16/01/2012 cadtm.org  5min #62218

 Brève rétrospective des mouvements qui ont précédé le printemps arabe, les Indigné-ées et Occupy Wall Street (partie 1)

Indignées et indignés du monde entier : Unissons-nous

14 janvier par Eric Toussaint

 Première partie
 Deuxième partie
 Troisiième partie
 Quatrième partie

L'avenir du printemps arabe, du mouvement des indignés et d'Occupy Wall Street est très difficile à prévoir.
La rébellion en Tunisie ou en Egypte risque de déboucher sur une transition ressemblant à ce qui s'est passé en Amérique latine, aux Philippines ou en Corée à la fin des dictatures au cours des années 1980, ou en Afrique du Sud dans les années 1990 sans parler d'autres Etats d'Afrique subsaharienne : la stabilisation d'un régime bourgeois néolibéral. L'époque est différente, les caractéristiques du monde musulman sont particulières, les enjeux géostratégiques (en particulier en ce qui concerne l'Egypte et le Moyen Orient, moins pour la Tunisie) pèseront, l'histoire est un processus ouvert. La capacité de développer l'autoorganisation des opprimés sera décisive.

Pour le mouvement Occupy Wall Street - OWS - (et ses équivalents sur le reste du territoire des Etats-Unis), la phase actuelle de répression jointe à l'hiver aura-t-elle raison du mouvement ? Les tentatives du parti démocrate de réussir une OPA sur OWS dans la perspective des présidentielles de 2012 réussiront-elles à le diviser ?

Pour le mouvement des Indignés européens, à part la Grèce où le mouvement affronte directement le gouvernement, on verra si le mouvement réussira à se consolider en Espagne, à reprendre force au Portugal, à s'implanter en Italie, s'il finira par toucher l'Irlande et d'autres pays d'Europe. Dans les cas grecs, espagnol et portugais, quand le mouvement est né, les socialistes étaient au pouvoir et gouvernaient au profit des banquiers responsables de la crise en appliquant des politiques néolibérales. Depuis, la droite est revenue au gouvernement grâce à des élections et est bien décidée à imposer une cure d'austérité encore plus brutale. En Grèce, le retour de la droite a été réalisé sans élection par la mise en place d'un gouvernement d'union nationale entre le Pasok, la droite et l'extrême droite. Le contexte politique s'en trouve modifié, le mouvement des Indignés reprendra-t-il de la force, rentrera-t-il directement en conflit avec ces gouvernements ? La réponse à ces questions sera déterminante pour la capacité à affronter l'aggravation de la crise. Le peuple irlandais sortira-t-il de sa torpeur ? Naîtra-t-il un mouvement des Indignés irlandais ? Les mouvements sociaux italiens ont joué un rôle déterminant au début des années 2000 lors de la phase ascendante du mouvement antiglobalisation et du Forum social européen et mondial. Cela a été suivi par un reflux, dans certains cas, par une adaptation à la politique sociale libéral du gouvernement de Romano Prodi et par une démoralisation suite au retour de Silvio Berlusconi. Que va-t-il se passer avec le gouvernement d'affaires de Mario Monti et la mise sous tutelle partielle de l'Italie par la Commission européenne et le FMI ? Le mouvement des Indignés trouvera-t-il une forme particulière à l'italienne en 2012 ou la résistance passera-t-elle principalement par d'autres canaux ? En France, qui a connu un puissant mouvement social en 2010 pour la défense des retraites et qui est restée en 2011 en marge du mouvement des Indignés, celui-ci finira-t-il par prendre racine quand la nouvelle dose d'austérité sera pleinement entrée en application que ce soit avec Nicolas Sarkozy ou le socialiste François Hollande ? Quid de la Grande Bretagne, de l'Allemagne, de la Belgique... ?
Si la crise des banques privées se traduit par de nouvelles faillites dans la foulée de celle de la banque franco-belge Dexia en octobre 2011, quel sera l'effet sur les populations ?

De toute manière, grâce au printemps arabe, aux mouvements des indignés et à Occupy Wall Street, le bilan de l'année 2011 est de toute évidence positif pour le mouvement social en lutte. Des peuples se sont débarrassés de dictatures en Afrique du Nord, aux Etats-Unis, ce n'est le Tea Party qui retient l'attention mais Occupy Wall Street et dans plusieurs pays d'Europe la résistance s'organise à une large échelle, tout en sortant des sentiers battus.

Une chose est certaine, la question de la dette constituera de plus en plus la pierre angulaire du combat pour résister aux plans d'austérité et à la poursuite de la destruction des acquis sociaux. Le remboursement de la dette publique constitue à la fois le prétexte pour imposer l'austérité et un puissant mécanisme de transfert des revenus de ceux d'en bas vers ceux d'en haut (des 99% au profit du 1%). Le combat pour briser le cercle infernal de la dette est vital. Si on ne le mène pas de front, il y a peu de chances qu'on puisse vaincre la prochaine vague d'offensive néolibérale. De plus, dans des pays comme l'Espagne ou l'Irlande où la bulle immobilière en éclatant a affecté des centaines de milliers de familles, l'annulation de la dette hypothécaire et la garantie du droit à un logement décent deviennent des questions centrales.

Éric Toussaint, docteur en sciences politiques, président du CADTM Belgique, membre du Conseil international du Forum social mondial depuis sa création et du Conseil scientifique d'ATTAC France. A dirigé avec Damien Millet le livre collectif  La Dette ou la Vie , Aden-CADTM, 2011. A participé au livre d'ATTAC : Le piège de la dette publique. Comment s'en sortir, édition Les liens qui libèrent, Paris, 2011.

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