Par Patrick Mignard
Dans les discours officiel, en particulier des dirigeants allemands et français, il n'est question que de « plan de sauvetage de la Grèce »... Or, c'est un peu comme si dans un naufrage, on essayait de sauver le bâtiment en laissant périr l'ensemble des passagers,... sauf le capitaine et son entourage immédiat.
Ce qui se passe actuellement en Grèce, laisse la plupart des peuples européens sans réaction, quand il ne s'agit pas d'indifférence. Pourtant ce pays n'est que l'élément - le plus faible (?) - d'un ensemble qui est en train de se déliter : la zone euro... et par voie de conséquence toute une conception - libérale - de l'Europe.
LA MISE À MORT ÉCONOMIQUE
Sur injonction du Fonds Monétaire International, de la Commission Européenne et de la Banque Centrale Européenne, réunion présidée par le 1er ministre grec, ce dernier, Luckas Papademos a indiqué que la coalition gouvernementale était d'accord pour la réduction des dépenses publiques (1,5% du PIB)... Une telle réduction devant être obtenue par une réduction des salaires et des charges sociales. Ce nouveau plan de rigueur permettra à la Grèce de recevoir en échange 130 milliards d'euros de la communauté européenne. Une telle décision a provoqué une levée de boucliers des deux principaux syndicats grecs qui ont appelé à la grève... Ce qui a n'en pas douter ne changera rien !
Le 20 mars, date à laquelle arrivent à échéance 14,4 milliards d'obligations, si les mesures mentionnées ne sont pas prises, c'est le défaut de paiement avec toutes ses conséquences dans le milieu bancaire européen. Défaut de paiement, déclenchant les CDS (Crédit Défaut Swap) - véritables bombes à retardement - dont le rôle est de justement assurer contre tout défaut de paiement sur la dette grecque (entre autres) et dont on sait les dégâts qu'ils provoqueraient en cas de déclenchement dans le système bancaire.
Mais ce n'est pas tout. Sans doute férues de mythologie grecque, la France et l'Allemagne - avec le soutien de la commission européenne, ont décidé qu'une partie des aides européennes accordées à la Grèce, serait versée sur un compte particulier qui garantirait le remboursement de la dette du pays... reproduisant ainsi le mythe de l'épée de Damoclès. L'infrastructure de l'économie grecque est ainsi éventrée sur l'autel de la finance internationale. Les privatisations massives, censées booster l'économie, vont en fait engraisser un secteur privé, national et international qui n'en finit pas de s'abreuver aux sources de la dette. L'économie grecque est dépecée et confisquée.On assiste aujourd'hui à l'acte final de la liquidation de l'économie grecque en tant que puissance économique en Europe. Le FMI dit vouloir éviter la « faillite de la Grèce »... formule d'un cynisme absolu car ne faisant référence qu'aux aspects financiers... Faillite il y a, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan social et politique.
LA MISE A MORT SOCIALE
On l'aura compris, les milieux financiers, les fonds de pensions, les banques, les Hedges Funds, se paient sur la bête,... autrement dit sur le peuple grec. Dans la mesure où la « règle du jeu » consiste à protéger les intérêts financiers, à assurer l'ordre économique européen, et au-delà mondial, à exiger que l'endettement de l'État passe par le portillon ruineux de l'emprunt sur les marchés financiers, d'ailleurs devenus impossibles - par le taux d'intérêt obligataire inaccessible... Il ne reste plus au peuple grec qu'à payer l'addition. C'est tout le sens et le contenu des mesures imposées par l'Europe et par le Gouvernement grec qui, de toute manière, n'a pas de choix pour quelques uns d'entre ses membres,... Quant au reste ils sont consentants. La Grèce en est à son septième plan d'austérité et de liquidation des services publics, alors que les six précédents ont fait la preuve de leur parfaite inefficacité,... aux conséquences sociales dévastatrices :
- Salaires et retraites amputés de 50 %, dans certains cas de 70 % ;
- Baisse de 22 % du salaire minimum (650 euros soit 480 nets par mois),
- Abolition des conventions collectives ;
- Chômage : 20 % de la population et 45 % des jeunes (49,5 % pour les jeunes femmes) ;
- Nombre des lits d'hôpitaux réduit de 40 %, pénurie de matériel médical, des médicaments, prix exorbitants des soins, des accouchements.
- Déréglementation générale du marché du travail, autrement dit précarisation généralisée de celles et ceux qui travaillent où recherchent du travail.
- Diminution des charges sociales dans le coût du travail de 14,3 % en moyenne de 2010 à 2011.
- 12 % des Grecs vivent avec zéro revenu et 50 % sont sous le seuil de pauvreté.
- Suppression de 15 000 emplois dans la fonction publique en 2012
- Un jeune de moins de 25 ans sur deux est au chômage,... ce qui entraîne un exode massif hors du pays,... souvent vers l'Allemagne où ils vont faire pression, à la baisse, sur les salaires.
- La faim fait son apparition dans les villes, les écoles. Distribution de bons d'alimentation.
- Nombreux handicapés, malades de maladies rares sont en danger de mort.
- Progression alarmante du nombre des suicides.
Malgré cette situation le FMI, la BCE, la Commission Européenne et le couple Sakozy/Merkel, demandent encore un effort de rigueur (?).
LA MISE À MORT POLITIQUE
Une telle situation ne peut qu'entraîner des conséquences politiques redoutables. Outre le fait que la classe politique a perdu tout crédit, l'Europe des marchés financiers est entrain d'humilier la Grèce, autrement dit de semer les ferments de la renaissance d'un nationalisme. L'extrême droite grecque ne s'y est pas trompée, retirant ses représentants du gouvernement (quatre ministres), qui est entrain d'imposer la nouvelle rigueur. Le manque de perspective politique de ce que l'on hésite d'appeler la Gauche ne peut qu'accélérer ce processus de radicalisation nationaliste. Processus classique dans lequel l'extrême droite, en l'absence de toute alternative, s'impose par la démagogie comme « solution ». Laquelle extrême droite apparaît aussi aux classes dirigeantes comme le moyen de « rétablir l'ordre » en limitant les libertés publiques. Cela ne vous rappelle-t-il rien ?
Sans vouloir faire une comparaison, qui ne pourrait être qu'abusive, on ne peut cependant s'empêcher de songer aux conséquences de la crise des années trente en Allemagne. Si le pays est différent, de même que le contexte historique, les « eaux glacées du calcul égoïste » du capital, creusent les mêmes sillons qui dévastent le tissu social et politique... Et en l'absence d'une alternative politique crédible - ce qui est le cas en Grèce, mais aussi dans les autres pays européens - c'est la porte ouverte à toutes les aventures.
En effet, la Grèce n'est pas la seule dans cette situation. Tous les pays de la zone euro, sont logés à la même enseigne. Tous subissent la dictature des marchés financiers conséquence de la déréglementation financière. Les politiques de rigueur sont généralisées et ne sont que le type de « pseudo solution » que connaissent les politiciens de Droite comme de Gauche,... autrement dit, à court terme et dans le contexte politique actuel, en Europe, aucune issue sérieuse n'est à envisager pour « sortir de la crise ».
« Alarmisme » diront certains. Pas tant que ça ! Les politiciens de tous poils nous endorment avec leurs discours et leurs promesses... Surtout quand se profilent des échéances électorales. Le réveil va être rude !
Patrick MIGNARD
Février 2012
Voir aussi :
« LA TENTATION NATIONALISTE »