Kharroubi Habib - Le Quotidien d'Oran
L'on se réjouit qu'il soit mis fin à la dictature instaurée en Libye par Kadhafi, que le peuple frère de ce pays soit débarrassé d'un régime assassin et liberticide. L'on redoute néanmoins que la révolte qui a abouti à ce but n'enfante quelque chose de plus monstrueux que ce qu'elle a combattu, et cela pour avoir été inspirée et conduite par des acteurs en retrait dont le principe moteur à l'origine de leurs faits et actes a été celui de « la fin justifie les moyens ».
Liesse et enthousiasme populaires en Libye seront de courte durée après la chute du régime ubuesque de Muammar Kadhafi. Ce but n'était pas en effet atteint qu'il apparaissait que l'après-Kadhafi ne s'accouchera que dans la douleur. Certes, sur le papier, les intentions des acteurs visibles de la révolte contre Kadhafi et son régime sont dans l'esprit et les objectifs du printemps arabe. Le CNT, organe en théorie dirigeant de cette révolte, a rendu public un programme auquel il n'y a rien à redire du point de vue de la démocratie et de la rupture avec les quarante-deux années de dictature vécues par le peuple libyen.
Sauf que cet organe, censé naturellement devoir gérer la transition en Libye, est loin d'être homogène dans sa composante et surtout manifestement dans l'incapacité d'imposer ses décisions aux groupes armés qui ont fait le coup de feu contre Kadhafi et ses partisans. Parmi ceux-ci, il en est qui ont pris les armes mus par de toutes autres perspectives que d'instaurer la démocratie et d'en revenir à la primauté de la souveraineté populaire. Il ne faut pas s'attendre par conséquent à ce qu'ils désarment après la chute du dictateur et de son régime et laisseront le Conseil national de transition mettre en œuvre son programme de mise en place d'institutions démocratiques en lieu et place de celles liberticides du régime déchu.
Ce n'est pas jouer au Cassandre que de prédire que les frères d'armes libyens, unis dans la guerre contre Kadhafi et ses partisans, vont rapidement se retourner les uns contre les autres. Les mentors et protecteurs étrangers de la révolte anti-Kadhafi appréhendent ce scénario, d'où leur fébrilité à tenter d'inférer directement dans la conduite du processus de transition devant déboucher sur un après-Kadhafi en Libye conforme à leurs intérêts géographiques et économiques dans ce pays et dans l'ensemble de la région.
Mais ils encourent de cinglantes déconvenues, car leur ingérence dans la crise libyenne et le cynisme dont ils ont fait preuve en celle-ci ont ouvert la boîte de Pandore.
Pour n'avoir pas été regardants sur la qualité de certaines forces libyennes qu'ils ont financées, armées et aidées à faire tomber le dictateur et son régime, ces mentors ont participé à créer en Libye une situation qui a de fortes chances d'échapper très rapidement à leur contrôle et à celui de leurs protégés au sein du Conseil national de transition. Leur fébrilité en ce moment historique en Libye est révélatrice des inquiétudes que leur inspire l'évolution de la situation dans ce pays.
L'on se réjouit qu'il soit mis fin à la dictature instaurée en Libye par Kadhafi, que le peuple frère de ce pays soit débarrassé d'un régime assassin et liberticide. L'on redoute néanmoins que la révolte qui a abouti à ce but n'enfante quelque chose de plus monstrueux que ce qu'elle a combattu, et cela pour avoir été inspirée et conduite par des acteurs en retrait dont le principe moteur à l'origine de leurs faits et actes a été celui de « la fin justifie les moyens ». Mais quand la fin voulue par eux est porteuse d'un sombre avenir pour le peuple libyen et la région, il y a de quoi nourrir l'inquiétude.
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