Par Nick Beams
9 février 2012
Les dirigeants des partis politiques constituant la coalition gouvernementale grecque rencontreront plus tard dans la journée le premier ministre, Lucas Papademos, pour lui donner leur réponse sur les vastes mesures d'austérité exigées en échange d'un nouveau renflouement de 130 milliards d'euros.
En l'absence d'un accord sur les exigences imposées par ce que l'on appelle la troïka - la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international - la Grèce pourrait déjà faire défaut sur ses prêts dès le mois prochain.
Intervenant dimanche après de longs pourparlers avec Papademos, les dirigeants des trois partis au gouvernement ont dit qu'ils n'avaient pas accepté les exigences de vastes réductions.
Les mesures sont supposées inclure une réduction de 25 pour cent du salaire minimum dans le secteur privé et une réduction de 35 pour cent des retraites complémentaires. De plus, les entreprises contrôlées à 100 pour cent par l'État pourraient être fermées, entraînant des pertes d'emplois immédiates et le licenciement de 150.000 postes dans le secteur public d'ici 2015.
Alors qu'un accord final n'a pas été conclu, Papademos a dit que les partenaires de la coalition étaient tombés d'accord sur certaines « questions fondamentales, » dont la réduction cette année des dépenses publiques de l'ordre de 15 points de pourcentage du produit intérieur brut, soit environ 4 milliards d'euros.
Toutefois, redoutant visiblement des conséquences politiques, les membres de la coalition ont exprimé leur opposition quant à l'ampleur des récentes exigences de la « troïka. »
À l'issue des négociations, Antonis Samaras, dirigeant du soi-disant parti de centre-droit Nouvelle Démocratie, a dit : « Ils demandent plus de récession que le pays ne peut en supporter. » Samaras a mis en garde que les réductions de salaire aggraveraient la dépression qui dure déjà depuis cinq ans.
George Karatzaferis, dirigeant du parti droitier Laos, partenaire minoritaire de la coalition, a été le plus explicite sur les éventuelles conséquences. « Je ne vais pas contribuer à une révolution qui nous humiliera et qui incendiera l'Europe, » a-t-il dit.
La semaine passée, le dirigeant du parti Laos avait prévenu du risque d'une « explosion sociale » en Grèce suite aux coupes sociales. Dans une lettre adressée au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, il avait dit que la prochaine série de mesures d'austérité causerait un effondrement économique et des troubles sociaux « d'un genre que l'Europe n'avait pas vu depuis des décennies. »
Karatzaferis a ajouté : « Les réformes ne peuvent pas se faire à la pointe du fusil, notamment lorsqu'elles requièrent la participation de la structure complexe de l'ensemble de la société. C'est une bombe à retardement pour l'ensemble du monde occidental. »
Le ministre des Finances, Evangelos Venizelos (parti socialiste), cherche à parvenir à un accord concernant les coupes sociales selon l'argument que l'alternative - la faillite - serait pire. « Oui, c'est terrible d'imposer des réductions des retraites et des salaires, mais ce que nous tentons d'éviter est indescriptible, » a-t-il dit en réponse aux critiques à l'égard des mesures proposées.
La réduction du salaire minimum verrait ce salaire passer d'à peu près 1.000 dollars (760 euros) à 750 dollars (580 euros) par mois, soit à peu près le même niveau qu'au Portugal. Ceci aura un impact dévastateur sur de vastes couches de la population dans une situation où les prix à la consommation sont relativement élevés. Le carburant par exemple se vend à environ 8 dollars (6 euros) le gallon (3,8 litres). Le taux de chômage est déjà de 20 pour cent en Grèce, tous les jours des commerces mettent la clé sous la porte et le nombre des sans-abri est en hausse.
La réduction des salaires est mise en avant sous prétexte qu'elle est nécessaire pour améliorer la compétitivité. Ces affirmations sont toutefois contestées. « L'effet sur la compétitivité est minime, mais l'impact social est énorme, » a dit au New York Times l'économiste Yannis Stournaras.
Les récentes réductions font partie d'un paquet de 4,4 milliards d'euros de réductions que la « troïka » veut voir introduire sur le champ. Faute d'un accord, la Grèce se rapprochera d'un pas de plus du défaut de remboursement d'obligations s'élevant à 14,5 milliards d'euros et arrivant à échéance le 20 mars prochain. Un défaut de paiement pourrait déclencher une crise dans l'ensemble de la zone euro avec le risque de « contagion » qui s'étend presque immédiatement au Portugal et à l'Italie. Malgré l'injection de fonds par la Banque centrale européenne dans le système financier qui avait apaisé en janvier les turbulences sur le marché, les taux d'intérêt des obligations portugaises sont restés ou ont avoisiné des niveaux record.
L'aggravation de la crise grecque s'est accompagnée de mises en garde de la part de responsables européens quant aux conséquences désastreuses d'un défaut de paiement. De telles déclarations visent en partie à exercer un niveau de pression maximum sur les partis siégeant au gouvernement grec. Elles sont aussi le reflet de la crainte que la crise financière pourrait rapidement se transformer en une spirale hors de contrôle.
Le dirigeant du groupe des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, a dit au magazine Der Spiegel que la possibilité d'une faillite devrait encourager Athènes à « se faire des muscles » pour la mise en ouvre des mesures d'austérité.
En plus de la crise relative aux mesures à long terme, il reste encore à régler la question du montant de la décote (« haircut ») que les détenteurs d'obligations doivent accepter sur leurs investissements et qui fait partie de la restructuration de la dette.
Le patron de Deutsche Bank, Josef Ackermann, a mis en garde ce week-end que l'absence d'accord sur un rééchelonnement volontaire de la dette de la Grèce pourrait ouvrir « une nouvelle boîte de Pandore » dans la crise de la zone euro. « Nous nous trouvons dans une situation de 'ça passe ou ça casse', » a-t-il dit.
Un défaut de la Grèce ne se répercuterait pas seulement à travers l'Europe, mais pourrait avoir un impact majeur sur les banques et les institutions financières américaines qui, bien que n'étant pas fortement impliquées dans des prêts directs, sont confrontées à d'énormes paiements de couvertures de défaillance (« credit default swaps ») si la faillite est déclarée.
L'ampleur des mesures d'austérité exigées est un avertissement à la classe ouvrière quant à la dévastation sociale qui sera imposée par l'aristocratie financière en Europe et internationalement.
(Article original paru le 6 février 2012)