par Gilles Munier
Comme les autres pays arabes, la Syrie est secouée par des manifestations d'opposants. A la différence de ce qui s'est passé en Tunisie et en Egypte, dont les révolutions ont renversé des despotes pro-occidentaux, on ne peut parler dans son cas de soulèvement spontané, mais d'une opération de déstabilisation conçue aux Etats-Unis et en Israël.
Le 30 mars, dans son discours devant les parlementaires syriens, le Président Bachar al-Assad a dénoncé une « conspiration qui vient de l'étranger, mais aussi de l'intérieur du pays. Les personnes derrière cette tentative de déstabilisation mélangent trois éléments : les conflits religieux, les réformes et les besoins quotidiens du peuple », et il a accusé une « minorité » de semer le chaos.
Selon l'agence de presse indépendante Champress (1), les techniques d'agitation employées pour soulever la population à Deraa, près de la frontière jordanienne, ont pour origine un plan ourdi en 2008 par le prince Bandar bin Sultan, ancien ambassadeur saoudien aux Etats-Unis, et Jeffrey Feltman, ancien ambassadeur américain au Liban (2004-2008). Objectif avoué : renverser le Président Bachar al-Assad et diviser la Syrie. Coût de l'opération : 2 milliards de dollars.
Tentative de coup d'Etat en Arabie
A Washington, Bandar bin Sultan était surnommé Bandar-Bush en raison de ses liens avec l'ancien président étatsunien qui l'avait mis dans le secret du projet d'invasion de l'Irak avant le secrétaire d'État américain Colin Powell. Il est marié avec la princesse Iffat, fille du roi Fayçal, connue pour avoir versé des sommes importantes à une fondation caritative, retrouvées ensuite sur le compte bancaire d'un des pirates de l'air saoudien du 11 septembre.
Fin 2008, Bandar bin Sultan aurait tenté de s'emparer du pouvoir en Arabie, avec le soutien des néo-conservateurs américains. Le coup d'Etat, prévu pendant l'agression israélienne de Gaza, devait se dérouler au cours de la période de transition du pouvoir entre George W. Bush et Barack Obama (2). Alerté par les services secrets russes, le roi d'Arabie aurait fait emprisonner Bandar bin Sultan, ainsi que quatre officiers supérieurs (3), puis l'aurait éloigné du pays pour « raisons de santé ». Il est rentré en grâce en 2010.
Son acolyte, Jeffrey Feltman, a été chef de la section politique de l'ambassade des États-Unis en Tunisie de 1998 à 2000. Début 2004, il a représenté la coalition à Erbil, au Kurdistan irakien. Nommé ensuite au Liban, il aurait participé à la création et au financement de l'organisation palestinienne Fatah al-islam, sponsorisée par l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, puis il a été de ceux qui ont désigné la Syrie responsable de l'assassinat de ce dernier.
Instrumentalisation des mécontentements
Jusque dans les détails, les opposants syriens appliquent les directives du plan de 2008, ce qui n'a rien d'étonnant puisque Jeffrey Feltman est aujourd'hui sous-secrétaire d'État américain pour les Affaires du Proche-Orient. Les réseaux de mécontents dont la création était préconisée, via Internet, sont opérationnels. De petits rassemblements, organisés autour d'agitateurs, sont filmés avec des téléphones portables. Quant ils ne sont pas dispersés par la police, les badeaux sont attaqués par des voyous simulant « des forces de sécurité habillées en civil ». Les vidéos, généralement courtes, sont ensuite envoyées à la chaîne qatarie Al-Jazeera et aux médias internationaux.
A noter que parmi les opposants syriens participant à la conspiration, le Parti de la Réforme de Syrie, basé aux Etats-Unis, est le plus actif, médiatiquement parlant. Proche du lobby pro-israélien américain AIPAC, il se veut l'équivalent syrien du CNI (Congrès national irakien) d'Ahmed Chalabi formé en 1992 par la CIA pour renverser Saddam Hussein. L'homme d'affaires Farid al-Ghabri qui le dirige s'est fait remarquer en manifestant devant l'ambassade de Syrie à Washington avec des militants de l'American Jewish Committee, puis en intervenant en 2007 à la Knesset à l'invitation du Likoud où les parlementaires arabes l'ont traité de mercenaire (4).
Les phases ultimes du plan Bandar-Feltman comprennent l'organisation de troubles ethniques et religieux, de dissensions dans l'armée, et la constitution d'un conseil politique destiné à être reconnu par les Occidentaux et leurs obligés arabes. Si, ce qu'à Dieu ne plaise, les conspirateurs parviennent à leurs fins, il ne manquera plus alors qu'un Sarkozy de service et des bombardiers de l'OTAN pour venir en aide aux rebelles...
Comme l'a déclaré Bachar al-Assad au Parlement, la Syrie traverse « un moment exceptionnel qui apparaît comme un test de son unité ».
(1) Media sources reveal details of a conspiracy by Bandar Bin Sultan and Feltman to "destroy" Syria champress.net(2) L'Arabie saoudite face au double défi Part 2/2
http://www.renenaba.com/l%E2%80%99arabie-saoudite-face-au-double-defi-part-22(3) Where is Saudi Prince Bandar bin Sultan ?
http://thegulfblog.com/2010/01/20/where-is-saudi-prince-bandar-bin-sultan(4) Arab MKs attack visiting exiled Syrian leader
http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3411213,00.html
© G. Munier/X.Jardez