10/02/2015 mondialisation.ca  7min #95493

 M. Monti, ex-premier ministre italien: « washington veut la guerre en Europe »

Les Etats-Unis poussent à l'escalade militaire contre la Russie

Par  Joseph Kishore

Au moment où la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande préparent de nouveaux pourparlers avec la Russie et l'Ukraine demain mercredi sur la crise provoquée par la guerre en Ukraine, les Etats-Unis font monter la pression en faveur d'une action militaire.

Il y eut ces derniers jours toute une suite de déclarations belliqueuses de la part de responsables politiques et militaires américains, toutes fondées sur le mensonge que les Etats-Unis doivent agir rapidement pour contrer « l'agression russe » en Ukraine.

Dimanche, le Secrétaire d'Etat américain John Kerry a dit dans un entretien à "Meet the Press", en référence à l'exigence bipartite que le gouvernement Obama arme directement l'Ukraine, que les Etats-Unis fourniraient au régime pro-occidental de Kiev des « aides supplémentaires de nature économique et autres ». Samedi, le général de l'armée de l'air Philip Breedlove, à la fois chef du Commandement américain en Europe et de l'OTAN en Europe, a insisté pour dire qu'il était impossible d'« écarter d'emblée la possibilité d'une option militaire » en Ukraine.

A la Conférence de Munich sur la sécurité du weekend dernier, les sénateurs républicains John McCain et Lindsay Graham ont traité avec mépris les négociations européennes avec le Président russe Vladimir Poutine. McCain a résumé d'un seul mot: « bêtises », le discours de Merkel à Munich qui contenait une déclaration contre l'armement de l'Ukraine. Il a ajouté, « Je peux vous assurer que [Poutine] ne s'arrêtera pas tant qu'il ne sera pas contraint de payer un prix beaucoup plus fort ».

Washington mobilise ses alliés en Europe, dont l'ancien premier ministre suédois Carl Bildt, membre de la Rand Corporation basée aux Etats-Unis, ainsi que d'autres groupes de réflexion proches de l'armée américaine. Bildt a déclaré la semaine dernière qu'une « guerre avec la Russie [était] concevable ».

On s'attend à ce que le gouvernement Obama annonce au cours de la semaine, suite à des rencontres avec Merkel à Washington, une décision finale sur un armement de l'Ukraine. Quel que soit le résultat immédiat de ces pourparlers, les déclarations de personnalités civiles et militaires américaines et de responsables alliés des Etats-Unis en Europe indiquent déjà clairement que les Etats-Unis préparent une escalade massive de leur intervention en Ukraine et dans toute l'Europe de l'Est.

La perspective d'une guerre à l'échelle du continent provoque une certaine nervosité dans les capitales européennes. Celle-ci se reflète dans les différences de tactique entre l'Allemagne et la France d'un côté et les Etats-Unis de l'autre sur une éventuelle décision de Washington de fournir un armement de pointe à l'Ukraine.

Pourtant quels que soient leurs doutes, les puissances européennes sont profondément impliquées dans les opérations en Ukraine, déclenchées par le coup d'Etat mené par les fascistes en février dernier et qui a installé un gouvernement droitier pro-OTAN à Kiev. Le putsch avait été suivi de sanctions, de menaces et de la militarisation de l'Europe orientale. Plutôt que d'armer l'Ukraine, les dirigeants européens réclament l'intensification des sanctions économiques contre la Russie, dans le but d'étrangler le pays et de le contraindre à se soumettre.

La position provocatrice des puissances impérialistes a été manifeste tout au long des délibérations à Munich, caractérisées par une suite de critiques dirigées contre la Russie. Le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov a fait remarquer très justement que, à chaque étape de la crise ukrainienne, les Etats-Unis et l'UE « ont essayé d'exacerber la situation ». Ses remarques ont été huées et sifflées par les représentants de l'impérialisme assemblés là.

Quelles que soient les divisions entre les grandes puissances impérialistes, il est clair que le gouvernement Obama n'acceptera aucun accord qui mette en cause le résultat du putsch monté il y a un an.

Les Etats-Unis poursuivent une stratégie qui suit le projet esquissé il y a plusieurs mois par Zbigniew Brzezinski, conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter. Lors d'une conférence organisée par le Wilson Center, Brzezinski, personnalité de proue de l'establishment américain des affaires étrangères, a clairement révélé que l'objectif des Etats-Unis était d'attirer la Russie dans un long combat en Ukraine. L'armement de l'Ukraine permettrait à celle-ci de s'engager dans « des combats urbains rapprochés » dans les grandes villes de Kiev et de Kharkov, a dit Brzezinski, ce qui produirait certainement « une guerre longue et coûteuse » pour la Russie.

Brzezinski avait été, dans les années 1980, le pionnier de ce genre précis de stratégie. Il avait été l'initiateur de l'approvisionnement en armes des forces intégristes islamiques en Afghanistan dans le cadre d'une guerre par procuration contre l'Union soviétique. Les Etats-Unis cherchent à faire à la Russie, au moyen de l'Ukraine, ce qu'ils avaient fait à l'Union soviétique avec l'Afghanistan. L'Ukraine sera alors réduite en un désert de mort et de destruction avec la perspective tout à fait réelle d'une conflagration plus large qui engloberait des centaines de milliers sinon de millions de gens. Il y a un décalage extraordinaire entre les politiques en train d'être planifiées et mises en place et ce que l'on dit au peuple américain. La politique étrangère et militaire prend de plus en plus le caractère d'une vaste conspiration, organisée par une cabale de dirigeants de l'Etat, de généraux, de chefs des services de renseignement et de stratèges de la politique étrangère.

Et tout ceci se passe sans aucune discussion des conséquences. La plupart des Américains n'ont qu'une vague idée, voire aucune idée des plans ourdis par le gang criminel de Washington, ni des conséquences énormes de ces actions pour le monde entier. Dans le contexte de discussions sur l'imminence d'une guerre en Europe, on fait croire au peuple américain que le plus grand danger auquel ils sont confrontés est la toute dernière tempête hivernale. La météo a de nouveau fait la une des médias dimanche soir.

Pas une seule personnalité des médias n'a posé à Kerry, Obama, McCain, Brzezinski ni aux autres conspirateurs des questions aussi élémentaires que: Combien de milliers de morts sont-ils prêts à accepter pour forcer la Russie à « payer un prix beaucoup plus fort »? Si les Etats-Unis arment l'Ukraine et que la Russie riposte par une offensive contre Kiev ou des opérations dans un des Etats baltes, est-ce que l'OTAN projette de déclarer la guerre à la Russie? A quel moment de « l'option militaire » l'utilisation d'armes nucléaires sera-t-elle envisagée? Combien de centaines de milliards de dollars est-ce que le gouvernement américain envisage de dépenser dans sa poursuite d'un carnage mondial?

La crise ukrainienne fait partie de la stratégie d'ensemble de l'impérialisme américain. Les Etats-Unis sont en guerre de façon quasiment continuelle depuis plus d'un quart de siècle. La classe dirigeante américaine a tiré de la dissolution de l'Union soviétique la conclusion que les Etats-Unis pouvaient établir « un nouvel ordre mondial » fondé sur la suprématie militaire américaine. Celle-ci serait utilisée pour contrer le long déclin de la position économique de l'impérialisme américain. Tant sous les démocrates que sous les républicains, la classe dirigeante a poursuivi cette politique de façon systématique, cherchant à conquérir et à contrôler l'Asie centrale, le Moyen-Orient, l'Asie orientale, l'Afrique, l'Amérique latine et l'Europe orientale.

A présent ces actions ont mis la question d'un conflit mondial impliquant des puissances nucléaires à l'ordre du jour du capitalisme mondial. Quelle que soit la résolution de cette dernière crise au sujet de l'Ukraine, l'impérialisme a pris un cours qui, sans l'intervention indépendante des travailleurs, conduit inexorablement à la guerre mondiale.

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