30/10/2025 reseauinternational.net  4min #294828

 Les États-Unis auraient tenté d'enlever Nicolas Maduro en recrutant son pilote d'avion

Le Far West est toujours vivant : quand les États-Unis jouent les cow-boys avec Maduro

par Mounir Kilani

Un plan d'espionnage à 50 millions de dollars, un pilote loyal, un agent américain trop sûr de lui : la dernière intrigue entre Washington et Caracas ressemble à un film hollywoodien raté. Mais derrière la comédie d'espionnage, c'est une tragédie diplomatique qui se dessine - celle d'une superpuissance jouant encore les cow-boys du monde.

Il fut un temps où le Far West évoquait des duels au soleil, des shérifs autoproclamés et des chasseurs de primes prêts à tout pour une poignée de dollars. En 2025, force est de constater que l'esprit de l'Ouest sauvage n'a pas quitté les États-Unis ; il a simplement troqué ses revolvers contre des stratagèmes d'espionnage dignes des plus grands blockbusters hollywoodiens. Une enquête d'Associated Press, publiée le 28 octobre, lève le voile sur une tentative rocambolesque de Washington : kidnapper Nicolás Maduro, président du Venezuela, en recrutant son pilote personnel, le général Bitner Villegas. Un scénario à mi-chemin entre Mission : Impossible et une comédie d'erreurs. Faut-il en rire ou en pleurer ? Spoiler : les deux, probablement.

Un complot digne d'un western moderne

L'histoire commence comme un roman de Tom Clancy. En avril 2024, un informateur glisse à l'ambassade américaine en République dominicaine que deux jets de Maduro sont en réparation. Bingo ! Les services secrets identifient Villegas, colonel loyal et pilote attitré du président vénézuélien. L'agent Edwin Lopez, ancien des forces spéciales, entre en scène avec une proposition qu'on imagine accompagnée d'une musique dramatique : détourner l'avion présidentiel vers Porto Rico, la République dominicaine ou - pourquoi pas - la base de Guantánamo, en échange d'une fortune et d'une protection à vie. On parle même d'une prime de 50 millions de dollars, preuve que les États-Unis mettent le prix quand il s'agit de capturer leur «méchant» préféré.

Mais Villegas, loin d'être séduit par ce pactole, reste fidèle à Maduro. Après seize mois de pressions, de messages WhatsApp insistants et même de menaces voilées, le pilote bloque Lopez comme on bloque un ex trop collant. Pour pimenter le tout, l'agent américain tente un dernier coup bas : une photo compromettante de leur rencontre fuitée sur X, semant le doute sur la loyauté du pilote. Résultat ? Villegas réapparaît triomphant à la télévision vénézuélienne, poing levé, aux côtés du ministre de l'Intérieur, Diosdado Cabello. Rideau.

Les cow-boys de Washington : shérifs autoproclamés du monde

Ce n'est pas la première fois que les États-Unis s'improvisent justiciers internationaux, mais cette opération frôle le ridicule par son audace et son échec. Tenter d'enlever un chef d'État en exercice, c'est un peu comme si John Wayne décidait de capturer le shérif adverse en plein saloon, mais trébuchait sur une chaise en chemin. Depuis le retour de Donald Trump au pouvoir, Washington semble avoir retrouvé son goût pour les méthodes musclées : opérations clandestines de la CIA au Venezuela, saisie des jets privés de Maduro, frappes contre des embarcations accusées de narcotrafic - 57 morts au compteur. Tout cela sous le couvert de sanctions et d'accusations de «narco-terrorisme». Le Far West, version 2.0, où les drones remplacent les lassos et les tweets assassins succèdent aux avis de recherche.

Et pourtant, il y a de quoi rire - ou du moins sourire - face à l'absurdité de ce plan. Imaginer un agent américain, probablement vêtu d'un costume trop ajusté, négocier dans un hangar d'aéroport avec un pilote qui, stoïque, refuse de trahir son patron, relève presque du théâtre de boulevard. Mais le rire s'étrangle vite quand on mesure la gravité de l'affaire. Violer la souveraineté d'un État, bafouer le droit international, jouer les cow-boys sans se soucier des conséquences : c'est une vieille recette américaine, appliquée de l'Irak à l'Amérique latine, avec des résultats souvent désastreux.

Rire ou pleurer ? Le dilemme du spectateur

Alors, faut-il rire de cette tentative ratée ou pleurer face à l'arrogance d'un pays qui s'arroge le droit de kidnapper un président ? D'un côté, l'échec cuisant de l'opération prête à sourire. Villegas, en héros improbable, a résisté aux sirènes du dollar et aux menaces, transformant Lopez en caricature d'espion malchanceux. De l'autre, cette affaire révèle une mentalité inquiétante : celle d'une superpuissance qui, tel un shérif autoproclamé, estime que les règles ne s'appliquent pas à elle. Maduro, quel que soit son bilan, reste un chef d'État élu. Tenter de l'enlever, c'est ouvrir une boîte de Pandore où n'importe quel pays pourrait justifier des actions similaires sous prétexte de «justice».

Le Far West n'est pas mort, il a simplement changé de décor. Les saloons sont devenus des ambassades, les chasseurs de primes portent des badges de la CIA, et les duels se jouent sur X. Cette affaire, au-delà de Caracas, envoie un message inquiétant : celui d'un monde où la loi du plus fort reprend le dessus sur la diplomatie. Mais au fond, c'est la même vieille histoire : celle d'un pays qui croit pouvoir imposer sa loi au reste du monde, avec une étoile de shérif épinglée sur la poitrine.

Rions de l'absurde, mais pleurons pour l'avenir.

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