Thomas Hajdukowicz
Joseph Sotinel
Benjamin Zephaniah fait partie des voix les plus importantes de la communauté afro-caribéenne britannique. Poète dub et écrivain rastafarien, il s'est régulièrement élevé contre l'abandon des quartiers défavorisés anglais et l'establishment à la tête du pays. Dans l'entretien qu'il nous accorde, il estime que les émeutes qui frappent l'Angleterre en ce mois d'août 2011, et qui ont fait déjà plusieurs morts, couvaient depuis très longtemps.
Pensez-vous que la violence à laquelle nous assistons au Royaume-Uni est le fait de bandes organisées, ou de gens du commun ?
Il n'y a pas de bandes organisées. On peut considérer les émeutiers comme des personnes "normales" parce qu'on les voit tous les jours dans les rues d'Angleterre. Mais pour d'autres, ce sont des gens "différents", parce que ces autres ne sortent pas de leurs centres ville, et ne quittent pas leur petit monde riche. Les personnes qui sont dans la rue en ce moment sont des gens en colère qui ont profité d'une faille dans le système pour essayer de le faire sauter. Pendant des années, ils ont refoulé cette énergie, qui est littéralement en train d'exploser aujourd'hui. Ils pillent aussi dans des magasins des biens qu'ils ont longtemps convoités mais qu'ils ne pouvaient pas se permettre d'acheter. On n'a pas à être d'accord avec eux pour les comprendre. En fait, si vous ne les comprenez pas, vous ne comprenez pas ce qui ne va pas dans notre pays.
On n'a pas vu de telle explosion de violence au Royaume-Uni depuis les années 1980. Qu'est-ce qui a mis le feu aux poudres ?
Cette question est mal posée. Depuis 1998, on a compté 333 morts causées par la police. Je dis bien police, et pas prison. Aucun policier n'a été inquiété. Est-ce que la violence policière est prise en compte ? La violence a toujours été importante en Grande-Bretagne, mais on l'a exportée, on a été violent en dehors de nos frontières. En Irak, en Afghanistan, en Libye. On a vendu la violence (sous la forme d'armes) à l'Indonésie, la Libye, Bahreïn, la Jordanie, Israël, le Sri Lanka, et beaucoup d'autres pays. Alors pourquoi tolère-t-on cette violence ? Nous vivons dans une société violente où le pouvoir s'acquiert grâce à un pistolet ou un char. La violence ne nous a jamais quittés. Elle est juste rentrée à la maison.
La réponse du gouvernement britannique est-elle appropriée ?
Le gouvernement n'a pas de réponse. Il réussira certainement à rétablir le calme dans les rues, mais il se contentera surtout de fermer les yeux sur les événements en attendant que ça explose à nouveau. Ça arrivera tôt ou tard. On doit dépenser de l'argent pour aider ces quartiers. Ces jeunes ont besoin de travail et d'espoir. Ils ont besoin qu'on leur propose un avenir, qu'on croit en eux, en leurs quartiers, en leurs arts. Le Gouvernement mène un programme de coupes franches et de désinvestissement.
Dans ce cas, existe-t-il d'autres solutions ?
Bien sûr qu'il existe un autre moyen. Dans le contexte actuel, dans ce pays néolibéral mené par la coalition Conservateurs/Libéraux Démocrates, une révolution serait bienvenue. Mais apparemment, les Britanniques ne font pas la révolution. C'est un truc français.
- - Benjamin Zephaniah, poète enragé
Benjamin Zephaniah fait partie des voix les plus importantes de la communauté afro-caribéenne britannique. Poète dub et écrivain rastafarien, il s'est régulièrement élevé contre l'abandon des quartiers défavorisés anglais et l'establishment à la tête du pays. Dans l'entretien qu'il nous accorde, il estime que les émeutes qui frappent l'Angleterre en ce mois d'août 2011, et qui ont fait déjà plusieurs morts, couvaient depuis très longtemps.
Pensez-vous que la violence à laquelle nous assistons au Royaume-Uni est le fait de bandes organisées, ou de gens du commun ?
Il n'y a pas de bandes organisées. On peut considérer les émeutiers comme des personnes "normales" parce qu'on les voit tous les jours dans les rues d'Angleterre. Mais pour d'autres, ce sont des gens "différents", parce que ces autres ne sortent pas de leurs centres ville, et ne quittent pas leur petit monde riche. Les personnes qui sont dans la rue en ce moment sont des gens en colère qui ont profité d'une faille dans le système pour essayer de le faire sauter. Pendant des années, ils ont refoulé cette énergie, qui est littéralement en train d'exploser aujourd'hui. Ils pillent aussi dans des magasins des biens qu'ils ont longtemps convoités mais qu'ils ne pouvaient pas se permettre d'acheter. On n'a pas à être d'accord avec eux pour les comprendre. En fait, si vous ne les comprenez pas, vous ne comprenez pas ce qui ne va pas dans notre pays.
On n'a pas vu de telle explosion de violence au Royaume-Uni depuis les années 1980. Qu'est-ce qui a mis le feu aux poudres ?
Cette question est mal posée. Depuis 1998, on a compté 333 morts causées par la police. Je dis bien police, et pas prison. Aucun policier n'a été inquiété. Est-ce que la violence policière est prise en compte ? La violence a toujours été importante en Grande-Bretagne, mais on l'a exportée, on a été violent en dehors de nos frontières. En Irak, en Afghanistan, en Libye. On a vendu la violence (sous la forme d'armes) à l'Indonésie, la Libye, Bahreïn, la Jordanie, Israël, le Sri Lanka, et beaucoup d'autres pays. Alors pourquoi tolère-t-on cette violence ? Nous vivons dans une société violente où le pouvoir s'acquiert grâce à un pistolet ou un char. La violence ne nous a jamais quittés. Elle est juste rentrée à la maison.
La réponse du gouvernement britannique est-elle appropriée ?
Le gouvernement n'a pas de réponse. Il réussira certainement à rétablir le calme dans les rues, mais il se contentera surtout de fermer les yeux sur les événements en attendant que ça explose à nouveau. Ça arrivera tôt ou tard. On doit dépenser de l'argent pour aider ces quartiers. Ces jeunes ont besoin de travail et d'espoir. Ils ont besoin qu'on leur propose un avenir, qu'on croit en eux, en leurs quartiers, en leurs arts. Le Gouvernement mène un programme de coupes franches et de désinvestissement.
Dans ce cas, existe-t-il d'autres solutions ?
Bien sûr qu'il existe un autre moyen. Dans le contexte actuel, dans ce pays néolibéral mené par la coalition Conservateurs/Libéraux Démocrates, une révolution serait bienvenue. Mais apparemment, les Britanniques ne font pas la révolution. C'est un truc français.
- - Benjamin Zephaniah, poète enragé
Benjamin Obadiah Iqbal Zephaniah, plus connu sous le nom de Benjamin Zephaniah, né le 15 avril 1958 à Handsworth (Birmingham), est un écrivain rastafarien et poète Dub anglais. Il a passé une partie de son enfance en Jamaïque.
En 1968, il fait sa première performance dans une église et, dès 1973, il est reconnu pour son art dans sa ville natale. Zephaniah publie son premier recueil de poèmes, Pen Rhythm, en 1980. Il est si bien reçu qu'il fera l'objet de trois éditions successives.
Son album Rasta, où l'on entend le premier enregistrement des Wailers depuis la mort de Bob Marley ainsi qu'un hommage à Nelson Mandela, lui attire une renommée internationale. C'est à la suite de cet album qu'il est présenté à Nelson Mandela, futur président d'Afrique du Sud, alors prisonnier politique. En 1996, ce dernier lui demande de présenter le Two Nations Concert au Royal Albert Hall de Londres.
En novembre 2003, alors qu'un de ses cousins avait trouvé la mort pendant qu'il était détenu par la police, Zephaniah révèle, dans le journal The Guardian, qu'il vient de refuser d'être décoré par la reine Elizabeth II comme "Officer of the Order of British Empire" (OBE). Il explique ce geste en disant que cela le renvoie aux "milliers d'années de brutalité, cela me rappelle comment mes ancêtres ont été violés et brutalisés". Il poursuit en disant "Imprimez ça, Mr Blair, et Mme la Reine, arrêtez de parler d'empire."
C'était très inhabituel de dire cela publiquement, les conventions en la matière voulant que l'on ne formule son refus du titre qu'en privé. Il dit qu'il n'avait rien, personnellement, contre la Reine et que "elle est un peu guindée mais c'est une vieille femme sympathique."
Zephaniah se décrit lui-même comme un pur végétalien. Il est membre honoraire de la Vegan Society (Société végétalienne) britannique. Il vit aujourd'hui à East Ham dans le Nord-Est de Londres et continue de se rendre régulièrement à Handsworth où vit toujours sa mère.
Au vu de son uvre, Zephaniah a été admis comme docteur honoraire de plusieurs universités : University of North London (en 1998), University of Central England (en 1999), Staffordshire University (en 2002), London South Bank University (en 2003), University of Exeter et University of Westminster (en 2006).
Money, un poème extrait du recueil City Psalms (1992)
Courtesy of TV5
Source: tv5.org
Publication date of original article: 10/08/2011
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