15/02/2011 2 articles alterinfo.net  8min #49424

 Algérie : L'explosion sociale couve

Bouteflika sera-t-il le prochain?

Je vous le dis tout de suite, je n'en sais rien.

Certains croient que la contestation politique pour l'avènement de la démocratie est une pathologie contagieuse qui diffuse d'autant mieux que les sujets sont réputés appartenir à la même espèce, des Arabes dans l'affaire qui nous occupe.

Les récents événements de Tunisie, d'Egypte ainsi que des mouvements de contestation en Jordanie, au Yémen ou en Algérie tendraient à accréditer ce genre de croyance. Pourtant, si on observe ce qui s'est passé dans les deux pays arabes où la contestation a abouti au départ du chef de l'Etat, force est de constater que s'il y a des similitudes, il y a également des différences très importantes.

Si on y réfléchit d'ailleurs, les points communs sont en bonne partie ceux de toutes les révoltes populaires sous toutes les latitudes: coût de la vie, chômage, corruption, injustices etc. Avec de plus des circonstances bien précises qui tiennent à une hausse des tarifs des denrées alimentaires de base, phénomène qui n'est propre ni à l'Egypte, ni à la Tunisie mais qui tient semble-t-il aux fluctuations des cours mondiaux (quels que soient les facteurs qui influent sur ces cours).

Pour le reste, tout est très différent.: la contestation en Tunisie part d'un incident isolé dont la réalité et la symbolique bouleversent dans son environnement immédiat qui est une petite ville de la périphérie tunisienne. La révolte diffuse à d'autres agglomérations périphériques avant d'atteindre la capitale.

En Egypte, il n'y a pas d'événement déclencheur à proprement parler, sinon une situation en état de pourrissement depuis les dernières élections truquées en avril 2010, et c'est là peut-être qu'on peut parler d'un rôle facilitateur de la contestation en Tunisie. Sinon, on doit constater que la contestation en Egypte touche aussi bien le centre que la périphérie: la capitale comme d'autres villes telles Alexandrie, Assouan ou Ismaïlia ont été le théâtre d'une forte mobilisation. Une autre différence importante est que dès le départ la contestation en Egypte est encadrée par des organisations de type politique. Cet encadrement n'est pas aussi prégnant que celui des partis politiques classiques mais il a montré son aptitude à canaliser et à orienter le mouvement. Le seul encadrement « fort » a été celui des Frères Musulmans mais ce parti n'a été ni à l'initiative ni dominant dans le mouvement. En Tunisie, la contestation n'était pas encadrée et les partis politiques et même le syndicat n'ont vraiment joué un rôle que lorsque tout était pratiquement joué.

En Tunisie, ce sont les Etats Unis qui ont obtenu le départ précipité d'un président qui avait pourtant la situation sécuritaire encore bien en mains et si c'est l'armée qui a démis M. Ben Ali, elle n'a cependant pas pris les rênes du pouvoir. En Egypte, les choses sont moins claires même si on a l'impression que l'armée a arbitré entre la volonté de M. Moubarak, celle de la population et les souhaits des Etats Unis. La contrôle direct du pouvoir par l'armée reste un gage donné aux USA que les Frères Musulmans ne pourront pas tenter un coup de force et que la pérennité du traité de paix avec le régime sioniste sera assurée.

De nombreuses différences pour une maladie contagieuse dont beaucoup de gens se demandent si elle ne va pas toucher l'Algérie.

Pourtant cette maladie avait déjà touché l'Algérie qui s'apprêtait à élire librement une assemblée nationale en majorité mais non exclusivement « islamiste ». Ceux qui ont de la mémoire se souviennent de ce qui s'est passé ensuite, d'autant que beaucoup se félicitaient de l'élimination d'un risque de contagion. Ce même virus avait touché les territoires palestiniens qui s'étaient empressés de mal voter comme on sait puisqu'eux aussi avaient donné une majorité parlementaire au Hamas. Aujourd'hui toutes les puissances reconnaissent pourtant comme légitime Abou Mazen (Mahmoud Abbas) qui n'a pourtant aucun mandat d'aucune sorte.

Bref, revenons à nos moutons: la bactérie va-t-elle toucher l'Algérie?

Pour nous donner une petite idée de ce qui pourrait se passer en Algérie, j'ai cherché un article simple émanant d'un journal qui ne soit ni algérien, ni français. Parce que la presse française, je ne sais pas pourquoi, était si impatiente de voir le virus démocratique déferler sur l »Algérie que le temps d'émeutes dans ce pays, elle en avait oublié la Tunisie dont elle n'avait commencé à parler qu'à reculons.

Ce petit article n'a l'air de rien, mais il dit presque tout ce qu'il y a à dire. Notamment que les manifestants d'Alger ce samedi n'étaient pas bien nombreux et surtout (parce qu'après tout, les petits ruisseaux font les grandes rivières) que la mobilisation n'avait le soutien ni du mouvement syndical, ni des principales forces d'opposition ( ce que l'article du Monde ne dit pas, comme quoi la presse française...) On verra si la mobilisation pourra s'élargir mais pour l'instant elle repose essentiellement sur les épaules du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) du Dr Saïd Saadi. On s'en souvient, le Dr Saadi avait été un ardent défenseur du coup d'état qui avait précipité l'Algérie dans la guerre civile et son parti figurait dans le premier gouvernement Bouteflika jusqu'au début des troubles en Kabylie suite à la mort d'un jeune homme tué dans un poste de gendarmerie.

Comme lettres de créances démocratiques, il y a mieux!

Mais pourquoi s'agite-t-il en ce moment M. Saadi? Parce que la contagion de la contestation dans les pays arabes?

M. Saadi et son parti ont toujours cherché à nier ou à minorer le caractère arabe de l'Algérie.

Alors kézaco?

Saïd Saadi, ce n'est un secret pour personne, pense qu'il a un destin national, chef de l'Etat pas moins. Peu importe s'il s'était pris une veste aux élections dès lors que le front des Forces Socialistes avait pu y participer librement.

Et tout prétendu opposant qu'il est, il appartient en réalité à la sphère dirigeante du pays et il attend de récolter enfin les fruits de l'alliance qu'il a nouée avec certains potentats militaires et il pense que son heure a peut-être sonné. Car si, comme nous le rappelle l'article d'El Diario Montanes, le mandat du président Bouteflika court jusqu'en 2014, il n'est pas du tout certain qu'il puisse l'accomplir intégralement tant son état de santé semble décliner. Une  rumeur ne le donnait-elle pas pour  mort ?

Une manoeuvre à l'intérieur du système de clans au pouvoir donc qui voudrait tirer parti de l'inquiétude suscitée dans les chancelleries occidentales par les contestations dans d'aurtes pays arabes. Et nul doute que Saïd Saadi espère sans doute bénéficier d'un appui des Etats Unis, pays avec lequel il a soigneusement entretenu ses relations (Bouteflika aussi d'ailleurs).

Tiens, on apprend que  les Etats Unis viennent d'appeler les autorités d'Alger à la retenue.

S'il existe une inconnue, c'est celle-ci: quel poids ont les Etats Unis sur les groupes qui dominent le pouvoir en Algérie?  Bouteflika ne veut pas être le prochain

El Diario Montanes (Espagne) 13 février 2011 traduit de l'espagnol par Djazaïri

Il y a peu de chances que l'élan de renouveau démocratique qui traverse l'Afrique du Nord prenne au dépourvu à l'un des présidents à vie qui restent dans la région, ils auront tiré des leçons intéressantes des événements de Tunisie et d'Egypte. La répression massive déclenchée hier à Alger contre une manifestation non autorisée est l'indice que Abdelaziz Bouteflika ne veut pas être le prochain à tomber. Et que pour l'éviter, il continue à chercher du côté de la violation des droits et libertés de ses concitoyens, avant même d'envisager, comme en Jordanie, de quelconques concessions à ceux qui manifestent. En Algérie, la contestation sociale en est venue à s'exprimer très fortement, comme récemment en janvier dernier. Des mobilisations comme celle d'hier, appelée à Alger, à Béjaïa, à Constantine, à Annaba ou à Oran - la deuxième ville du pays - inquiètent un régime qui a pu se maintenir et industrialiser le pays grâce à la rente du pétrole et du gaz, mais sans offrir à la population une lueur quelconque de démocratie, avec un taux de chômage parmi les plus élevés du monde arabe et des niveaux de corruption et de contrôle policier très importants aussi. S'il y a un scénario de changement potentiel, ce devrait être en Algérie.

Les autorités d'Alger ont interdit la manifestation d'hier et ont de plus tout fait pour empêcher qu'elle puisse avoir lieu. La veille, la capitale faisait l'objet d'un dispositif policier impressionnant, comportant près de 30 000 agents venus de tout le pays, dans des autobus civils, pour contenir une mobilisation à l'appel de partis d'opposition et d'organisations de la société civile regroupées dans le Coordination Nationale pour la Démocratie et le Changement.

Barrages routiers Le déploiement policier s'est révélé excessif, pas seulement par rapport au nombre de manifestants - 10 000 au maximum selon les organisateurs, à peine 3 000 selon d'autres sources et même pas 250 selon le ministère de l'intérieur - mais par rapport au caractère de la manifestation qui n'avait ni le soutien, ni la participation des syndicats, des principales forces d'opposition ou des islamistes influents.Les appels à venir rejoindre la manifestation lancés via les réseaux sociaux ont été contrecarrés par la méthode classique du blocage des accès routiers à la capitale.

Des témoins oculaires ont déclaré à la chaîne télévisée Al Arabiya et au journal d'opposition 'El Watan' que des « dizaines d'arrestations » ont été effectuées à Alger. La marche avait commencé à 11h sur la place du 1er mai, aux cris de 'Dehors Bouteflika', et certains manifestants montraient des unes de journaux parlant de la démission de l'ex président Egyptien Hosni Moubarak. Les manifestants ont été encerclés par des policiers qui les ont empêchés de se rendre à leur destination, la place des Martyrs.

Bouteflika, réélu président pour un troisième mandat consécutif il y a moins de deux ans avec plus de 90 % des voix, achève son mandat en 2014

Il aura alors 77 ans et plus de 52 années d'activité politique. Les prochains mois seront décisifs pour savoir si la frustration économique que ressent le pays lui permettra de rester au pouvoir cinq ans de plus.

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