par Pierre Stambul
« La Révolution en Egypte, c'est mauvais pour les Juifs » Ces propos paranoïaques de Zvi Mazel, ancien ambassadeur d'Israël en Egypte n'ont rien de surprenants.
Un « bon Arabe »
Dans l'Histoire, les dirigeants sionistes ont toujours recherché le « bon » Arabe, celui qui faciliterait l'entreprise coloniale. Cela a été le féodal vendant ses terres en Palestine au début du XXe siècle, la dynastie Hachémite (jordanienne) avec qui un accord de partage de la Palestine a été conclu dès les années 1930 ou plus tard les phalangistes libanais, alliés indéfectibles des Israéliens y compris lors du massacre de Sabra et Chatila.
La paix séparée entre Egypte et Israël signée par Sadate et Begin aurait pu avoir un sens : « la paix contre les territoires ». De part et d'autre, elle a été dès le départ une machine de guerre contre les Palestiniens. Avec ce retournement d'alliance, le gouvernement égyptien a approuvé les deux invasions du Liban et la répression sanglante contre les deux Intifadas. Israël et l'Egypte sont aujourd'hui les deux faces inséparables de la politique américaine au Proche-Orient.
Ces deux pays reçoivent l'essentiel de l'aide militaire et économique. Le Hamas étant censé être lié aux Frères Musulmans, Moubarak a contribué au blocus hermétique de Gaza et a approuvé le massacre de l'opération « Plomb durci ». Il aurait été ravi d'une « attaque préventive » contre l'Iran. Les deux pays sont même complices dans la chasse aux Sans Papiers venus d'Afrique de l'Est.
En Israël, la majorité de l'opinion publique espère qu'à terme, les Palestiniens deviendront des indigènes dociles, incapables de réclamer leurs droits. Pour un tel projet, un allié comme Moubarak n'a pas de prix.
Et maintenant ?
Depuis plusieurs années, le rapport de force en faveur d'Israël semble écrasant : le pays n'est pas menacé militairement, la Palestine est divisée, l'alliance américaine reste inconditionnelle (le veto américain au Conseil de Sécurité vient de le confirmer) et les dirigeants arabes sont complices. Échaudée par la chute de Ben Ali, la CIA a contrôlé celle de Moubarak et a facilité la conservation du pouvoir par l'armée avec ses hommes (Souleiman, Tantaoui) aux commandes. Le nouveau régime s'est empressé de dire qu'il respecterait les accords internationaux. Et la question palestinienne n'a pas joué de rôle dans la révolution égyptienne.
Pourtant la chute de Moubarak est catastrophique pour les dirigeants israéliens.
Toute une partie du discours dominant s'écroule.
Les Israéliens ont toujours affirmé « ne pas avoir de partenaire pour la paix » chez les Palestiniens, c'est-à-dire de dirigeant prêt à capituler sur tout. Le sort de Moubarak n'incitera pas l'Autorité Palestinienne à poursuivre des simulacres de négociation.
La propagande israélienne s'est toujours inscrite dans le choc des civilisations, les Arabes étant d'affreux terroristes religieux voulant détruire Israël et les dictatures étant « nécessaires » pour empêcher les Islamistes de l'emporter. La dignité et la soif de liberté des révoltes actuelles balayent ces conceptions racistes. Au contraire, la « seule démocratie du Proche-Orient » apparaît de plus en plus pour ce qu'elle est : un pays où les 50% de la population qui ne sont pas juifs n'ont aucun droit.
Les plus lucides parmi les Israéliens savent comment l'issue de la guerre de 1967 a contribué à écraser dans le monde arabe les mouvements progressistes et à transformer ces pays en dictatures mafieuses. Cette période s'achève. Et des régimes obligés d'être démocratiques auront tendance à être concrètement solidaires des Palestiniens. Si le mouvement populaire dans le monde arabe en général et en Egypte en particulier se fait entendre, la question du blocus de Gaza sera posée. Et au-delà, celle de la division palestinienne.
Dans son histoire, le sionisme a toujours cherché à internationaliser la question palestinienne. Peut-être Nétanyahou est tenté par une aventure militaire au Liban ou en Iran. Mais après la chute de Moubarak, si le côté criminel du sionisme est toujours aussi patent, son aspect suicidaire se révèle un peu plus.