien avant l'ère moderne, dans les sphères du renseignement militaire et de l'influence. Dès le Vᵉ siècle avant notre ère, le stratège chinois Sun Tzu, dans son ouvrage L'Art de la guerre, propose des principes pour coordonner des campagnes militaires. Il conseille, par exemple, de tromper l'ennemi ou d'exploiter ses faiblesses, structurant les opérations en étapes comme la reconnaissance, l'attaque et la retraite. Ces idées constituent un cadre informel, mais déjà structuré, pour la stratégie et l'influence.

Comprendre les frameworks - Sun Tzu proposait des principes pour coordonner les campagnes militaires

Les empires perse et romain, quant à eux, utilisent des protocoles pour gérer leurs vastes réseaux d'espions et de courriers. Les Perses, sous Darius Iᵉʳ, mettent en place un système de routes royales avec des relais pour transmettre rapidement des informations, une forme précoce de cadre logistique. Les Romains organisent des réseaux d'informateurs pour surveiller les provinces et anticiper les révoltes, avec des méthodes standardisées pour collecter et rapporter des données. Ces pratiques, bien que rudimentaires, préfigurent les cadres d'analyse modernes du renseignement.

En parallèle, les religions organisées jouent un rôle clé dans l'influence. L'Église catholique standardise ses sermons et rituels pour diffuser des messages cohérents à travers l'Europe médiévale. Ces pratiques rappellent les campagnes de propagande modernes, où un message unique est conçu pour persuader les masses. Dans le commerce, les guildes médiévales imposent des contrats et des règles d'apprentissage, un peu comme les scripts des centres d'appels standardisent les interactions aujourd'hui. À cette époque, les frameworks s'appuient sur une compréhension intuitive du comportement humain, comme la peur ou la loyauté, bien avant la naissance de la psychologie moderne.

Le XIXe Siècle : la science structure l'influence et l'éducation

Avec l'essor des sciences sociales et de l'industrialisation au XIXe siècle, les frameworks deviennent plus formels. La psychologie et la sociologie commencent à décoder les comportements humains, offrant des bases scientifiques pour persuader et organiser. En 1895, Gustave Le Bon publie « La Psychologie des foules », où il explique comment influencer les masses. Ses idées inspirent les gouvernements pour leurs campagnes de propagande et les publicitaires pour leurs premières publicités. En 1898, Elmo Lewis conçoit le modèle AIDA, qui structure les campagnes publicitaires en quatre étapes : capter l'Attention, susciter l'Intérêt, provoquer le Désir et pousser à l'Action. Ce modèle, encore utilisé dans les publicités numériques d'aujourd'hui, illustre comment la psychologie devient un outil de persuasion structurée.

Dans le renseignement, les services modernes, comme le Deuxième Bureau français créé en 1871, adoptent des méthodes systématiques pour collecter et analyser des informations. Ces protocoles, comme trier les sources ou croiser les données, sont des ancêtres des cadres d'analyse actuels. Dans d'autres domaines, le marketing s'empared'AIDA pour standardiser les messages dans la presse et les affiches, un peu comme les sermons religieux unifiaient les discours. Les premiers centres d'appels, ou plutôt leurs précurseurs dans les standards téléphoniques, utilisent des scripts rudimentaires inspirés des ventes par correspondance. En gestion, Frederick Taylor introduit la gestion scientifique en 1911, un cadre pour optimiser les usines, qui influence les processus standardisés des centres d'appels par son obsession de l'efficacité.

L'éducation, quant à elle, devient un domaine clé pour les frameworks, particulièrement en France avec les réformes de Jules Ferry. À partir des lois de 1881 et 1882, l'instruction devient obligatoire, gratuite et laïque pour tous les enfants de 6 à 13 ans. Ces réformes marquent la naissance de l'éducation moderne en structurant l'enseignement autour de programmes standardisés, organisés en groupes de matière comme les mathématiques, les lettres, l'histoire et les sciences. Ce cadre méthodologique s'appuie sur une compréhension croissante du développement humain, influencée par les sciences sociales et les premières études sur la psychologie de l'enfant. En uniformisant l'enseignement à l'échelle nationale, les réformes de Ferry permettent une diffusion massive du savoir, augmentant l'accès à l'apprentissage et posant les bases d'une société plus instruite. Ce système, bien que parfois rigide, illustre comment les frameworks éducatifs standardisent les processus pour coordonner l'enseignement à grande échelle, tout comme les protocoles du renseignement organisent l'analyse ou les scripts des centres d'appels unifient les interactions. En rendant l'éducation accessible, ces cadres contribuent à élever le niveau général de connaissance et de compétence cognitives des populations, bien que l'impact sur l'intelligence collective reste influencé par des facteurs socio-économiques et culturels. Cette approche laisse de côté les éléments liés à l'intuition, à la contrainte de la créativité ou d'autres capacités cognitives des êtres humains.

Comprendre les frameworks - le cadre de l'école sous Jules Ferry : l'instruction

À ce stade, les sciences sociales, avec leur focus sur la persuasion et le renseignement, avec ses méthodes d'analyse, dominent la création des frameworks. Les mathématiques, comme les chaînes de Markov, formalisées par Andrey Markov en 1906, restent purement théoriques et n'ont pas encore d'application concrète, pas plus que l'algèbre non linéaire.

Le début du XXe Siècle : marketing, propagande et mesure de l'intelligence

Les années 1900 à 1930 marquent une accélération dans l'utilisation des frameworks, portée par les progrès en psychologie, les besoins de propagande pendant la Première Guerre mondiale et l'essor du marketing. Edward Bernays, souvent considéré comme le père des relations publiques, publie « Propaganda » en 1928. En s'appuyant sur les théories de Freud, il montre comment manipuler l'opinion publique. Ses idées structurent des campagnes publicitaires, comme celles de l'agence J. Walter Thompson, qui utilise des briefs créatifs pour harmoniser les messages diffusés dans la presse et à la radio.

Pendant la Première Guerre mondiale, les gouvernements s'appuient sur des cadres pour orchestrer la propagande. Aux États-Unis, le « Committee on Public Information » (CPI) diffuse des messages pour mobiliser la population en faveur de l'effort de guerre. Ces méthodes, qui structurent l'influence à grande échelle, inspirent directement le marketing moderne. Dans le même temps, les services de renseignement formalisent leurs opérations d'espionnage, avec des protocoles pour coordonner les agents et analyser les données.

Dans le domaine de l'éducation, les frameworks établis au XIXe siècle continuent d'évoluer, mais un nouveau cadre émerge pour mesurer les capacités humaines : le quotient intellectuel (QI). Développé par Alfred Binet au début du XXe siècle, le QI vise à évaluer les aptitudes cognitives des enfants pour adapter l'enseignement à leurs besoins. Ce cadre, formalisé en 1905 avec l'échelle Binet-Simon, devient un outil clé pour standardiser l'évaluation de l'intelligence dans les écoles. Cependant, le QI se concentre sur les performances académiques, comme la mémoire ou le raisonnement logique, et néglige des dimensions comme l'altruisme ou la contribution sociétale. Cette limite est soulignée par des penseurs contemporains, comme Didier Audebert, qui propose le concept de  quotient d'utilité (QU) dans son ouvrage « Quotient d'utilité :  Devenons chaque jour plus utile ! ». Le QU mesure la valeur d'un individu par son impact positif sur la société, par exemple, à travers des actions altruistes ou des initiatives communautaires. Cette idée, évoquée dans un article de France-Soir en 2023, critique les systèmes éducatifs qui privilégient le QI et orientent les élèves non conformes vers des filières manuelles, oubliant leur potentiel d'utilité sociale. Le contraste entre QI et QU illustre comment les frameworks éducatifs, bien qu'efficaces pour standardiser l'apprentissage, peuvent limiter la reconnaissance de certaines formes d'intelligence et par là même passer à côté d'information clés.

Dans d'autres secteurs, le marketing s'appuie sur AIDA pour des campagnes emblématiques, comme celles de Coca-Cola dans les années 1930, qui alignent leurs messages pour séduire un public mondial. Les bureaux de télévente, précurseurs des centres d'appels, adoptent des scripts standardisés, inspirés des ventes par correspondance et des principes de Taylor. En gestion, McKinsey & Company, fondé en 1926, développe le General Survey Outline (GSO) en 1931, un cadre systématique pour analyser les entreprises, comparable aux briefs publicitaires par sa rigueur. Les cadres méthodologiques se répandent, mais les sciences sociales et le renseignement restent les principales influences, les probabilités demeurant confinées à la théorie.

Le milieu du XXe Siècle : les mathématiques entrent en scène

Les années 1940 et 1950 marquent un tournant, avec une convergence des sciences sociales, du renseignement et des mathématiques. Les théories de la communication, comme le modèle de Shannon-Weaver publié en 1948, influencent le marketing et le renseignement en structurant la transmission des messages. Les centres d'appels intègrent des techniques psychologiques, comme l'écoute active inspirée des travaux de Carl Rogers, pour améliorer les interactions avec les clients.

Dans le renseignement, la Seconde Guerre mondiale accélère la formalisation des cadres. Les services alliés, comme l'OSS (précurseur de la CIA) ou le MI6, développent des méthodes pour analyser les données, notamment à Bletchley Park, où le décryptage des codes nazis repose sur des processus structurés. Des opérations de désinformation, comme Operation Mincemeat, qui trompe les Allemands sur les plans d'invasion, s'appuient sur des cadres pour coordonner les efforts. Ces méthodes préfigurent des outils modernes comme DISARM, qui cartographie les campagnes de désinformation. Ou d'information, tout dépend de quel côté de la barrière, on se trouve !

Comprendre les frameworks - les chaines de Markov, la mise en probabilité des divers états

Les mathématiques commencent à jouer un rôle plus important. Les chaînes de Markov, appliquées dans la théorie des jeux par John von Neumann en 1944, influencent les cadres militaires et industriels, notamment dans l'analyse des systèmes. Cependant, leur impact reste limité dans le marketing ou les centres d'appels. Dans d'autres secteurs, les agences publicitaires comme BBDO utilisent des cadres multicanaux pour aligner leurs campagnes, un peu comme les plans de désinformation alignent les narratifs. Les standards téléphoniques, comme ceux d'AT&T, adoptent des manuels d'opérations standardisés. En gestion, McKinsey pose les bases de cadres comme le 7S Framework, qui verra le jour dans les années 1970. En cybersécurité, les premières formes de cadres de sécurité, basées sur la cryptographie, s'appuient sur des analyses mathématiques.

De la fin du XXe siècle à aujourd'hui : une ère de convergence

Depuis les années 1960, les frameworks se diversifient et se modernisent, intégrant les sciences sociales, le renseignement et les mathématiques. En marketing, des modèles comme le Value Delivery System ou Consumer Decision Journey de McKinsey, développé dans les années 1980, structurent les interactions avec les clients à l'ère des données. Les centres d'appels adoptent des systèmes de gestion de la relation client (CRM) pour standardiser les réponses, en s'appuyant sur des analyses comportementales.

Dans le renseignement, les agences comme la CIA ou le KGB formalisent des cadres pour les opérations psychologiques (PSYOPS), influençant des outils comme DISARM, qui analyse les campagnes d'information/désinformation en ligne. Les chaînes de Markov et les probabilités bayésiennes ou conditionnelles, désormais largement utilisées en informatique, permettent de modéliser des comportements complexes, comme les algorithmes de recherche ou la détection des anomalies en cybersécurité. Le cadre MITRE ATT&CK, lancé en 2013, s'appuie sur des modèles probabilistes pour cartographier les tactiques des cyberattaques, devenant une référence mondiale.

Comprendre les frameworks - application des frameworks au management par McKinsey

Dans d'autres domaines, le marketing utilise les données pour segmenter les audiences, tout comme le renseignement segmente ses cibles. Les centres d'appels s'appuient sur les CRM pour aligner les interactions, un peu comme les cadres d'analyse du renseignement alignent les données. En gestion, McKinsey formalise des outils comme la GE-McKinsey Matrix et le 7S Framework, inspirés par des approches systémiques. En cybersécurité, ATT&CK structure les défenses contre des menaces comme celles du groupe Lazarus, connu pour ses attaques contre des institutions financières.

Des usages similaires à travers les secteurs

Les frameworks ont évolué en parallèle dans différents secteurs, mais leurs objectifs restent constants : standardiser les pratiques, influencer les comportements et coordonner les efforts. En marketing, le modèle AIDA et les briefs créatifs des années 1920 standardisent les messages publicitaires, tout comme les scripts des centres d'appels alignent les réponses des opérateurs. Dans le renseignement, les protocoles d'espionnage du XIXe siècle et les cadres de désinformation du XXe siècle structurent les opérations, comme MITRE ATT&CK organise l'analyse des cybermenaces. En gestion, le 7S Framework de McKinsey guide les transformations d'entreprise, un peu comme les plans militaires orchestrent les campagnes. En éducation, les programmes standardisés de Ferry coordonnent l'enseignement pour des générations d'élèves.

Comprendre les frameworks - usage dans le renseignements et l'analyse de données 

Pour influencer, le marketing s'appuie sur les principes de Bernays et d'AIDA, qui exploitent la psychologie pour persuader, comme les opérations psychologiques du renseignement manipulent les perceptions. Les scripts des centres d'appels utilisent des techniques comme l'urgence ou l'empathie, semblables aux campagnes de propagande. En cybersécurité, DISARM cartographie les campagnes d'influence en ligne, un processus comparable à la conception d'un brief publicitaire. Dans l'éducation, les cadres pédagogiques cherchent à façonner les esprits, bien que des outils comme le QI puissent limiter la reconnaissance de certaines formes d'intelligence.

En termes de coordination, les campagnes marketing multicanaux des années 1930 alignent les médias, comme les plans de renseignement synchronisent les agents. Les standards téléphoniques centralisent les interactions, comme les cadres de gestion centralisent les décisions. Dans le renseignement, les réseaux d'espions s'appuient sur des protocoles, comme ATT&CK coordonne les défenses en cybersécurité. En gestion, le 7S Framework aligne les équipes, un peu comme les scripts unifient les opérateurs.

D'où viennent les frameworks ?

Pour identifier la source principale des frameworks, trois influences se distinguent : les services de renseignement, les mathématiques et les sciences sociales.

Les services de renseignement ont une revendication ancienne. Les cadres stratégiques de Sun Tzu, les réseaux d'espions perses et romains, et les méthodes modernes du XIXe siècle montrent que le renseignement a toujours structuré l'analyse et l'influence. La propagande de la Première Guerre mondiale, orchestrée par des cadres comme le Committee on Public Information, inspire directement le marketing via des figures comme Bernays. Des outils modernes comme DISARM et ATT&CK s'appuient sur cette tradition. Cependant, ces cadres étaient souvent informels et limités au contexte militaire jusqu'au XXe siècle.

Les chaînes de Markov, formalisées en 1906, ont une influence plus récente et plus tard les probabilités bayésiennes, la théorie du chaos, la théorie des catastrophes ou tout ce qui est non linéaire. Elles ont façonné les cadres systémiques du XXe siècle, notamment en informatique et en cybersécurité, où ATT&CK utilise des modèles probabilistes pour analyser les attaques. Elles ont aussi impacté la gestion (analyse des processus) et le marketing (parcours client). Mais leur application pratique n'émerge qu'au milieu du XXe siècle, bien après les premiers cadres d'influence.

Les sciences sociales et psychologiques offrent une autre perspective. Dès le XIXe siècle, des penseurs comme Gustave Le Bon formalisent l'influence des masses, inspirant la propagande, le marketing et l'éducation. Le modèle AIDA, les campagnes de Bernays et les réformes de Ferry s'appuient sur la psychologie pour persuader ou structurer l'apprentissage, influençant les centres d'appels, la gestion et le renseignement. Cependant, ces cadres nécessitaient la compréhension et codification de la psychologie moderne pour devenir systématiques.

En conclusion, les frameworks naissent principalement des services de renseignement, avec leurs cadres stratégiques anciens, et des sciences sociales, qui formalisent l'influence et l'éducation au XIXe siècle. Le renseignement structure l'analyse et la coordination, tandis que les sciences sociales dominent la persuasion et l'apprentissage. Les mathématiques, bien que cruciales pour les cadres modernes, n'interviennent qu'à partir du XXe siècle, avec l'essor des données et de l'informatique.

Pourquoi les frameworks comptent aujourd'hui

Dans notre ère numérique, les frameworks sont indispensables. En marketing, des campagnes comme celles de Nike ou Apple s'appuient sur AIDA pour captiver des millions de consommateurs. Dans les centres d'appels, les CRM permettent de gérer des milliers d'interactions avec cohérence. En cybersécurité, MITRE ATT&CK aide à contrer des menaces comme celles du groupe Lazarus. En gestion, le 7S Framework aligne des équipes mondiales pour relever des défis complexes. En éducation, les programmes standardisés continuent de former des générations, bien que des débats sur des outils comme le QI et le QU soulignent la nécessité de repenser leur portée.

Mais, les frameworks ne sont pas réservés aux experts. Chaque fois que vous planifiez un projet, suivez une recette ou rédigez un email structuré, vous utilisez un cadre méthodologique. Ces outils simplifient la complexité, rendant le monde plus compréhensible et gérable.

Une Évolution Sans Fin

Des stratégies de Sun Tzu aux outils numériques comme MITRE ATT&CK, les frameworks ont parcouru un long chemin. Dans l'Antiquité, ils émergent dans le renseignement et la religion. Au XIXe siècle, les sciences sociales, l'éducation et le renseignement les formalisent. Au début du XXe siècle, le marketing, les centres d'appels et les mesures comme le QI s'en emparent, influencés par la propagande. À partir des années 1940, les mathématiques, avec les chaînes de Markov, enrichissent les cadres dans le renseignement, la gestion et la cybersécurité. Aujourd'hui, les frameworks intègrent psychologie, stratégie et données pour structurer notre monde. Dans les prochains chapitres, nous verrons aussi leurs usages modernes dans l'information autour de la gestion de la crise covid ou de conflit russo-ukrainien ou même la diabolisation, l'invisibilisation de personnes qui ne se rallient pas au consensus, une vérité de groupe qui peu importe si elle se rapproche de la vérité tant qu'elle est acceptée comme consensus polluant ainsi l'information, et biaisant les décisions.

Leur succès réside dans leur universalité. Qu'il s'agisse de convaincre un client, d'analyser une menace, de coordonner une équipe ou de former un élève, les frameworks offrent une boussole pour naviguer dans la complexité. Comprendre leur histoire et leurs usages, c'est mieux saisir les rouages d'une société où l'ordre, l'influence et l'apprentissage sont plus que jamais nécessaires. Mais il faut aussi savoir s'en défendre.

 francesoir.fr

newsnet 2025-05-07 #14766

oh putaing c'est super intéressant !

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