A l'époque de la télé par satellite et d'internet, il n'aura fallu finalement que 140 jours environ - soit 3 360 heures ou 201 600 minutes - pour que les grands médias francophones commencent à se poser la question de l'exactitude de leurs « infos » sur la Syrie : après - ou plutôt en même temps que - Le Monde.fr qui vient (voir notre article « Petit hommage du vice à notre vertu «, mis en ligne le 5 août) de reconnaître que la personnalité de Rami Abdel Rahmane et des chiffres qu'ils fournissait faisait - de plus en plus - débat, c'est la chaîne d'information continue France24 qui se pose gravement la question : « La contestation syrienne est-elle toujours pacifique ? »
Par Pierre Marulaz
Il y aurait là de quoi rire pour les lecteurs d'Infosyrie.fr et d'autres sites « dissidents », si ce n'était si grave sur le fond : les « professionnels » de France24 découvrent tout juste qu'il y a des groupes armés à l'oeuvre en Syrie, un mois et demi après les massacres de policiers de Jisr al-Choughour, trois semaines après les heurts inter-confessionnels - provoqués par des radicaux sunnites - de Homs. Mais France24 le dit elle-même sur son site : il a fallu la diffusion, « depuis quelques jours«, de certaines « vidéos amateur », vidéos « relayées par la télévision syrienne et les chaines Youtube proches du pouvoir«, pour que ses journalistes se posent des questions. Ou, plus pudiquement, disent que certains se posent des questions.... On portera au crédit de France24 de mettre en ligne, ce que n'a pas fait à notre connaissance le site du Monde, une vidéo d'un extrait d'un reportage diffusé par la télévision syrienne et montrant sans équivoque possible des émeutiers armés parader dans les rues de Hama en criant « Allah o Akbar ! » et faire le coup de feu contre les forces de l'ordre. Rien de très nouveau pour les lecteurs d'Infosyrie.fr, mais on ne peut que se réjouir que la diffusion de tels documents s'étende au lectorat de la « grande » presse.
Vent de nervosité dans l'opposition Facebook
L'effet de ces vidéos - au fait à quand la diffusion par nos confrères de la grande presse de celle montrant des cadavres ensanglantés jetés dans l'Oronte par des manifestants présumablement islamistes ? - est en tout cas assez dévastateur pour que, selon France24, de nouvelles pages Facebook aient été créées « immédiatement » par des activistes invitant les opposants de Syrie « à maintenir le caractère pacifique des manifestations et à ne pas tomber dans ce qu'ils considèrent comme un piège tendu par le régime en prenant les armes. » On est sûr que les excités islamistes de Hama, Homs et d'ailleurs écouteront « religieusement » ce sage conseil !
Soyons sérieux : si piège il y a, les cyber-opposants se le sont tendu eux-mêmes, en suscitant la rébellion violente contre le régime, en appelant à le renverser par tous les moyens et d'abord ceux de la rue, sans vouloir voir que les Frères musulmans étaient les mieux à même de récupérer et d'orienter le mouvement, de le faire dégénérer en guérilla urbaine. Ces apprenti-sorciers - nous parlons ici de ceux qui croyaient sincèrement à une démocratie pluraliste et apaisée, pas des islamistes ou agents américains déguisés - ont semé le vent de la contestation - sans aucun doute justifiée à maints égards - sans comprendre qu'il existait beaucoup de gens en et surtout hors de Syrie qui guettaient depuis longtemps cette occasion de déstabiliser un pays essentiel à l'équilibre du Proche-Orient. Un pays qui est comme un caillou dans la chaussure des tenants du Nouvel Ordre mondial, qu'ils soient américains, européens, israéliens ou même arabes. Ces cyber-opposants, enivrés par l'écho intéressé que leur renvoyait les gouvernements et médias d'Occident, se sont donc « enivrés » de radicalité, moquant les déclarations et gestes d'ouverture du régime, ignorant même superbement - ou calomniant - l'opposition modérée intérieure, celle qui accepte de dialoguer.
Les questions franchissent la frontière franco-belge
Dernière minute : la contagion du doute - ou au moins du débat - s'étend au-delà de nos frontières puisque le site de la RTBF belge - RTBF.be - reprend en partie - ce vendredi 5 août - l'article du Monde.fr sur les chiffres contestables et contestés fournis par la rébellion syrienne. RTBF.info précise même que début juillet un journaliste belge, François Janne d'Othée, avait voyagé en Syrie pendant une semaine, « constatant peu de signes d'agitation et de répression sauf à Hama«. Notre confrère belge cite aussi le site de l'hebdo Jeune Afrique qui constate qu' « en Syrie, les images de groupes armés postés sur les toits et tirant au hasard sur la foule et sur les forces de l'ordre sont diffusées par les télévisions nationales. Sur les chaînes occidentales et saoudiennes, les mêmes images sont reprises pour attribuer ces crimes au gouvernement de Damas. » A ce propos, on serait un journaliste occidental français, de France 2, d'I-Télé ou d'Arte, on serait un peu gêné d'avoir la même grille d' « analyse » que la télé saoudienne !!!
Alors, à quand Laurence Ferrari ou Marie Drucker faisant état de « doutes », dans leur « 20 heures » respectif, sur la réalité de certains points de la vulgate anti-Bachar qui est remâchée depuis plus de 4 mois par leurs chaînes ?
On parle beaucoup - et avec beaucoup de trémolos - chez les opposants syriens et leurs puissants relais internationaux, de la « révolution » syrienne : mais seule la vérité est révolutionnaire, et elle n'est pas forcément du côté qu'on croit !