Mardi 9 juillet, le conseil de défense écologique - composé des différents ministres - a étudié les contours de la future assemblée de citoyens qui traitera des questions écologiques. À l'origine de ce projet, plusieurs écologistes, dont Cyril Dion, qui ont collaboré pendant plusieurs mois avec l'exécutif pour concrétiser cette proposition.
C'est un travail souterrain au plus proche du pouvoir. Au cours du « grand débat national », des écologistes, dont Cyril Dion, ont rencontré Emmanuel Macron et son gouvernement à plusieurs reprises pour trouver des solutions à la crise des Gilets jaunes. Un plaidoyer qui a abouti au lancement par l'exécutif d'une « Convention citoyenne pour le climat » de 150 citoyens tirés au sort pour aborder les questions environnementales jugées « conflictuelles ».
Tout a débuté, le 23 janvier 2019, avec la création des « Gilets citoyens », un « collectif informel » composé à l'origine d'une centaine de personnes signataires d'une lettre ouverte au président de la République. « Réussir le Grand Débat National : Pour un nouveau souffle démocratique ».
Nous sommes une semaine après le lancement par Emmanuel Macron du « grand débat » et un peu plus d'un mois après les émeutes de décembre qui avaient ravagé les Champs-Élysées. Le gouvernement veut alors « transformer la colère en solutions ». Mais des dizaines de milliers de Gilets jaunes continuent de se mobiliser chaque samedi dans les rues. Le mouvement commence aussi à se structurer autour d'assemblées des assemblées, dont la première se tient à Commercy le 26 janvier 2019.
Parmi les auteurs de cette lettre, tous « Gilets citoyens », on retrouve une « diversité d'acteurs engagés dans l'innovation démocratique et la société civile », des politiques comme Julien Bayou, conseiller régional Europe Écologie-Les Verts, Marie Toussaint désormais députée européenne (EELV), Bertrand Pancher, député de la Meuse étiqueté à droite et proche de Gérard Longuet ou même Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie, ancienne secrétaire d'État chargée du Commerce et de l'Artisanat sous le gouvernement Valls. Des chercheurs se sont également joints à l'appel comme Patrick Viveret ou Loïc Blondiaux, ainsi qu'une figure des Gilets jaunes, Priscillia Ludoski, ou Maxime de Rostolan, fondateur de Fermes d'avenir et à l'origine du festival controversé l'An zéro. Laurence Tubiana, ancienne négociatrice de la France lors de la COP21, et Cyril Dion ont également signé le texte.
Leur objectif ? « Éviter que le débat se transforme en énorme défouloir de colères, qui n'aurait ni queue ni tête ou qu'il se limite à un enfumage destiné à nous endormir », résumait Mathilde Imer, coprésidente du collectif Démocratie ouverte, dans le Parisien.
Pour améliorer le « grand débat », dont ils jugeaient l'initiative « enthousiasmante », les Gilets citoyens proposaient au gouvernement « une méthode claire » avec « la mise en place d'un observatoire indépendant et la création d'une Assemblée citoyenne tirée au sort chargée de faire des propositions et donnant lieu à un référendum ».
Se disant « prêts à soutenir et/ou réaliser par eux-même la mise en œuvre d'un tel dispositif », les Gilets citoyens ont débuté à partir de ce moment, une longue collaboration avec le gouvernement. Comme le détaille leur site, en trois mois, du 12 février au 13 mai 2019, leurs représentants ont rencontré à six reprises des membres de l'exécutif. Soit une réunion de travail toutes les deux semaines.
Le 12 février, Cyril Dion et Marion Cotillard ont inauguré la série d'entretiens en voyant le président de la République lui-même. Cette visite faisait suite à leur intervention au micro de France Inter, le 21 décembre 2018 où les deux représentants de l'Affaire du siècle dénonçaient l'inaction du gouvernement vis-à-vis du climat. Emmanuel Macron a ensuite envoyé un message étonné à l'actrice, lui demandant pourquoi elle le critiquait. Il lui proposait de se rencontrer à l'Élysée pour en discuter. Réunion qu'elle a accepté à condition que « son ami Cyril » la rejoigne.
« Quand je suis arrivé au rendez-vous, je me suis dit que cela ne servait à rien d'imaginer un énième Grenelle de l'environnement ou de proposer d'autres mesurettes, raconte Cyril Dion à Reporterre. Il fallait quelque chose de plus fort. Aucun gouvernement, aujourd'hui, n'a le courage de prendre des actions à même de respecter les engagements issus de la COP21. Il y a trop de pression et de lobbies. La solution doit venir de la population, il faut arriver à créer un consensus au sein de la société qui pousse l'État à agir. » D'où l'idée d'une Assemblée citoyenne tirée au sort qui traiterait des sujets environnementaux.
Cyril Dion défend cette proposition depuis longtemps. « Dès la campagne de 2012 avec les Colibris, on cherchait à adjoindre une part de démocratie directe à la démocratie représentative ». Au cours du tournage de son film Demain, le réalisateur a aussi pu étudier « des expériences étrangères qui fonctionnent en Islande ou au Texas ». D'après Cyril Dion, « Emmanuel Macron a compris le caractère historique de cette assemblée. C'est une manière pour le gouvernement de déporter la contrainte de propositions radicales, d'éviter ainsi d'être directement mis en cause. Ce seront désormais des citoyens qui émettront des propositions. Ça permettra à l'exécutif de porter des mesures qu'il n'aurait pas faites seul ».
S'en sont suivies plusieurs réunions, « des semaines et des mois de discussion, selon Cyril Dion, pour que cette initiative soit portée de manière exigeante et que l'on ne la détricote pas » :
- Trois jours après la première visite de Marion Cotillard et Cyril Dion, Mathilde Imer et deux autres représentants des Gilets citoyens rencontraient le 15 février deux conseillers d'Emmanuel Macron pour « poser les fondamentaux méthodologiques ».|
- Le 9 avril, Cyril Dion et Mathilde Imer voyaient à nouveau les deux membres du cabinet de l'Élysée. Les conseillers ont alors dit qu' « une Assemblée citoyenne sur la transition écologique semblait être une des pistes envisagées pour la sortie du grand débat national ».|
- Mi-avril, le collectif Gilets citoyens, sans attendre les annonces d'Emmanuel Macron, déclaraient à la presse qu'ils allaient créer une assemblée tirée au sort et représentative de la société française. Ses membres seraient formés par des experts « de façon contradictoire » pendant « au moins trois week-ends » avant de délibérer sur les propositions qui pourraient ensuite être soumises à référendum. Mais une inconnue demeurait. Quel rôle allaient jouer les pouvoirs publics ? Les membres du collectif ont proposé à Emmanuel Macron d'accompagner le dispositif, qui nécessitait un budget de « plus de 1 million d'euros ».|
- Le 25 avril, (Re)voir la conférence de presse à l’issue du Grand Débat national. à l'issue du « grand débat national », Emmanuel Macron annonçait le projet. Le gouvernement s'engageait dans la création d'une convention citoyenne pour le climat composée de 150 citoyens tirés au sort.|
- Le 30 avril, le collectif rencontrait le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, pour présenter sa feuille de route.|
- Le 3 mai, une nouvelle réunion au sein du même ministère est organisée pour préciser « les lignes rouges », puis le 13 mai avec des conseillers de l'Élysée. « On veut rester dans une démarche indépendante vis à vis du pouvoir, précise Cyril Dion. Nous ne souhaitons pas d'interférence gouvernementale dans le choix des sujets comme des garants. La représentativité de l'assemblée doit également être respectée, un temps de discussion minimum et le fait aussi que les débats soient filmés pour que la majorité des Français puissent s'en saisir. »|
Le projet prend peu à peu forme. Le 2 juillet, un comité de gouvernance est monté. Des membres des Gilets citoyens l'intègrent. Laurence Tubiana en devient coprésidente avec Thierry Pech, le directeur du think tank Terra Nova. Mathilde Imer et Loïc Blondiaux sont désignés « experts de la démocratie participative ». Un conseiller du ministre François de Rugy, Léo Cohen, qui avait participé à des réunions de travail préparatoires avec le collectif rejoint aussi le comité de gouvernance.
Cette assemblée de 150 citoyens devrait rendre des propositions d'ici début 2020. Dès la semaine prochaine, un prestataire va être nommé pour commencer à démarcher les Français par téléphone. La participation se fera sur la base du volontariat. Le gouvernement souhaite que ces citoyens abordent la question de « la réduction des émissions de gaz à effet de serre ». Selon Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de François de Rugy, interrogée sur CNews le 9 juillet, « on leur demandera de réfléchir : est-ce qu'on a suffisamment de financements pour accompagner la transition écologique, sinon est-ce qu'une taxe carbone est une bonne ou mauvaise idée et dans quelles conditions ? »