Maintenant que le monde est un village, un village aux couleurs, mœurs et modes largement occidentales, les casuistes de notre temps n'ont de cesse d'analyser le passé en tenue de magistrat, jugeant l'histoire, le colonialisme entre autres tout en ignorant ou feignant d'ignorer que l'Occident n'a jamais été aussi impérialiste.
Le monde tend à s'occidentaliser et certainement pas sous l'action du Saint-Esprit. Il y a une grande naïveté de croire que le colonialisme et le totalitarisme appartiennent à l'histoire, plus particulièrement qu'ils ne peuvent exister que sous la forme qu'ils ont prise aux siècles passés. Une fois le mal percé à jour, il s'efface un temps pour changer de forme et réapparaître plus virulent. Les puissances Alliés contenaient déjà dans leurs sociétés les germes du mal qu'elles combattaient chez les puissances de l'Axe, parce que l'une et l'autre se trouvaient bâties sur le même paradigme humaniste qui est à finalité totalitaire.
L'humanisme, c'est l'homme promu alpha et oméga, responsable d'établir par lui-même ici sur terre un paradis. Dès lors qu'on cesse de croire que le paradis est en soi par la connaissance de l'Esprit, on s'embarque dans le toboggan totalitaire. Ceux qui perdent de vue cette vérité continueront d'œuvrer politiquement pour instaurer la paix dans ce monde, ce qui est justement infaisable. C'est une quadrature. La résoudre nécessite d'employer la force, la violence, parfaitement excusable pour certains car la fin (terre pacifiée) justifie les moyens (coercition). Tous les despotes ont le bien de l'humanité en tête ou en bouche.
Aujourd'hui les signes que nos sociétés ont dépassés le stade « orwellien » sont multiples, à commencer par cette novlangue qui tient lieu de verbe dans l'espace public et déclenche l'autocensure. Secundo l'inflation du juridique où sous couvert de protection des libertés on les rogne un peu plus à chaque loi. Tertio le plus terrible, que s'il était interdit de penser librement dans les anciens régimes totalitaires, chacun le puisse dorénavant mais n'en ait plus la capacité ; conséquence de l'autocensure qui finit par modeler et restreindre la pensée, d'autant plus efficacement que ceci est inconscient.
Ces procédés fonctionnent dans la mesure où les hommes sont de plus en plus narcissiques donc de plus en plus fragiles, déstructurés, influençables. L'anthropologie humaniste sape l'individuation, remisant les hommes à leur égo.
Bien davantage qu'une anthropologie, c'est une religion à l'envers, séculière, qui s'est appuyée sur le christianisme pour s'établir, jusqu'à posséder sa propre trinité : Dieu remplacé par l'homme, le Fils par la matière et le Saint-Esprit, soit la Connaissance, par le rationalisme.
Les prouesses techniques sont autant d'occurrences votives à cette religion. Chaque nouveauté en affirme le caractère sacré, donc la légitimité. Mais tandis qu'elle remplace dans les cœurs et dans les esprits le vieux phare christique, elle y instille son poison.
La technicisation réduit et même tend à supprimer le noyau de l'expérience individuelle, conformant les existences à un Même totalitaire. Un totalitarisme parfait puisque sans aucun centre de gravité, diffus, acéphale, furtive signature de l'antéchrist qui s'empare des esprits qu'il trouve, d'esprits faibles. Il tisse une toile incohérente et opportuniste. Concrètement, cela se traduit par un effondrement de l'individualité au profit de l'égo : ces deux choses s'opposent parfaitement.
Ce n'est plus l'émancipation par la grâce qui compte, s'affranchir de l'égo, mais au contraire s'y asservir tout entier ; dérive axiologique qui mène à l'autodestruction de l'individu en particulier et de la société en général.
Il n'est d'ailleurs pas surprenant de constater l'émergence du concept de « perversion narcissique » dans les années 1980-1990. S'il n'a pas valeur clinique, il devenait impossible de nier comme phénomène collectif ce vecteur comportemental, narcissique, dans nos sociétés modernes. Quand on voit à quelle vitesse ce mal prolifère, on peut en faire facilement des prophéties.
Macron à cet égard est un cas d'école. Il en cumule les symptômes. Coincé dans une logique permanente de séduction, donc de manipulation, maniant la novlangue à merveille. Novlangue qui n'a d'autre but que d'éviter tout contact avec la réalité, tel est son secret, sa grammaire. Malgré les mots, les paroles, il n'y a pas de lien réelavec l'interlocuteur, pas d'échange. Elle installe l'incommunicabilité, qui sera mise sous le compte de celui qui ne pratique pas cette novlangue. Pour un tel réfractaire, il n'y a guère que la pédagogie pour le faire rentrer dans le rang. C'est par là qu'on peut comprendre l'incommunicabilité de Macron et ses acolytes d'avec ceux qui ont gardé un orteil si ce n'est un pied dans la réalité.
Le plus effrayant bien sûr étant que son personnage puisse entrer en résonnance avec une partie non négligeable de la population, ce qui a le mérite au passage d'offrir un diagnostic assez sérieux sur la santé de notre société.
Seuls les Gilets Jaunes offrent une réaction visible à ce totalitarisme invisible. Ces gens que le gouvernement piétine, paillassons de leur suffisance, ont le mérite de faire trembler les masques. Ils ont un instinct fort, un instinct juste de l'insidieuse coercition qui sévit dans le pays et ailleurs, du reste. Il leur manque l'entendement pour y mettre des mots. Dans l'impuissance de nommer ce mal et d'en préciser l'origine, ils cherchent des coupables, des boucs émissaires, des complots : un ennemi factuel qu'ils pourraient combattre. Ce combat ils l'ont déjà perdu. Ils sont loin d'imaginer d'avoir affaire à l'antéchrist et qu'il n'est pas de victoire collective contre lui. La lutte contre l'antéchrist est individuelle, chacun est mis en face de sa responsabilité, c'est de l'ordre du libre-arbitre. L'individualisme est une vertu purement chrétienne.
Tout ce qui relève de l'antéchrist va se défendre bec et ongles pour sauvegarder son mensonge. Ça a déjà commencé, il y a plus de deux mille ans.