14/05/2011 cadtm.org  7min #53041

 Athènes : Consciences affûtées et discours enflammés contre la dette et l'austérité !

Déclaration de la Conférence d'Athènes sur la dette et l'austérité

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Nous, représentant-e-s de mouvements et activistes venant de différents endroits du globe, nous somme réuni-e-s à Athènes pour tirer les leçons des différentes crises économiques internationales précédentes, pour mettre en cause la dette illégitime et se mobiliser pour son annulation, pour apporter notre solidarité aux peuples européens en lutte contre l'injustice des programmes d'austérité qui leur sont imposés par leur gouvernement, l'UE et le FMI, et dont les "protocoles d'accord" ("Memoranda of Understanding") sont l'illustration, ainsi que pour formuler un plan d'action économique qui satisfasse les besoins des peuples au lieu de servir les intérêts d'une toute petite élite sociale.

De nombreux pays en développement traversent des crises de la dette depuis les années 1970. Après des années pendant lesquelles la finance internationale a pris des risques inconsidérés en ouvrant grand les vannes du crédit, le FMI, en contrepartie du sauvetage des banques et de la finance, a imposé aux populations parmi les plus pauvres du monde des politiques d'austérité brutales qui ont réduit leurs revenus et la protection sociale. Ces politiques injustes n'ont pas permis une reprise économique. Au contraire, elles ont accru la dépendance des pays endettés à la loi des marchés financiers, rendant les gouvernements de moins en moins responsables devant leurs citoyen-ne-s. Ce n'est que lorsqu'une poignée de pays ont revendiqué leurs droits et se sont élevés contre l'imposition de l'austérité, contre le sauvetage de la finance, et contre le poids écrasant de la dette que la reprise a été possible, au moins pour une courte période. C'est ce qui s'est passé en Argentine en 2001. Cette expérience doit servir à d'autres pays, comme l'Egypte, la Tunisie et le monde arabe dans son ensemble qui luttent aujourd'hui pour la démocratie et font face aux dettes odieuses de régimes dictatoriaux.

Aujourd'hui, dans le sillage de la crise économique mondiale, les pays périphériques de l'UE sont confrontés à une sévère crise de la dette. Ils y ont été poussés par les opérations du système financier mondial mais aussi par le cadre institutionnel et les politiques économiques de l'UE, qui favorisent systématiquement les intérêts du capital. Le Pacte de Croissance et de Stabilité a fait pression sur le travail dans tous les pays de la zone euro, tandis que la Banque centrale européenne a soutenu les intérêts des grandes banques. L'UE s'est divisée entre un centre puissant et une périphérie faible. Les dettes accumulées par la périphérie sont le résultat du fossé qui les sépare du centre mais aussi du creusement des inégalités entre les très riches et le reste de la société. Les travailleurs/euses et les chômeurs/euses, les petit-e-s agriculteurs/trices, les petites et moyennes entreprises, sont désormais obligé-e-s de porter le poids de ces dettes, et ce bien qu'ils/elles n'en aient pas bénéficié.

L'austérité et les mesures de privatisation vont pressurer en premier lieu les plus pauvres, alors que ceux et celles qui sont à l'origine de la crise sont secourus. Le Pacte pour l'euro va exacerber la pression sur le travail. Les riches et les grandes entreprises vont continuer à échapper à des impôts qui pourraient être utilisés pour construire une société plus juste. Si ces mesures ne sont pas mises en cause, elles auront un impact considérable en Europe, en modifiant de manière drastique le rapport de forces en faveur du capital et au détriment du travail pour de nombreuses années.

Ceux qui sont en première ligne s'opposent à cette tentative de faire payer les coûts de la crise aux travailleurs/euses et aux pauvres et d'épargner les très riches. Les peuples de Grèce, d'Irlande et du Portugal, mais aussi de Pologne, de Hongrie de Slovénie et d'autres pays d'Europe centrale et orientale remettent en cause les politiques d'austérité de l'UE et du FMI, s'opposent au pouvoir de la finance internationale, et rejettent l'esclavage de la dette. Nous appelons les peuples du monde entier à manifester leur solidarité avec les mouvements dans ces pays qui se battent contre la dette et les politiques pernicieuses qu'elle engendre.

Plus particulièrement, nous appelons à soutenir :

?L'audit démocratique des dettes comme un pas concret en direction de la justice en matière d'endettement. Les audits de la dette avec participation de la société civile et du mouvement syndical, tels que l'Audit citoyen de la dette au Brésil, permettent d'établir quelle part de la dette publique sont illégales, illégitimes, odieuses ou simplement insoutenables. Ils offrent aux travailleurs/euses les connaissances et l'autorité nécessaires au refus de payer la dette illégitime. Ils encouragent également la responsabilité, la reddition de comptes et la transparence dans l'administration du secteur public. Nous exprimons notre solidarité avec les audits en Grèce et en Irlande et nous tenons prêts à y apporter notre aide en termes pratiques.

?Des réponses souveraines et démocratiques à la crise de la dette. Les gouvernements doivent répondre en premier lieu à leur peuple, et non aux institutions de l'UE ou au FMI. Les peuples de pays comme la Grèce doivent décider quelles politiques sont à même d'améliorer leurs chances de reprise et de satisfaire leurs besoins sociaux. Les Etats souverains ont le pouvoir d'imposer un moratoire sur le remboursement si la dette détruit les moyens de subsistance des travailleurs/euses. L'expérience de l'Equateur en 2008-9 et de l'Islande en 2010-11 montre qu'il est possible de donner des réponses radicales et souveraines au problème de la dette, y compris en répudiant sa part illégitime. La cessation de paiements justifiée par l'état de nécessité est même reconnue légale par des résolutions de l'ONU.

?Une restructuration économique et une redistribution, pas d'endettement. La domination des politiques néolibérales et le pouvoir de la finance internationale ont mené à une croissance faible, des inégalités croissantes, et à des crises majeures tout en sapant les processus démocratiques. Il est impératif de changer les fondements des économies par des programmes de transition qui comprennent le contrôle sur les capitaux, une régulation stricte des banques et même leur transfert au secteur public, des politiques industrielles qui reposent sur des investissements publics, le contrôle public des secteurs stratégiques de l'économie et le respect de l'environnement. Le premier objectif doit être de protéger et d'augmenter l'emploi. Il est aussi crucial que les pays adoptent des politiques redistributives radicales. La base d'imposition doit être étendue et devenir plus progressive en taxant le capital et les riches, permettant ainsi la mobilisation de ressources internes comme alternative à l'endettement. La redistribution doit aussi inclure la restauration des services publics de santé, d'éducation, de transport et des retraites ainsi que renverser la pression à la baisse sur les salaires. Il s'agit là des premiers pas vers la satisfaction des besoins et aspirations des travailleurs/euses, mesures qui par ailleurs renverseraient le rapport de forces au détriment du grand capital et des institutions financières. Elles permettraient aux peuples d'Europe, et plus largement du monde entier, de maîtriser davantage leurs moyens de subsistance, leurs vies et le processus politique. Elles offriraient également de l'espoir à la jeunesse d'Europe dont l'avenir semble aujourd'hui bien sombre, avec peu d'emplois, des salaires bas et l'absence de perspectives. Pour ces raisons, soutenir la lutte contre la dette en Grèce, en Irlande, au Portugal et dans d'autres pays d'Europe est dans l'intérêt des travailleurs/euses, où qu'ils/elles se trouvent.

Athènes, le 8 mai 2011

Initiative pour une Commission d'Audit Grecque European Network on Debt and Development Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM) The Bretton Woods Project, Grande-Bretagne Research on Money and Finance, Grande-Bretagne Debt and Development Coalition Irelande Afri - Action from Ireland WEED - World Economy Environment Development, Allemagne Jubilee Debt Campaign, Grande-Bretagne Observatorio de la Deuda en la Globalización, Espagne

P.-S.

Traduit par Stéphanie Jacquemont

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