Par Manlio Dinucci
Edition de mardi 13 janvier 2015 de il manifesto
Deux millions de personnes (d'après la police, NdT), après les attentats terroristes, ont traversé Paris en cortège, en en faisant (d'après le président Hollande) la « capitale de la liberté » dans le monde. En effet le sentiment prévalant, qui a fait se mobiliser autant de gens de diverses nationalités, était celui de revendiquer de se libérer de la haine, de la violence terroriste, de la guerre.
Mais en tête du cortège se trouvaient justement certains des principaux responsables des politiques qui ont conduit à tout cela. Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'Otan, l'alliance conduite par les USA qui dans la guerre contre la Libye en 2011 et celle en cours contre la Syrie a armé et entraîné des groupes islamistes auparavant qualifiés de terroristes.
Le Premier ministre turc, le roi de Jordanie et le ministre des Affaires étrangères des Emirats arabes unis, pays qui fournissent aujourd'hui même à l'Etat Islamique des armes, de l'entraînement, des voies de transit et des financements pour mener la guerre en Syrie et en Irak.
Le Premier ministre britannique Cameron et l'ex président français Sarkozy, qui ont employé des forces spéciales et des services secrets pour des opérations terroristes en Libye, Syrie et autres pays.
Le Premier ministre Renzi, représentant cette Italie qui, en participant à la démolition de l'Etat libyen, a contribué à incendier l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient.
Le président Hollande, promoteur de l'opération militaire lancée par la France au Mali et au Niger (représentés par leurs présidents respectifs au cortège parisien), officiellement pour les aider à combattre les terroristes islamistes, en réalité pour en exploiter les riches matières premières (or, coltan, uranium et autres), dont le produit va finir dans les poches des multinationales et des élites locales.
Le Premier ministre israélien Netanyahu qui, exploitant le deuil pour les quatre victimes juives d'un des attentats terroristes à Paris, essaie de faire oublier les milliers de victimes palestiniennes, parmi lesquelles des centaines d'enfants, dans l'opération « Plomb durci » et dans les suivantes qu'il a ordonnées contre Gaza.
Le fait qu'au cortège parisien se trouvât aux premiers rangs Abu Mazen, en habit non pas de président palestinien mais de représentant du Fatah, n'est pas l'indice d'un changement de politique par Israël. Par sa présence en tête du cortège, Netanyahu essaie de faire oublier aussi le soutien qu'Israël fournit aux opérations terroristes des « rebelles » en Syrie.
En tête du cortège aurait dû aussi se trouver en position prééminente le Secrétaire d'Etat étasunien John Kerry, qui a préféré cependant rester en Inde pour établir des accords fonctionnels anti-chinois et anti-russes. Les USA étaient représentés à Paris par le ministre de la justice Eric Holder, qui a participé à une réunion avec les ministres de l'Intérieur de 11 pays européens dont l'Italie. Kerry arrivera dans la capitale française le 14 janvier, pour préparer un « sommet sur la sécurité globale » qui se tiendra le 18 février à Washington.
En attendant, le Premier ministre Manuel Valls annonce que « la France est en guerre contre le terrorisme et est prête à adopter de nouvelles mesures ». L'Occident est ainsi en train de se resserrer de façon compacte, sous direction étasunienne, sous la motivation officielle de devoir affronter la menace du terrorisme. Celui qu'il a lui même contribué à créer et qu'il a alimenté, dans les tragiques situations sociales provoquées par les guerres déclenchées en plus de vingt ans. Dont les militants de base jouent, presque toujours inconsciemment, un rôle servant les intérêts des puissances qu'ils pensent combattre.
En aidant ainsi celui qui, en tête du cortège de l'Occident, essaie, tel le joueur de pipeau magique, de l'enchanter avec sa musique, en le conduisant sur le chemin qui amène au gouffre de la guerre.
Source : Il Manifesto
Traduction : Marie-Ange Patrizio