06/08/2011 alterinfo.net  5min #56051

 Escalade militaire : Phase 2 de la guerre en Libye

Libye: Le Ramadan dans des conditions difficiles

 afriquejet.com

En plus de la chaleur suffocante de l'été au sud de la Méditerranée, la Libye est en train de vivre un mois de Ramadan des plus difficiles et des plus dramatiques du fait qu'il a coïncidé cette année avec l'une des plus graves crises que le pays a jamais connues tout au long de son histoire contemporaine. A la différence de plusieurs pays arabes, africains et du Tiers-Monde en général, la Libye a en effet joui durant les quatre dernières décennies de la Révolution qui a renversé le 1er septembre 1969 la monarchie des Senoussi, d'une certaine stabilité socio-politico-économique qui lui a permis de prospérer.

Malgré les sept années d'embargo imposées au pays dans le cadre de l'affaire de Lockerbie qui ont constitué le seul incident de parcours de son histoire ayant freiné le développement du pays, les recettes du pétrole qui ont échappé à cet embargo ont pu assurer la couverture nécessaire pour gérer une situation aussi délicate.

En effet, malgré les difficultés de la conjoncture économique internationale, la plupart des services, comme la santé et l'éducation, sont demeurés gratuits en Libye, tandis que l'Etat a poursuivi sa politique de subvention des produits alimentaires de base, ainsi que des services d'eau et d'électricité.

Toutefois, la crise actuelle qui secoue le pays a de nouvelles dimensions. Il s'agit d'une rébellion armée d'une petite partie de la population qui est aggravée par une intervention étrangère.

Conduite au départ par les Etats-Unis, la France et l'Italie, la campagne militaire qui a été déclenchée le 19 mars dernier contre la Libye et dont les commandes ont été prises par l'OTAN, selon tous les observateurs, a largement outrepassé le mandat du Conseil de sécurité pour cibler systématiquement l'infrastructure de base du pays et les civils libyens.

Du jour au lendemain et sans crier gare, les Libyens se sont affrontés pour la première fois de leur histoire avec des armes.

Ainsi, une véritable guerre fratricide a éclaté dans le pays faisant couler le sang d'un même peuple réputé pour son unité et l'inexistence de facteurs de nature à créer des tensions entre ses différentes composantes qui ont toujours vécu en parfaite intelligence depuis la nuit des temps.

Cette situation a créé un climat inédit et des conditions difficiles pour la population, bien que l'Etat soit intervenu pour subventionner les produits de première nécessité.

En effet, les prix se sont envolés et la viande du mouton a doublé passant de 10 dinars à 20 aujourd'hui, le boeuf et le chameau de 6 à 13 dinars et de 10 à 18 dinars pour le steak.

Le poisson quant à lui est très rare en raison de l'embargo maritime imposé au pays d'une part, et le départ des pêcheurs étrangers essentiellement égyptiens qui ont fui les violences que connaît le pays, d'autre part.

Les fruits importés sont rares (banane, pomme, poire etc.) ce qui a fait exercer une pression sur les fruits saisonniers du pays (pastèque, melon, raisin, figue, figue de barbarie) qui ont connu une flambée de leurs prix.

La pénurie du carburant qui a étouffé le pays, a eu des répercussions néfastes sur l'ensemble des activités économiques et des services déjà perturbés par les violences.

Les fonctionnaires ne peuvent plus se rendre sur les lieux de travail ce qui influe négativement sur le fonctionnement des services de l'Etat et des prestations aux citoyens.

Connue pour ses capacités en autosuffisance en électricité et son potentiel d'exportation, la Libye connaît aujourd'hui des problèmes de délestages dus essentiellement aux pannes techniques et des frappes signalées ces derniers jours par l'OTAN de certaines lignes de haute tension.

En effet, les techniciens n'ont plus les moyens de se rendre sur les lieux de travail et encore moins sur les lieux des pannes pour la maintenance périodique et les réparations auxquelles il faut ajouter la pénurie de fuel pour certaines centrales dont celles à l'ouest de Tripoli.

Les banques souffrent d'une pénurie de liquidités, ce qui pose des problèmes de cash et de retrait de fonds pour les citoyens.

Au niveau de l'agriculture, le secteur a été frappé de plein fouet par le départ des paysans essentiellement égyptiens et le cheptel libyen est menacé de disparition en raison des difficultés aussi bien en soins qu'en fourrage.

Les conclusions d'une mission conjointe d'organisations humanitaires des Nations unies qui s'est rendue récemment dans le pays, ont montré que six mois après l'opération militaire, le marché libyen connaît une crise aiguë aux niveaux du carburant et des liquidités bancaires, ainsi que des prémices d'une crise alimentaire due à la hausse des denrées de première nécessité.

La capitale libyenne, Tripoli, qui débordait à cette période de l'année d'activité, d'énergie et d'ambiance colorée où se mêlent ferveur religieuse et traditions séculaires est devenue une ville presque morte.

L'image de tripolitains qui avaient l'habitude de fréquenter les marchés pour s'approvisionner en produits frais au jour le jour, a presque disparu du paysage de la cité.

Aujourd'hui, la population, poussée par les pénuries de toutes sortes et les privations quotidiennes, essaye de constituer des stocks avec le peu qui est disponible sans parvenir vraiment à combler les manques.

Sur le plan de la quiétude, les délestages commencent à faire peur aux gens.

La pénurie sévère de carburant qui frappe le pays a poussé les gens à être moins nombreux dans les mosquées pour effectuer la prière de nuit, Al-Kiyame, liée au Ramadan.

En outre, les tripolitains qui espéraient une trêve pendant le mois saint du Ramadan, ont vite déchanté avec la poursuite des frappes aériennes de l'OTAN les deux premiers jours du mois béni.

En somme, c'est un Ramadan exceptionnel que les Libyens sont en train de vivre, ponctué de privations, de peurs et de désolations, une situation qui donne matière à réfléchir à ceux qui peuvent encore donner du crédit aux prétentions avancées pour justifier cette agression par le prétexte de protection des civils libyens.

PANA

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