Par Anthony Torres
11 juin 2019
Vendredi, alors que se profilait l'acte XXX des «gilets jaunes», la justice a réclamé une peine de 4 mois de prison à l'encontre d'Eric Drouet, l'un des leaders du mouvement des «gilets jaunes». Il était accusé de «groupement en vue de la préparation de violences ou de dégradations» et «port d'arme prohibé de catégorie D» lors d'une manifestation, des chefs d'accusation fabriqués de toute pièce alors que la conduite de Drouet avait été entièrement pacifique.
Fin décembre, la police avait arrêté Eric Drouet qui avait organisé avec quelques amis à partir de sa page Facebook un rassemblement place de la Concorde en hommage aux victimes des violences policières parmi les «gilets jaunes». Le motif de cette arrestation, qui foule aux pieds le droit de manifester, était que ce rassemblement n'avait pas été déclaré auparavant en préfecture. Drouet était aussi accusé d'avoir un morceau de bois en «vue de commettre des dégradations».
Drouet avait déjà été condamné le 29 mars à 2.000 euros d'amendes dont 500 euros avec sursis pour l'«organisation... sans déclaration préalable» de cette manifestation.
Eric Drouet, qui a fait appel de la première décision, comparaissait cette fois «pour un bout de bois», résume son avocat, qui défend le caractère «pacifique» de cette manifestation du 22 décembre. Le parquet a requis une peine de 4 mois de prison avec sursis. Une décision de justice sera rendue le 4 septembre.
Ces accusations à l'encontre de Drouet sont totalement dénuées de fondement et témoignent du fait qu'un État policier s'est développé en France. Il ne s'agissait pas d'une manifestation de masse, qui fait d'ordinaire l'objet d'une déclaration en préfecture, mais d'une réunion en petit comité qui l'État voulait interdire. Avec cette décision de justice, la classe dirigeante lance un signal: toute acte d'opposition politique réelle, même protégée par la loi, sera criminalisée et persécutée par la justice.
L'avocat Me Khéops Lara a prévenu les juges que «Ce que vous allez juger, c'est le mouvement des 'gilets jaunes'», estimant que les juges doivent «avoir à l'esprit» que son client est jugé «car c'est une figure importante» des «gilets jaunes». «Je ne défends pas un terroriste, je défends quelqu'un qui depuis 32 week-ends consécutifs réclame plus de démocratie et de justice sociale», a rappelé Me Lara, dénonçant «une justice instrumentalisée en vue de réprimer ce mouvement».
L'accusation à l'encontre de Drouet, à savoir qu'il avait «une matraque en bois en vue de commettre des dégradations» a été démontée par les vidéos prises ce jour là. L'État n'a même pas tenté d'affirmer que Drouet avait eu un comportement violent. Mais pris d'hystérie face à la colère de classe qui monte parmi les «gilets jaunes» et plus largement les travailleurs en France, l'État traite Drouet comme s'il était arrivé à Paris à la tête d'une milice privée visant à lancer une insurrection à Paris et s'emparer de l'Elysée.
Même la description de son arrestation faite par Le Monde, journal pourtant favorable à l'organisation d'un procès contre Drouet, démontre que sa conduite a été légale et pacifique: «Un groupe de manifestants attend dans le calme de pouvoir sortir de la rue où les policiers les encerclent de tous les côtés. 'Les CRS veulent Eric, mais nous, on le garde', lance une manifestante qui filme la scène. Adossé contre un mur, Eric Drouet discute avec quelques comparses, tout en pianotant sur son téléphone. Alors qu'un membre du groupe invective les policiers, les forces de l'ordre décident de charger les manifestants, et interpellent Eric Drouet en une fraction de seconde, devant une foule estomaquée.»
Aprés son interpellation, Drouet a ensuite été conduit dans une fourgonnette de police à l'abri des regards. Là, les forces de l'ordre ont découvert dans son sac un bout de bois dont il se serait servi en tant que routier pour se protéger d'eventuelles attaques. Mais compte tenu des déclarations de la presse, Drouet n'avait aucune intention de commettre des actes violents. Il n'a opposé aucune violence à la tentative de la police de l'arrêter.
Ce procès à l'encontre de Drouet foule aux pieds les droits démocratiques inscrits dans la constitution, en essayant de faire un exemple de lui afin de terroriser les autres manifestants.
La disproportion flagrante entre le comportement pacifique de Drouet et sa violente persécution par l'État est liée à l'inégalité extraordinaire qui existe en France et en Europe. L'aristocratie financière fait face à la résurgence de la lutte des classes en Europe et à l'internationale. Terrifiée par l'opposition des masses dont elle se sent entourée, elle craint un mouvement puissant de la classe ouvrière internationale qui couve derrière la mobilisation des «gilets jaunes», et les revendications pour l'expropriation de sa vaste richesse mal acquise qui vont se formuler.
La classe dirigeante se sert de l'État policier fascisant qui a été créé sous le gouvernement PS pour persécuter violemment Drouet afin essayer de faire de lui un exemple et d'arrêter par la terreur la vaste colère sociale qui monte parmi les travailleurs.
Le procès de Drouet fait partie d'une répression violente des «gilets jaunes» qui a vu la plus large vague d'arrestations organisée en France depuis l'Occupation nazie s'abattre sur eux. Plus de 7.000 «gilets jaunes» ont été arrêtés, environ 2.000 blessés par la police, et des dizaines de manifestants ont perdu soit des yeux, soit des mains aux LBD et aux grenades de police.
A présent, la police s'empare de commentaires affichés sur Facebook ou les réseaux sociaux afin de déclarer illégale une petite réunion. Ainsi l'État tente de créer des conditions où toute manifestation sociale peut être déclaré illégale sur une décision arbitraire de la police, menant à des accusations légales infondées contre toute personne qui s'opposerait à la politique du gouvernement.
Drouet n'a pas été arrêté pour violence, et il n'avait pas sorti le bout de bois de son sac quand les forces de l'ordre l'ont arrêté. Ainsi la police avait manifestement comme ordre d'arrêter Drouet et ensuite de le fouiller afin de trouver un motif pour qu'il soit condamné.
Ce que le gouvernement reproche à Drouet s'est qu'il soit le porte-parole à des fractions des «gilets jaunes» opposées aux offres de négociations stériles faites par Macron. Cherchant à l'intimider Drouet, qui avait affirmé vouloir entrer dans le palais de l'Elysée pour parler avec Macron, le gouvernement avait perquisitionné son domicile et auditionné sa femme début septembre. Depuis, l'Etat et la justice mènent une campagne de pression et d'intimidation permanente contre lui.
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