Source : Télérama, Samuel Gontier, 18-02-2019
Sous l'œil avisé de ses experts en manifestants "issus de l'ultraviolence", BFMTV retransmettait le match du samedi entre les Bleus et les Jaunes... Jusqu'à ce que s'invitent les insultes proférées contre Alain Finkielkraut. Seule la formidable réussite du grand débat national pouvait me consoler.
« On parle de la violence des manifestants. » Comme tous les samedis. La présentatrice de BFMTV nuance : « Mais, il faut le rappeler, la plupart des manifestants ont manifesté pacifiquement. Et justement nous allons retrouver Loïc Besson sur l'esplanade des Invalides. » Et justement, « il y a eu une première charge des forces de l'ordre, qui sont la cible de nombreux projectiles... A l'instant, des jets de gaz lacrymogène ».
Cinq minutes plus tard. « On va retrouver Raphaël Maillochon, quelle est la situation ? » « Les forces de l'ordre avancent, vous entendez ces grenades de désencerclement alors qu'il tombe véritablement une pluie de gaz lacrymogène. » Cinq minutes plus tard. « Clémence Dibout est sur place... » Comme tous les samedis, pas moins de trois équipes et deux heures d'antenne sont dédiées à la retransmission des violences. « Tous les samedis, c'est extrêmement sensible. »
Entre deux averses de grenades, on parle donc de la violence des manifestants. « Comment l'exécutif peut-il sortir de ces violences de fin de manifestation ? » « C'est compliqué, admet Jannick Alimi, du Parisien. Pour Christophe Castaner et le gouvernement, il n'est pas question de passer pour des laxistes. » D'où leurs efforts répressifs. « Les statistiques sont là pour montrer que les gardes à vue, les interpellations sont d'une ampleur inédite. » Ce gouvernement a brillamment battu les records du précédent.
« Mais, d'un autre côté, le gouvernement ne veut pas faire d'erreur, entre guillemets ne veut pas faire de bavures... » Il ne manquerait plus que ça. « Il ne faut pas qu'il y ait des blessés, des blessés graves... » S'il y en avait eu, ça se serait su. « Et encore moins des morts. Dans l'absolu, c'est évidemment quelque chose souhaité par tout le monde. » Mais dans la pratique...« Parce que ça pourrait en plus se transformer en martyr pour les Gilets jaunes si bien sûr les blessés graves ou les morts - Dieu merci il n'y en a pas encore jusqu'à présent - étaient du côté des Gilets jaunes. » Dieu merci, ça n'est pas arrivé. Aucun leader des Gilets jaunes n'a perdu un œil, touché par un tir de LBD place de la Bastille, aucune octogénaire n'a perdu la vie, touchée par une grenade le 1er décembre à Marseille.
« Là on voit le DAR, dispositif d'action rapide », admire un syndicaliste policier, expliquant comment ses collègues procèdent pour interpeller « des gens issus de l'ultraviolence ». « Des professionnels de la casse et du désordre », précise Dominique Rizet. « Ils savent exactement comment opèrent les policiers et les gendarmes, ils sont rodés, complète Driss Aït Youssef. C'est dans ces circonstances qu'on a quelquefois des accidents. » Maudites circonstances. « Des policiers ou des gendarmes font usage de grenades de désencerclement ou de LBD et blessent injustement un manifestant qui n'est pas un Black Bloc. » Alors qu'ils doivent mutiler seulement les Black Blocs.
Comme tous les samedis, les experts s'extasient à l'arrivée de la cavalerie. Selon le syndicaliste, « c'est des chevaux de très haute stature. Et c'est des charges en bonne et due forme ». On n'est pas chez les sauvages. « Les policiers de la brigade équestre ont la capacité d'interpeller des individus en restant sur leur cheval. »Comment ça ? Au lasso ? « Ça permet de figer les situations. » En effet, il n'y a pas plus figée qu'une situation ayant reçu un coup de matraque sur la tête. « C'est totalement désorganisé, c'est une manifestation qui n'a ni queue ni tête », désespère Dominique Rizet, à deux doigts de cotiser à la CGT.
Quelques minutes plus tard, branle-bas de combat, la vidéo de la violente agression verbale contre Alain Finkielkraut s'invite dans le flux des violences pour les recouvrir toutes. Triste conclusion d'une journée de manifestation qui m'aura tout de même procuré le bonheur de revoir l'écran de BFMTV consacré à un tweet de Manuel Valls (qui manifestait avec l'extrême droite le week-end précédent à Madrid). Ça me manquait.
Le lendemain, dimanche, le caillassage d'un véhicule de police fait jeu égal avec les horreurs proférées contre Alain Finkielkraut. Le véhicule caillassé n'étant pas disponible, Apolline de Malherbe reçoit le philosophe. « Vous avez été hué, insulté avec hargne par des manifestants qui portaient le gilet jaune. » La présentatrice lui soumet une de ces alternatives dont elle a le secret. « Est-ce qu'il faut minimiser ou est-ce qu'il faut rendre compte d'un climat de haine qui s'installe en France ? »Quelle question ! Il faut minimiser, évidemment.
Je retiens du discours d'Alain Finkielkraut ce que Daniel Schneidermann met aussi en exergue ce lundi matin:
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