Samedi 18 mai, écologistes et Gilets jaunes ont manifesté sur le site de recherche sur les semences de Monsanto de Saint-Andiol (Bouches-du-Rhône) pour la troisième fois depuis le début de l'année. À l'occasion de la Marche mondiale contre le semencier étasunien - acheté par Bayer -, ils ont dénoncé le brevetage du vivant et la commercialisation des OGM et du glyphosate.
- Saint-Andiol (Bouches-du-Rhône), reportage|
« Les pesticides sont partout ! Les pisseurs de glyphosate l'ont montré. Même si les personnes font le choix de manger bio, elles n'ont en fait pas le choix », dit Christine Juste, porte-parole d'Europe Écologie-Les Verts (EELV) en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), devant une assemblée de 80 personnes. Ce samedi 18 mai, elles sont venues du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et du Gard, devant la « station de recherche maraîchère » de Monsanto à Saint-Andiol (Bouches-du-Rhône), à l'occasion de la Marche mondiale contre la firme étasunienne.
Le rassemblement se tient au cœur d'une campagne maraîchère et arboricole, non loin de Cavaillon (Vaucluse), qui se trouve sur l'autre rive de la Durance. Sans panneau indiquant ici la présence de l'industriel, récemment racheté par Bayer, difficile de savoir que les 16 hectares de champs et de serres vitrées ne sont pas une exploitation agricole. Le site de Saint-Andiol compte parmi les onze en France consacrés à la recherche sur des semences hybrides.
Les serres en verre ultramodernes de Monsanto à Saint-Andiol (Bouches-du-Rhône).
« Qui sème Monsanto récolte la mort. Monsanto touche plus à ma terre. Monsanto assassine les peuples » proclament des pancartes jaunes fluo brandies devant le portail clos du lieu. Bien plus que la dénonciation de la nocivité du glyphosate, le principe actif du Roundup, l'herbicide phare de Monsanto, l'aréopage de militants associatifs, politiques écologistes et Gilets jaunes est venu pour rejeter Monsanto et son monde. Pollutions et atteinte à la santé par les pesticides, OGM, brevets sur le vivant et agriculture industrielle sont au cœur des critiques.
« Monsanto ne pense qu'à sa rentabilité, quitte à nous empoisonner et à empoisonner la terre, tuer les oiseaux et les insectes. Nous, les Gilets jaunes, sommes dans toutes les luttes qui nous semblent justes », dit à Reporterre une sexagénaire venue du village vauclusien de Pernes-les-Fontaines et vêtue de la chasuble fluo. « Le problème de la taxe sur les carburants, point de départ du mouvement, poursuit-elle, est qu'elle ne servait pas à la transition écologique mais à combler la suppression de l'impôt sur la fortune. Les riches sont de plus en plus riches et les classes moyennes dégringolent. »
Quatre-vingt écologistes et Gilets jaunes se sont rassemblés devant le site de Saint-Andiol pour la Marche mondiale contre Monsanto.
Sous la surveillance de deux gendarmes, cette action est la troisième depuis le début de l'année à cet endroit. Fin janvier, des Gilets jaunes et la Confédération paysanne du Vaucluse avaient bloqué le site durant toute une journée. Rebelote début avril, avec une alliance étendue à divers collectifs et associations dont les Faucheurs volontaires, les Amis de la Terre et Nous voulons des coquelicots.
« Les partis se verdissent par le discours, mais tout continue comme avant »
Cette fois-ci, parce que « c'est la saison des foins et que les paysans sont occupés à faucher », la Confédération paysanne n'a pas envoyé de représentant. Mais le syndicat d'agriculteurs a laissé un texte à une responsable régionale d'EELV, qui l'a lu au micro. « Pour sortir des pesticides, il faut que nous pensions la transformation des conditions économiques des paysans, la fin des accords de libre-échange et une politique agricole et alimentaire qui soutienne les paysans en les rétribuant correctement », lit Hélène Haensler, habillée d'un t-shirt des Faucheurs volontaires, ce mouvement opposé aux OGM. « Plutôt que de favoriser les grosses exploitations, la politique agricole commune doit accompagner vers une agriculture sans pesticides. »
Devant le portail du site Monsanto de Saint-Andiol le 18 mai.
Sylvie Fare, conseillère départementale (EELV) du Vaucluse et candidate aux européennes, partage les préoccupations pour un changement de modèle. « C'est vital pour les paysans qui sont esclaves, parce qu'endettés à cause de la surmécanisation et des multinationales. Tous les deux jours, un paysan se suicide. À la fin de leur carrière, ils ont de toutes petites retraites », dit cette « fille et petite fille de maraîchers ». Elle s'inquiète aussi de l'artificialisation des terres, qui défigure la région Paca. 140.000 hectares de la région ont disparu sous le béton depuis les années 1970, estime la Safer (Société d'aménagement foncier et d'établissement rural). L'élue dénonce le projet d'une zone commerciale mené par Auchan à Cavaillon, « où l'on s'apprête à bétonner 45 ha de terres d'une valeur agronomique extraordinaire, en bord de Durance ». La lutte locale contre ce projet constitue aussi un point de convergence entre jaunes et verts.
Sylvie Fare, conseillère départementale (EELV) du Vaucluse, et Hélène Haensler, cosecrétaire régionale d'EELV.
Aux racines de cette union se trouvent deux faits saillants. Le Vaucluse, terre viticole, est à la fois champion de l'usage du glyphosate et des pesticides et l'un des départements où les Gilets jaunes sont les plus actifs. Jacky, qui était écolo avant de revêtir le gilet jaune, rappelle les destins funestes des victimes des pesticides, comme celui de l'Argentin Fabian Tomasi, mort après avoir souffert de multiples maux. Il vivait dans une région que les avions survolaient fréquemment pour y épandre les pesticides sur les cultures de soja. « Actuellement, mon corps est consommé, plein de croûtes, presque sans mobilité et le soir, j'ai du mal à dormir à cause de la peur de ne pas me réveiller », disait Fabian Tomasi, cité par un article du Monde lu par Jacky.
Jacky (avec le chapeau) et ses camarades Gilets jaunes de Cavaillon.
« Ce qui se passe en Amérique latine se passe aussi en France », poursuit René Pélisson, président de l'association Citoyens responsables Écologie Avignon. Qui s'inquiète, à l'approche des élections européennes, d'un autre particularisme régional, d'un probable fort vote pour le Rassemblement national. « Les partis se verdissent par le discours, mais tout continue comme avant. En marche, Les Républicains et surtout le Rassemblement national sont climaticides. Ils sont pour les pesticides. Il faut battre ces gens qui sont anti-humains. Les pauvres qui votent pour ces gens se tirent une balle dans le pied. Faites passer le message autour de vous ! » s'égosille le responsable associatif.
Les ronds-points, « des lieux de rencontre où la prise de conscience se fait naturellement »
« Les élus sont tous les mêmes ! Rejoignez les Gilets jaunes ! Qu'avez-vous fait pendant vingt ans ? » s'agace dans l'assistance un quinquagénaire dont la casaque fluo indique qu'il vient de Carpentras. « Nous, nous sommes les Gilets verts », lui rétorque une femme arborant le logo d'EELV à la poitrine. Au micro, Lydia Frentzel, conseillère municipale (EELV), élue des quartiers nord de Marseille apporte une autre réponse. « Je ne suis pas née dans un bain écolo. Ensuite, j'ai découvert comment on fait mourir les gamins », dit celle qui s'est battue au sein de la société civile contre la pollution atmosphérique des navires faisant escale dans la cité phocéenne. « Sachez qu'on est solidaires. J'apprends beaucoup de vous et de l'écologie, ajoute-t-elle. Monsanto a été acheté par Bayer. Il y en a un qui empoisonne et l'autre qui, soi-disant, soigne [comme industriel pharmaceutique]. Que ce soit les Gilets jaunes ou les écolos, il faut que l'on soit tous ensemble. Il faut que l'on aille à Paris pour faire changer les choses », vient dire au micro le Gilet jaune carpentrassien, qui ne semble pas croire aux élections.
Lydia Frentzel, conseillère municipale EELV de Marseille, élue dans les quartiers nord.
Après les discours, les militants EELV installent une ambiance de kermesse électorale en offrant boissons, gâteaux et programmes pour les européennes. Lydia Frentzel confie à Reporterre se retrouver socialement avec les Gilets jaunes, « en tant que petite habitante des quartiers nord et mère qui a élevé seule ses enfants. Les Gilets jaunes secouent tout le monde. Ça fait du bien d'être secoué », dit celle qui est aussi représentante du personnel (CGT) au conseil départemental. « Le mouvement des Gilets jaunes a grandi. Il est en convergence avec tout le monde », affirme Jacky, qui analyse les ronds-points comme « des lieux de rencontre où la prise de conscience se fait naturellement ». En Provence comme ailleurs, Gilets jaunes et écologistes promettent de se retrouver pour d'autres actions.