La crise grecque est la preuve, éclatante, que nous nous sommes trompés de construction européenne. Il est, bien sûr absurde, de considérer que la Grèce est de la même puissance économique que l'Allemagne, au prétexte qu'elles partagent la même monnaie. Nous sommes dans une fiction économique et monétaire globale, qui ne peut que mal finir.
On sait bien que la Grèce ne peut s'en sortir qu'en quittant, sinon l'Europe, du moins l'Euro, en dévaluant pour revenir à une saine réalité. Mais crèvent les Grecs, plutôt que les tabous financiers mondialistes.
Il y a un autre aspect des choses, peut être plus important encore. Comment peut-on se dire européen et mépriser les Grecs, même s'ils sont nuls économiquement ? Car l'Europe doit tout, ou presque, au génie grec, qui est sa matrice.
C'est bien la preuve, absolue, que l'Europe que l'on nous impose n'est qu'un projet économique, sans âme et sans véritable ambition de civilisation enracinée dans l'histoire. L'arbre est pourri, car les racines historiques ont été asséchées par la bureaucratie et le tout financier.
Un problème de conception européenne
Comment peut-on se dire européen, pousser, de fait, la Grèce à la sortie et encourager une entrée de la Turquie? Il y a certes un problème de construction européenne. Mais il y a, avant tout, un problème de conception européenne.
Seulement les Grecs, incapables de s'adapter à une globalisation, niant certaines diversités et inégalités par idéologie, peuvent rendre un nouveau service à l'Europe. La révolte des opprimés, de l'austérité imposée, semble devoir faire tache d'huile. C'est peut être le signal de la remise en cause d'un édifice, qui est un monstre froid, sans respect pour son passé et les peuples qui ont fait ce passé.
L'Union européenne exige une nouvelle austérité pour sauver la Grèce. Pour parer au plus pressé, les grands argentiers de l'Eurozone ont posé les conditions au versement, «d'ici mi-juillet», de la prochaine tranche des 110 milliards d'euros de prêt sur trois ans, promis l'an dernier par la troïka. Le déblocage de ce prêt est lié «à l'adoption de législations clés sur la stratégie budgétaire et les privatisations par le Parlement grec», ont indiqué les ministres, à l'issue d'une énième réunion sur la crise grecque, entamée à Luxembourg.
Sans ce prêt, Athènes, confronté à des échéances de refinancement, risque la faillite, dès le mois prochain. L'Union, garante de la paix et de la prospérité, a mené donc, par irréalisme, un pays à la faillite. C'est cela, la réalité !
Un pays qui pense pouvoir se sauver en se vendant. Ou que l on prétend sauver en le vendant, car le pays est exsangue. L'Europe a inventé l'esclavage économique pour un pays entier :
- Réduction du 1/5 des effectifs publics. Les fonctionnaires, qui conservent leur poste, devront travailler plus ou parfois se mettre à temps partiel.
- Création d'un "impôt de solidarité".
- Alignement des produits bénéficiant d'une TVA réduite à 13% au taux normal de 23%.
- Hausses des taxes sur le gaz, le tabac et les cartes grises des voitures.
- Durcissement des conditions d'accès aux allocations sociales et chômage.
- Réduction du montant de certaines pensions de retraite complémentaires.
- Déremboursement de certains médicaments et prestations médicales.
- Réduction des dépenses militaires.
- Réduction des investissements publics.
Prométhée peut se libérer de ses chaînes
Que faire de plus ? L'Europe a déjà vendu la Grèce au FMI. L'ample mise en vente des propriétés publiques, allant des télécoms à l'électricité en passant par les ports, les aéroports et les trains, est censée rapporter 50 milliards d'euros d'ici à 2015. Et maintenant, on envisage de vendre des plages et des monuments. Mais, pour vendre aux rapaces, il faudra faire de nouvelles réformes et accepter une réduction massive de la valeur des actifs. C'est Sisyphe, mais c'est surtout Prométhée.
La Grèce est, plus que jamais, l'image de Prométhée, titan qui a osé apporter la lumière aux hommes qui défient le destin et l'obscurantisme. Pour avoir enfreint la loi des Dieux, il est condamné. Il est enchaîné par Héphaïstos, sur le plus haut sommet du Caucase où, à l'infini, aigles et vautours viennent, le jour, lui dévorer le foie qui renaît chaque nuit.
Les rapaces ont changé ; le supplice est le même. C'est Héraclès qui, passant par-là, perce d'une flèche les rapaces et libère Prométhée. Car, bien sûr, Prométhée peut se libérer de ses chaînes... Pas seul, mais il le peut! Les vautours de la finance feraient bien de s'en souvenir.