Malgré le secours des armées les mieux équipées du monde (forcément, les armes sont fabriquées dans leur pays), les forces "rebelles" sont repoussées par l'armée de Kadhafi, qui gagne du terrain avec ce qui lui reste de matériel disponible.
Même si on n'est pas grand stratège en matière de mouvement des troupes, on peut se poser la question de savoir pourquoi.
James Petras nous donne son explication dans Libya and Obama's Defense of the Rebel Uprising, publié le 2 avril 2011 dans Dissident Voice.
Apparemment, c'est ce que voulaient les manifestants au départ
La Libye et l'aide d'Obama à la révolte des rebelles
Par James Petras
Ces deux dernières semaines, la Libye a subi la plus violente attaque impériale de l'armée de terre, de l'aviation et de la marine de son histoire récente. Des milliers de bombes et de missiles, lancés depuis des sous-marins, des navires de guerre et des avions de chasse américains et européens détruisent actuellement les bases militaires, les aéroports, les routes, les ports, les dépôts pétroliers, les positions de l'artillerie, les tanks, les véhicules de transport de troupes, les avions et les endroits où sont concentrées les troupes en Libye.
Des dizaines d'unités spéciales de la CIA et des SAS britanniques (Special Air Service) consacrent leur temps à entraîner, conseiller et mettre au point la stratégie à suivre pour les soi-disant "rebelles" libyens engagés dans une guerre civile contre le gouvernement de Kadhafi, ses forces armées, les milices populaires et les partisans de la population civile (NY Times, 3/30/11).
Malgré cette aide militaire phénoménale et le contrôle total de l'espace aérien et des côtes de Libye, les "rebelles" se sont avérés incapables de s'assurer le soutien des habitants des villages ou des villes et battent en retraite après s'être retrouvés face à l'armée et les milices extrêmement motivées du gouvernement libyen (Al Jazeera, 3/30/11).
Une des justifications les plus nulles invoquées pour expliquer cette retraite peu glorieuse des rebelles offerte par la "coalition" Cameron-Obama-Sarkozy, et relayée par les médias, c'est que leurs "clients" libyens sont moins bien armés (Financial Times, 3/29/11).
De toute évidence, Obama et compagnie ne prennent pas en compte les dizaines d'avions de chasse, de navires de guerre et de sous-marins, les centaines d'offensives quotidiennes et les milliers de bombes larguées sur le gouvernement libyen depuis le début de l'intervention de l'empire occidental. Selon la propagande quotidienne pro-"rebelles", l'intervention militaire directe de 20 puissances militaires, importantes et de moindre importance, qui détruisent l'état souverain libyen avec la complicité de vingtaines de membres des Nations Unies, ne contribue en rien à une quelconque supériorité militaire de leurs clients impériaux.
Le Los Angeles Times (March 31, 2011), a toutefois raconté que "de nombreux rebelles juchés sur des camions équipés de mitrailleuses ont fait demi-tour et se sont enfuis... alors que leurs mitrailleuses lourdes ou les pièces d'artillerie antiaériennes semblaient être aussi puissantes qu'un quelconque véhicule similaire des forces gouvernementales. Il est indéniable qu'aucune force armée rebelle n'a reçu dans l'histoire récente un tel soutien militaire de la part de tant de puissances impériales pour combattre un gouvernement reconnu officiellement.
Pourtant, les forces armées "rebelles" qui sont au front sont en pleine déroute, fuyant dans la confusion la plus totale et profondément dégoutées par l'attitude de leurs généraux et leurs ministres "rebelles" à Benghazi. Pendant ce temps, les dirigeants "rebelles", vêtus de costumes élégants et d'uniformes taillés sur mesure, répondent à "l'appel aux armes" en assistant à des "sommets" à Londres où la "stratégie de libération" consiste à lancer des appels devant les médias à faire intervenir les troupes de l'empire (The Independent, London, 3/31/11).
Le moral est bas chez les rebelles du front; selon les comptes-rendus crédibles provenant du front à Ajdabiya, "les rebelles se plaignent que leurs anciens commandants soient complètement introuvables. Ils se plaignent de leurs camarades soient partis se mettre à l'abri dans la sécurité relative de Benghazi... Ils se plaignent que les forces armées à Benghazi aient monopolisé 400 radios de campagne qui avaient été données et 400 téléphones par satellite destinés au front... dans l'ensemble, les rebelles disent que les chefs viennent rarement sur le terrain et ont peu d'autorité parce que beaucoup de combattants ne "leur font pas confiance" (Los Angeles Times, 3/31/2011). Apparemment, Twitter ne fonctionne pas sur le terrain.
Dans une guerre civile ne sont pas les armes, ni les entrainements, ni le commandement, même si ces facteurs sont évidemment importants, qui sont décisifs: la différence fondamentale entre les capacités militaires des forces libyennes pro-gouvernementales et celles des "rebelles" libyens, soutenus à la fois par les impérialistes occidentaux et les progressistes, réside en leur motivation, leurs valeurs et les avancées matérielles.
L'intervention impérialiste a renforcé la conscience nationale au sein de la population, qui considère actuellement que les affrontements avec les "rebelles" anti-Kadhafi sont une lutte pour défendre leur pays contre des forces aériennes et navales et des troupes terrestres fantoches - une motivation puissante pour un peuple ou une armée, quels qu'ils soient.
Et c'est l'inverse qui se produit pour les rebelles, dont les chefs ont renoncé à leur identité nationale et comptent absolument sur l'intervention militaire impérialiste pour les installer au pouvoir. Quel combattant rebelle de base est prêt à risquer sa vie, à combattre ses propres compatriotes, simplement pour placer son pays sous régime impérialiste néocolonial?
Finalement, les reportages des journalistes occidentaux parlent de milices progouvernementales dans les villes et les villages qui repoussent ces "rebelles" et racontent même qu'"un car entier de femmes est brusquement arrivé (d'un village)... et qu"'elles se sont mises à acclamer les rebelles en prétendant les soutenir, attirant, en fait, les rebelles soutenus par l'occident dans une embuscade fatale tendue par leurs maris et leurs voisins" (Globe and Mail, Canada, 3/28/11 and McClatchy News Service, 3/29/11).
Les "rebelles" qui pénètrent dans leurs villages sont considérés comme des envahisseurs, qui démolissent les portes, arrêtent les responsables locaux et les accusent de faire partie de la "cinquième colonne" de Kadhafi.
Le risque d'une occupation militaire par les rebelles, l'arrestation et les violences à l'égard des autorités et la perturbation des relations communautaires entre des familles très estimées, des clans et la population locale ont motivé la formation de milices locales et d'unités militaires pour combattre les "rebelles". Les rebelles sont considérés comme des "étrangers" en ce qui concerne leur engagement sur le plan régional et clanique; en piétinant les coutumes locales, les rebelles se retrouvent actuellement en territoire "hostile". Quel combattant rebelle serait prêt à mourir en défendant un terrain hostile? Il ne reste plus à ces rebelles qu'à faire appel aux forces aériennes étrangères pour "libérer" le village pro-gouvernemental pour eux.
Les médias occidentaux, incapables d'appréhender ces avancées matérielles des forces armées progouvernementales, attribuent le soutien populaire à Kadhafi à la "coercition'" ou la "cooptation", s'appuyant sur les affirmations des "rebelles" qui prétendent que tout le monde est secrètement opposé au régime. Il y a une autre réalité matérielle, qu'on occulte opportunément: le régime de Kadhafi a effectivement utilisé les richesses pétrolières du pays pour créer un large réseau d'écoles publiques, d'hôpitaux et de cliniques.
Avec un revenu annuel moyen de 14.900 dollars par personne, les Libyens ont le revenu le plus élevé de toute l'Afrique (Financial Times, 2/4//11). Des centaines de milliers d'étudiants libyens à faible revenu ont reçu des bourses pour poursuivre des études dans le pays et à l'étranger. Les infrastructures urbaines ont été modernisées, l'agriculture est subventionnée et les petits producteurs et patrons de PME reçoivent des aides de l'Etat. Kadhafi a mis lui-même en place ces programmes efficaces, tout en enrichissant son propre clan / sa propre famille.
En revanche, les rebelles libyens et leurs mentors occidentaux se sont attaqués à l'ensemble de l'économie du pays, ils ont bombardé des villes, perturbé les réseaux industriels et commerciaux, bloqué la livraison des denrées alimentaires subventionnées et la distribution des aides financières aux pauvres, provoqué la suspension des cours dans les écoles et fait fuir des centaines de milliers d'employés des professions libérales, d'enseignants, de médecins et de travailleurs qualifiés étrangers.
Les Libyens, qui pourraient par ailleurs avoir du mal à supporter le long mandat du régime autocratique de Kadhafi n'ont d'autre choix désormais que de soutenir soit un état-providence progressiste qui fonctionne bien, soit une conquête militaire dirigée par des pays étrangers. Beaucoup ont choisi, judicieusement, de soutenir le régime.
La débâcle des forces armées "rebelles" soutenues par l'empire occidental, en dépit de leur immense supériorité technique et militaire, est due au dirigeants traitres, à leur rôle en tant que "coloniaux internes" qui ont envahi des communautés locales, et par-dessus tout, à la destruction injustifiée d'un système de protection sociale dont bénéficient des millions de Libyens ordinaires depuis deux générations.
Le fait que les 'rebelles' n'aient pas réussi à progresser malgré le soutien massif des forces armées aériennes et navales implique que la "coalition" US-France-Grande-Bretagne ne va pas se contenter d'intervenir avec les forces spéciales, les conseillers militaires et les équipes de tueurs de la CIA.
Etant donné l'objectif avoué d'Obama-Clinton de "changement de régime", il n'y aura pas d'autre choix que de faire venir les troupes impérialistes, d'envoyer des véhicules de transport de troupes (VTT), et augmenter l'utilisation de munitions à l'uranium appauvri terriblement destructrices.
Obama, le symbole le plus représentatif de l'"intervention'humanitaire armée" en Afrique débitera sans aucun doute, des mensonges encore plus gros et plus grotesques alors que les habitants des villages et des villes de Libye deviendront les victimes du rouleau compresseur impérial. Le premier Noir à être le chef d'entreprise de Washington aura l'honneur d'être inscrit dans le livre d'histoire de l'infamie comme étant le président US a avoir été responsable du massacre de centaines de Libyens noirs et de l'expulsion massive de travailleurs sub-sahariens qu'employait le gouvernement actuel (Globe and Mail, 3/28/11).
Sans aucun doute, les progressistes et les gauchistes anglo-américains poursuivront les débats (sur un ton "civilisé") sur le pour et le contre de cette "intervention", suivant les traces de leurs prédécesseurs, les socialistes français et les partisans américains du New Deal des années 1930, qui avaient à l'époque discuté sur le pour et le contre apporter leur soutien à l'Espagne républicaine... alors qu'Hitler et Mussolini bombardaient la république pour le compte des forces armées fascistes "rebelles" commandées par le général Franco sous la bannière des Phalangistes 'Famille, Eglise et Civilisation' - la version fasciste de l'"intervention humanitaire' d'Obama pour le compte de ses "rebelles".
James Petras, ex-professeur de sociologie à Binghamton University, New York, militant de la lutte des classes depuis cinquante ans, conseiller pour les sans-terre et les sans-droits au Brésil et en Argentine, a coécrit "Globalization Unmasked (Zed Books).
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Analyse personnelle
Eh bien en voilà un beau gâchis bien orchestré!
Le pire, c'est que la gauche ne s'est rendu compte de rien. Enfin, je veux dire celle qui est censée être pacifiste.
Pourtant les ficelles étaient grosses.
Et toujours avec le même scénario (pourquoi en changer quand ça marche si bien à tous les coups?):
un dictateur sanguinaire; un pays riche en ressources pétrolières; un peuple opprimé à délivrer; la médiatisation de massacres atroces; une intervention "humanitaire"; le pillage des services publics; l'appropriation des ressources; escalade du nombre de victimes; une multitude de personnes déplacées; un gouvernement fantoche; des factions ennemies; des "terroristes islamistes", au besoin...
Mais je m'égare, on n'en est pas encore là en Libye.
On en est à la phase "intervention humanitaire".
Alors, reprenons des bribes du film qui se déroule en Libye, en vrac et pas forcément dans la stricte chronologie, mais les faits sont là:
Manifestations "spontanées".
newsnet_51605_.khadafiparapluiet.jpgKadhafi lance depuis son blockhaus son fameux "tenga, tenga", bien à l'abri des balles sous son parapluie bleu.
Les manifestants libyens sortent les armes, prennent des villes, dont Benghazi.
A la commission des Droits de l'homme de l'ONU, les Libyens tombent dans les bras de certains membres en sanglotant, et désavouent le tyran.
L'armée, en partie, fait pareil. Des hauts gradés rejoignent les "rebelles". Des ministres lâchent Kadhafi. Un premier Conseil de la Résistance se forme. Puis un second, le CNT, le Conseil National de Transition, avec, parmi eux, d'anciens hauts responsables qui se feront les porte-parole des "révolutionnaires" (moi, si un truc comme ça se passait en France, hors de question que le CNR soit dirigé par Fillon, Juppé et Devedjan!).
Sarkozy reconnaît, sans tarder et en toute illégitimité, la légitimité de ce Conseil.
(Un scénario qui n'a rien à voir avec ce qui s'est passé ailleurs dans la région, donc. Les personnalités qui ont lâché Kadhafi avaient-elles des garanties extérieures pour s'exposer ainsi et si vite? D'aucuns diront que non, qu'ils en avaient simplement marre de Kadhafi. Mouais, aux postes qu'ils occupaient, cela ne devait pas être les plus malheureux, non? Et puis, Kadhafi n'a pas été tout seul pour le boulot de dictateur qu'il avait depuis 42 ans, si on réfléchit. Et enfin, pour régner en maître, la loyauté, ça s'achète. Cher).
Sarkozy reçoit deux membres du CNT présentés par BHL lui-même, parti en Libye rencontrer les "révolutionnaires" - j'ai oublié au nom de quoi, d'ailleurs, mais il doit y avoir une raison, évidemment.
BHL est alarmant: le dictateur assassine son peuple! Il faut agir avant qu'il y ait d'autres massacres. Les rebelles se font tirer dessus comme des lapins. Il y a des centaines de milliers de morts.
Oulalah! Faisons au plus vite: Mettons en place une zone d'exclusion aérienne. Viiiiiite! J'en appelle à... (phase médiatisation de massacres atroces, comme les bébés dans les couveuses ou les charniers).
Sarkozy, en qui on peut avoir toute confiance, rédige avec son homologue brit, Cameron, en qui les Britanniques peuvent avoir toute confiance, un projet de résolution de l'ONU.
Palabres. Ca traîne à l'ONU, rhaaa! puis c'est d'accord, ouf!
Fin de l'Acte I.
Pipo et Mario partent en tête du cortège sauver les révolutionnaires d'une mort certaine et atroce. La "France" applaudit presque autant que ce qu'elle avait applaudi au discours de Villepin.
Dans le camp des pacifistes, c'est l'affaire Dreyfus.
Obama rejoint la mission humanitaire dès le lendemain. En tant que Prix Nobel de la Paix, il est même un peu en retard sur l'horaire.
Après des milliers de bombes larguées par la coalition, aucune victime, aucun dégât matériel - pas à ma connaissance, du moins - à part des blindés et des avions, ça normal. Ils sont forts ces Ricains. On l'a toujours su. Ne parlons pas d'Achille et Zavatta.
Aujourd'hui, c'est l'impasse. Les forces de Kadhafi reprennent du terrain. Kadhafi est prêt à négocier, mais le CNT ne veut pas. Il faut qu'il s'en aille d'abord.
Forcément, si Kadhafi reste, ils sont morts.
Mais Kadhafi, selon les lois internationales, n'a aucune raison de partir. Ce sont les envahisseurs qui ne sont pas là légitimement. Tyran ou pas tyran.
Donc, à moins de le tuer, à moins d'intervenir au sol, Kadhafi restera.
Le CNT a tout intérêt à ce que la coalition entre en Libye. Et la coalition a plein d'intérêts en Libye.
On en est où, là? Au stade "impasse"... euh, je veux dire "négociations"?
Eh bien, FLASH BACK:
On revient au moment où Chavez avait proposé de négocier avec Kadhafi avant toute intervention armée - c'est-à-dire à X centaines/milliers de morts en moins, X infrastructures, bâtiments, etc. intacts, X centaines/milliers de personnes épargnées par les effets de l'uranium appauvri, etc.
A cette époque, même si Kadhafi était resté, il aurait été possible d'exiger des garanties de sa part: démocratisation des institutions, développement des aides sociales, respect des droits humains, etc. (puisque c'est ce qu'ils disent qu'ils veulent).
Mais, qu'est-ce qu'ils lui ont dit, à Chavez? D'aller se faire voir, que ceux qui défendaient des dictateurs étaient des dictateurs eux-mêmes, comme leur copain Castro. Belle équipe de despotes.
Et ils la ramènent en plus, les fourbes!
Quant à Poutine, il a dit que, non, il n'avait rien vu sur ses écrans. Dictateur! Et fourbe, avec ça!
Fin de l'Acte II
La suite bientôt.
Mais les drames, par définition, ça ne finit jamais bien.
Quant à sarkozy, on dirait que la Libye, ça ne l'amuse plus tant que ça. Le voilà parti en Côte d'Ivoire déloger un autre dictateur.
S'il doit faire la tournée, il n'a pas fini. En plus, c'est tous des copains.
Copains d'alors