25/06/2011 tlaxcala-int.org  4min #54484

 Le printemps espagnol

Espagne : L'automne du mouvement du 15 Mai

 Carlos Taibo
Translated by  Manuel Talens

Il va sans dire que le titre de cet article n'est pas une métaphore. Je ne voudrais en aucun cas suggérer que le mouvement du 15 Mai est en déclin. Dans les lignes qui suivent je vais plutôt examiner quelques points qui, d'une façon ou d'une autre, marqueront inévitablement le cours de ce mouvement en septembre prochain à travers toute l'Espagne et – sans doute après l'inévitable pause estivale – les initiatives reprendront avec force et radicalité.

L'autre volcan – celui du Mouvement espagnol du 15 Mai – réussira-t-il à empêcher l'envolée de la spéculation sur les marchés européens ? (Forges)

Premièrementce le mouvement est conscient qu'il doit aller de l'avant en menant des campagnes très diverses qui, même si elles ne sont pas aussi symboliques que les campements des dernières semaines, maintiendront vivante la flamme de la contestation et de la mémoire. Parmi d'autres exemples, je pense à la convocation de rassemblements sur de nombreuses places, à la préparation des manifestations qui auront lieu le 15 octobre, aux marches prévues sur Madrid au cours des prochaines semaines, au support à la campagne de harcèlement contre les expulsions des ménages en défaut de paiement hypothécaire, à l'extension des campements dans des villes nouvelles du pays ou à la mondialisation de nombre d' actions développées jusqu'à maintenant.

Deuxièmement, il faut envisager les effets prévisibles de la violence que le mouvement va sans doute essuyer. À ce jour je suis convaincu que le 15-M est porteur d'une telle force que là aussi les choses ont changé : si, voici deux mois encore, la violence répressive provoquait la peur et la retraite, aujourd'hui elle alimente une volonté ferme et générale de maintenir les convictions et les initiatives.

Le troisième point intéressant, c'est ce qui pourrait se produire à l'automne dans les universités. Il ne faut pas oublier que celles-ci ne se sont presque pas mobilisées pendant les dernières semaines, même si dans les campements et les manifestations on trouvait beaucoup d'universitaires et de jeunes qui ont quitté récemment l'université. Il est raisonnable de penser qu'en septembre et octobre, une période moins plombée par les examens, on assistera dans les facultés et instituts universitaires à un renforcement des militants très bienvenu pour le 15-M. Il reste à savoir si à l'automne on assistera aussi à des mobilisations dans les lycées ; à cet égard on doit souligner qu'en général ceux-ci sont restés loin de l'effervescence du 15-M.

Le quatrième point est l'appel prévisible à une grève générale et, avec elle, la possibilité que la vague du 15-M commence à s'implanter solidement dans le monde du travail. Ce sont logiquement les syndicalistes contestataires qui doivent en prendre l'initiative, car il serait lamentable qu'ils se laissent intimider : le véritable échec serait de ne pas appeler à la grève. Sous ce rapport tout ce qu'on a appris par le passé ne sert à rien et face à une contestation qui s'étend partout, on ne doit pas écarterla possibilité d'un succès de la grève. Pour ma part je ferais appel aux secteurs des syndicats CCOO et UGT qui conservent encore quelque volonté de réponse.

Cinquièmement, la tenue anticipée des élections générales espagnoles à l’automne pourrait avoir un effet stimulateur. L’une des explications du succès du mouvement 15-M a été son apparition au beau milieu d'une campagne électorale aussi terneque sordide. Même si les élections n'étaient pas avancées, le mois de mars 2012 –initialement prévu pour aller aux urnes – n'est pas non plus si lointain et il pourrait offrir une occasion supplémentaire d'étayer les mobilisations un peu partout.

À tout cela j'ajoute un stimulus très puissant qui nourrit la vitalité du mouvement : la certitude que ceux qui nous gouvernent ne modifieront nullement les politiques qu'ils appliquent depuis longtemps. Autrement dit : il est impossible que certaines concessions de la part du pouvoir se traduisent par des reculs dans la contestation ou par des divisions internes à l'intérieur du 15-M.

Au-delà de tous ces aspects, il est certain que l'avenir du mouvement dépend de lui-même. À cet égard nous sommes très nombreux – je le crois fermement – à vouloir qu'il devienne un réseau actif d'assemblées et d'autogestion pour faire face un peu partout aux pouvoirs établis en s'opposant au capitalisme, à la société patriarcale et au productivisme, le tout en solidarité internationaliste avec les pays du Sud. Ce programme de base n'est pas très éloigné des désirs de beaucoup de gens, jeunes et moins jeunes, qui occupent les rues ces jours-ci.


Courtesy of  Tlaxcala
Source:  rebelion.org
Publication date of original article: 23/06/2011
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