09/02/2011 fr.readwriteweb.com  10min #49102

 La Tunisie, première cyber-révolution

Quelques idées pour une nouvelle politique Internet en Tunisie


 Rafik Dammak est un ingénieur Informaticien Tunisien, étudiant a l'université de Tokyo. Il participe a l'Internet Governance Forum et il est membre du conseil du  GNSO de l'ICANN (Generic Names Supporting Organization, Internet Corporation for Assigned Names and Numbers).

Internet a joué un certain rôle lors de la révolution et en jouera encore un pour la période post-14 Janvier. L'Internet Tunisien a été sous le contrôle de l'ancien régime et cela a influencé toute forme politique liée a Internet. Pour cette raison, j'ai élaboré quelques idées sur des réformes possible qui peuvent être appliquer pour rendre cet Internet Tunisien libre et ouvert et pourquoi pas devenir un outil pour la construction de la nouvelle démocratie Tunisienne :

  1. Repenser le réseau Internet Tunisien: l'infrastructure et le réseau Tunisien a été conçu dans une logique de contrôle et de centralisation en empêchant les FAI (Fournisseur d'accès Internet) d'avoir leur points de connexion internationaux et de passer nécessairement a travers l' ATI ou Agence Tunisie d'Internet (hormis les autres fournisseurs d'accès publiques). C'est a contraire du bon sens et les « raisons » qui ont été derrière ça n'existent plus ou plutôt sont en train de devenir caduque. Il faut nécessairement décentraliser et ne pas avoir ce single point of failure très dangereux pour la sécurité et la stabilité de tout le réseau. De plus il faut encourager le maximum de peering, la création des points d'echange et surtout les connexions a l'internationale pour les FAIs. En un mot, il faut revoir le rôle de l'ATI et arrêter de la diaboliser.
  2. Le Multistakeholder model ou  modèle participatif ou multiacteur: l'ironie est que ce modèle a connu son vraie essor des le SMSI (Sommet Mondiale pour la Société de l'information) organisé en Tunisie en 2005 pour une gouvernance d'Internet impliquant toutes les parties prenantes comme les gouvernements (et organisations intergouvernementales), secteur privée, société civile, communauté technique d'Internet (opérateurs, IXP, registries etc). Ce modèle permettant une vraie consultation de tous les acteurs et évitant la prédominance d'un groupe dans la prise de décision. C'est un modèle qui devrait être appliquée en Tunisie (la Tunisie a accepté  l'agenda de Tunis du SMSI) à travers des consultations régulières incluant tous les acteurs et spécialement la société civile, créer des conseil d'administrations avec des représentants de ces acteurs ou encore mieux créer une  Internet steering committee selon le modèle brésilien en l'améliorant avec une représentation équilibrée de tous les acteurs du net et une vraie approche bottom-up dans le prise de décision.
  3. Représentation internationale de la Tunisie: Pour la gouvernance d'Internet l'IGF (Forum pour la Gouvernance d'Internet) reste le forum adéquat pour les discussion sur le présent et le futur d'Internet, la participation Tunisienne n'est pas vraiment visible et je conseillerai le secrétaire d'état au TIC de participer a la prochaine édition a Nairobi. De plus, la Tunisie traîne une certaine mauvaise image spécialement dans les participants de beaucoup de pays de la société civile vu les incidents des réunions prepcoms (avant le  SMSI) et durant le SMSI. La Tunisie peut y remédier en participant activement au groupe de travail CSTD (Commission on Science and Technology for Development) destiné a travailler sur l'avenir de l'IGF et d'éviter de s'aligner sur les positions de pays comme l'inde ou la chine qui pousse a un contrôle gouvernementale sur Internet au lieu d'un vraie modèle participatif. L'exemple Tunisien de contrôle d'Internet sous l'ancien régime a montre le défaillance de ce modèle. Je conseillerai aussi une présence Tunisienne plus importante a l'ICANN et spécialement avoir un représentant gouvernemental au GAC ( Governmental Advisory Committee), la  prochaine réunion aura lieu mars prochain et je conseillerai vivement au secrétaire d'état d'y être.
  4. Censure doit être levée: oui la censure a été levée mais pas en sa totalité. La discussion portant sur le contenu pornographie est un vrai faux débat. En effet, ça permet le maintien d'une infrastructure de filtrage Internet tant décrié pendant des années, et le fait que ca soit encore fait par une autorité administrative est dangereux et ouvre la porte a tous les abus. Seule la justice peut décider de bloquer un site ou pas et faudra déjà définir les critères qui sont très vagues et permettent beaucoup d'interprétations. ce qui me choque le plus, c'est l'explication du monsieur le secrétaire d'état qui mentionne comme exemple les pays développés car ça relève d'une certaine méconnaissance de la vraie situation dans ces pays. Oui un pays comme l'Australie a décidé de l'appliquer contre la pédopornographie en créant une liste non contrôlé et secrète mais les abus sont vite arrives. certains pays comme l'Italie applique ca en envoyant une liste aux FAIs pour faire du DNS-poisoning et le Japon laisse les FAIs appliquent ça sur la base de la volontariat. Mais tout ca releve du cas spécifique de la pédopornographie et certains associations de protection d'enfance pensent que c'est une fausse bonne idée et rien ne démontre leur efficacité. Si on veut protéger nos enfants du contenu « non désirable », il faut plutôt encourager les parents à jouer leur rôle de supervision au lieu de déléguer ça, travaillons sur l'éducation plutôt que sur la répression. Il faut plutôt responsabiliser les utilisateurs et les laisser décider avec leur libre arbitre que de les traiter comme des mineurs.
  5. Libéraliser le domaine.tn et.???? : il faut se rendre a l'évidence que le.tn n'a jamais réussi décoller en Tunisie (moins de 10000 nom de domaines) alors que la demande y est certainement. Ceci est du aux protections très strictes pour les trademark et la réglementation pour l'acquisition de noms de domaines (c'est en cours de changement), il faut libéraliser et ne plus restreindre l'accès aux nom de domaines pour les tunisiens spécialement les personnes physiques. En plus, il faudra lever les contraintes comme le nécessité d'héberger en Tunisie pour pouvoir demander un domaine sous.tn. Ca créera une vraie activité de registrar pour nos FAIs mais aussi pour d'autres entreprises tunisiennes qui pourront aussi chercher a être des  registrars accrédites ICANN. De plus, le lancement du  IDN (Internationalized Domain Name).???? est une opportunité non négligeable pour relancer le secteur et encourager le contenu en langue arabe.
  6. Déploiement du IPv6: il faut accélérer le processus de déploiement du IPv6 et surtout encourager les FAI de l'adopter mais aussi aider les entreprises dans leurs transitions.
  7. Accès au haut débit: faut augmenter le taux de pénétration au haut débit dans les régions tunisiennes en abaissant les prix mais aussi a créer plus de compétitions et libéraliser le marche. Faut aussi revoir le modèle économique des publinets (cybercafes en Tunisie).
  8. Neutralité du Net : la discussion a déjà commencé sous l'égide de l 'autorité de régulation avec les opérateurs télécoms mobiles qui vu leur positions dominantes et l'absence de consultation publique peuvent être a l'encontre des intérêts des utilisateurs d'Internet.
  9. Protection des données privées: malgré la présence de loi pour la protection des données personnelles, elle est peu appliquée et la protection de la vie privée reste au deçà des standards internationaux, La Tunisie pourrait s'inspirer le modèle de l'UE pour la protection de la vie privée

Ce sont juste quelques idées a développer et a discuter, la réforme de l'Internet policy en Tunisie n'est qu'un des chantier a entreprendre et permettra enfin aux tunisiens de jouir de pleins potentiels d'Internet sur tous les aspects: que ce soit social ou économique.

Quelques livres conseillés:

Ce sont quelques livres qui donnent une vision globale sur la gouvernance d'Internet et ses enjeux.

(illustration CC de  Tony Madrid )

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