Après quatre semaines qui ont transformé la Puerta del Sol, à Madrid, en un symbole du malaise de l'Espagne face au chômage et à la crise, les jeunes "indignés" démontent leur campement dimanche en promettant de continuer à faire entendre leur voix.
"Si vous ne nous laissez pas rêver, nous ne vous laisserons pas dormir", avaient-ils prévenu en plantant leur village alternatif le 17 mai sur la grande place du "kilomètre zéro", au coeur de la capitale espagnole.
Presque un mois plus tard, malgré un avenir en point d'interrogation, les "indignés" annoncent d'autres rendez-vous, à commencer par une journée nationale le 19 juin.
"La place restera un lieu d'assemblées, chaque quartier continuera à travailler et nous poursuivrons le mouvement sur internet", assure un porte-parole, Marcos Quesada, étudiant en droit de 19 ans.
Déjà, les manifestants ont construit au milieu de la Puerta del Sol une structure en planches de chantier et matériaux de récupération, leur futur point d'information permanent.
"Pour que reste vivant le symbole de Sol", explique Irene Rodriguez, une jeune fille de 22 ans qui travaille à la commission des "infrastructures", "au chômage malgré deux diplômes d'architecte et d'ingénieur, et trois langues".
Le mouvement était né spontanément le 15 mai d'une manifestation de citoyens autour de cibles disparates: le chômage qui frappe plus de quatre millions d'Espagnols et presque la moitié des moins de 25 ans, les politiciens taxés de cynisme et de corruption, les banques, les dérives du capitalisme.
Très vite, relayé par les réseaux sociaux, il a tissé sa toile à travers l'Espagne, dans une fronde au ton libertaire, inédite dans ce pays où des campements ont fleuri sur les places publiques de dizaines de villes et villages.
Après les rassemblements de dizaines de milliers de personnes au moment des élections locales du 22 mai, le campement s'est vidé au fil des jours, mais les "indignés" ne désarment pas.
"Je suis ici depuis le premier jour, et je suis fatiguée", confie Irene Rodriguez. "C'est difficile. Les gens doivent continuer leur vie, leur travail. Et beaucoup préfèrent regarder depuis leur canapé".
Ces jours-ci pourtant, ils sont passés à d'autres formes d'action: sit-in nocturne, mercredi, devant le parlement, ciblant la classe politique aux cris de "bien sûr, bien sûr qu'ils ne nous représentent pas".
Puis samedi, face-à-face mouvementé avec la police anti-émeutes pour accueillir la réélection du maire conservateur de Madrid, Alberto Ruiz-Gallardon.
"Depuis la décision mardi de lever le campement, le mouvement s'est réveillé, nous sommes revenus à notre but, avec des cibles politiques", assure un représentant des "indignés" en refusant de dévoiler son nom.
Leur plate-forme réclame une modification de la loi électorale, accusée de ne pas donner de place aux petits partis, la "transparence" des instances politiques et économiques, la participation des citoyens à la vie politique.
Mais les outils restent flous, les propositions concrètes rares, les leaders inexistants. Et l'avenir des "indignés", pourtant soutenus par l'opinion publique, très incertain.
"Qu'ils nous apportent des propositions recueillant 500.000 signatures et nous les examinerons", remarquait un responsable gouvernemental.
"Leur avenir dépendra de leur imagination afin de se maintenir unis et informés. Les indignés sont un collectif beaucoup plus vaste que ceux qui campent sur les places", analysait Antonio Alaminos, sociologue de l'université d'Alicante.
"Il est important que cette indignation soit canalisée à travers des projets coordonnés", remarque Israel Rodriguez Giralt, professeur de sciences de l'éducation à l'université de Barcelone. "C'est la force et aussi le défi de ce mouvement".