Jean ORTIZ
Tout ce que j'écrivais hier soir, à contre courant, sous le titre : « Je ne veux pas partager mon deuil et ma colère avec eux » s'avère de plus en plus fondé, justifié. La récupération politicienne de la douleur n'a guère attendu que le sang sèche...
Quel est le statut de la manifestation « historique » de dimanche ? Qui sont les organisateurs ? Si l'on s'en tient aux médias, c'est F. Hollande et M. Valls qui l'organisent, qui invitent, dans un souci désintéressé d' « unité nationale »... et nullement de remontée dans les sondages. La lutte contre le terrorisme, nécessaire, sert de prétexte à l' « union sacrée », à la relégation des questions sociales, des causes et des ravages de la crise, des fruits pourris de la violence, du terrorisme, sert à l'abdication devant les inégalités, source d'affrontements, devant la pauvreté, l'exclusion, l'affaiblissement de la laïcité, l'obscurantisme, qui gagnent du terrain...
Manifestement, le chef de l'Etat et le premier ministre font une OPA sur la manifestation, en instrumentalisant la douleur et l'émotion. On annonce ce soir la présence du massacreur de Gaza, le criminel de guerre Netanyahou. Si cela est vrai, c'est une provocation absolue, irresponsable, anti-laïque, anti-républicaine, anti droits de l'homme, anti-démocratique, nauséabonde, avec du sang sur les mains. Une provocation absolue.
Comment peut-on manifester pour défendre la République, aux côtés du néo-franquiste Mariano Rajoy, qui combat en Espagne le rétablissement de la République, qui fait une loi pour criminaliser les mouvements sociaux, qui s'accommode de 130 000 Républicains « disparus » dans des fosses communes, qui subventionne le parc thématique fasciste du « Valle de los Caidos » (Patrimonio real), qui s'en prend aux droits des femmes, qui contraint près de 50% des jeunes diplômés au chômage et à l'exil ? Lui offrir un vernis de défenseur de la démocratie, à quelques mois d'élections générales, où la gauche de gauche (Podemos, Izquierda Unida...) peut gagner, ce n'est pas aider l'alternative possible. Quant à la présence de Merkel, Cameron, Renzi, des sabreurs de l'Union Européenne, il faudra se boucher le nez et les oreilles. Oui, il y a « hold-up » sur l'indignation populaire contre la haine, la violence, l'intolérance...
Jean Ortiz