Par Dominique Arias
En guerre ? Quelle guerre ? Sinistre terme ! S'il est un point, un seul, sur lequel tous les dirigeants occidentaux sont instantanément tombés d'accord face au Covid 19, c'est sur la nécessité de recourir à ce terme là pour s'adresser aux foules. Justement celui là ! comme s'il n'y avait pas d'autre image possible. Y recourir dans une situation où il s'agit avant tout d'être internationalement solidaires et de s'écouter et comprendre les uns les autres n'a hélas rien d'une maladresse. Pas de leur part...
« En guerre » renvoie à la « raison d'Etat », à l'idée d'un « cas de force majeure » impliquant l'organisation et la gestion de la société selon des règles militaires (au sens romain de dictature) : obéissance aveugle aux ordres, avec interdiction de les discuter ou remettre en cause - voire d'y réfléchir, s'ils semblent manquer d'humanité ou de logique ; sanctions pour les contrevenants, augmentées en cas de récidive ; incitation à la délation de bon voisinage ; suspension « jusqu'à nouvel ordre » des valeurs humaines, de l'empathie (non sélective), du bon sens, de l'esprit sous toutes ses formes ; et condamnation sans appel de ceux qui refusent de se soumettre à une hiérarchie qui pense à votre place et ne peut (en un moment pareil) tolérer d'être contredite. « Nous sommes en guerre ! », ça veut dire « Il y aura des morts ! Mais c'est ainsi, et pas autrement ! Et c'est normal ! A la guerre comme à la guerre ! Et après, il vous faudra reconstruire tout ce qui aura été détruit pour vous, par vous, à cause de vous ! Finis les bavardages et les doléances de rue, plus le temps de refaire le monde. Pas de discussion ! Du courage, encore du courage ! Vous allez en avoir besoin. » Et si la guerre se prolonge ou si elle est perdue, ce sera comme toujours à cause du manque de patriotisme et de bravoure de la piétaille, et à cause des insoumis (jamais à cause de ceux qui dirigent les troupes, et encore moins à cause de ceux dont le devoir était bien d'éviter la guerre). « Nous sommes en guerre ! », « Sachons vivre et sachons mourir ! », renvoie à l'obéissance aveugle que nos élites attendent de nous, pour mieux se dédouaner sur leurs propres victimes, et n'être surtout pas remis en cause.
Le pangolin, vous dis-je... Le pangolin !
On trouve sur Internet toutes sortes de documents, de réflexions ou d'analyses sur les origines possibles de cette épidémie : chauves-souris, civettes, pangolins, réapparition cyclique, laboratoires chinois ou américains d'armes bactériologiques, fuite accidentelle, contamination délibérée, etc. Tout cela existe effectivement à notre époque, et il est aussi vain et malhonnête de nier l'existence des labos militaires que celle des pangolins ou des chauves-souris. « Ils n'oseraient pas ! » Sans blague ? Ce que nos dirigeants et nos militaires sont capables d'oser, l'histoire est là pour nous le dire. Quant aux capacités de notre mère nature, si chère à Greta Thuneberg et à ses défenseurs (dont je suis), l'histoire est aussi là pour nous rappeler qu'elle n'a nullement besoin d'aide pour faire une hécatombe quand bon lui semble. Mais au stade où nous sommes, la question n'est plus vraiment là, sinon pour les chercheurs, pour qui trouver le point de départ exact de l'épidémie est indispensable en terme d'anticipation et de prévention.
Pour nous, les néophytes, face à toutes ces éventualités possibles, la question à se poser n'est-elle pas plutôt : Comment les dirigeants de pays qui comptent parmi les plus puissants de la planète (Fr, UK, USA, Russie, Chine, Israël, etc.), qui mènent depuis des décennies des programmes militaires de guerre bactériologique en totale violation des règles de l'ONU, calculent des stratégies d'attaque, de défense, et qui ont récemment souffert de revers économiques cuisants à cause d'épidémies animales, naturelles ou pas, peu importe (vache folle, grippe porcine, grippe aviaire à répétition, SARS, etc.), comment peuvent-ils nous dire aujourd'hui « Nous n'étions pas prêts » ? Comment nos dirigeants peuvent-ils nous dire « Si l'épidémie se propage c'est de votre faute, parce que vous ne respectez pas à la lettre les consignes de confinement », et en même temps « Nous n'avons pas de stocks de masques », « nous n'avons pas assez de systèmes d'assistance respiratoire, ni de lits dans les hôpitaux, ni de structures en bon état, ni de combinaisons, ni de microscopes électroniques pour analyser les tests de dépistage, donc... pas de dépistage systématique ! Les Coréens et les Chinois l'ont fait, nous non... restez confinés ! » Après des décennies à parler de risque de guerres bactériologiques, « Nous n'avions pas anticipé... » Comment trouvent-ils le front nous dire « les programmes des laboratoires militaires ne violaient pas le droit international car ils étaient seulement défensifs » ? On ne se défend donc pas d'une éventuelle attaque bactériologique en activant un protocole d'urgence établi des années à l'avance, par prévention, et en sortant les stocks de matériel d'urgence préparés, au cas où, pour une telle occasion, mais en propageant un autre virus ? Ou bien quoi ? Nous ne nous sommes jamais imaginés qu'en position d'agresseur ? Et ça, c'est tout ce qu'on peut attendre en terme de bon sens de nos grands chefs d'Etat-major et de nos énarques ? Mais dites-moi que je rêve ! « Nous n'étions pas prêts... », et « C'est de votre faute... ».
En un sens, c'est pas faux puisque nous acceptons depuis des décennies d'être dirigés et « représentés » par des gens d'une arrogance et d'une incompétence crasse aussi vertigineuse. C'est un peu notre faute à tous, soit... Mais ça ne les dédouane pas le moins du monde ! C'est le sang de leurs propres peuples qu'ils ont aujourd'hui sur les mains, qui commence à couler à flot, et qui éclabousse leur suffisance dédaigneuse de « chefs de guerre ». En la circonstance, ils feraient mieux de faire profil bas et de ne pas la ramener avec leur « Marchez au pas, fleur au fusil, derrière vos chefs, nous sommes en guerre ! » Et de sous-entendre assez explicitement, par là même, et sans vergogne ni états d'âme : « Pas de dépistage systématique, eh bien tant pis ! Ça durera simplement un peu plus longtemps, voilà tout. Le confinement ralentira suffisamment l'épidémie pour que nos braves héros en blouses blanches (honneur à eux !) arrivent à gérer le flux des malades sur la durée, à flux tendu pendant quelques mois, un an, deux ans, qu'importe, leur attitude est exemplaire, ils y arriveront ! Et s'ils n'y arrivent pas ce sera de la faute de ceux qui n'ont pas strictement respecté règles pourtant simples et claires du confinement ! » C'est vraiment ça qu'on se laisse dire ? C'est pas juste une honte, c'est parfaitement abject !
Mais à quoi servent les guerres ? Nos guerres...
A offrir aux nations des héros édifiants et des morts exemplaires ? A « aguerrir » les races et les peuples, comme on le disait en Quatorze ? A conquérir, annexer et piller les ressources des autres ? Non, hélas, non On n'en est plus là... Depuis plus de vingt ans, je me penche ad nauseam sur le sujet ; j'en filtre et dissèque tous les commentaires, récits et analyses qui me semblent les plus pertinents... pour ce que j'en sais, vraiment, les guerres d'aujourd'hui ne font plus de héros, sauf chez ceux qui tentent vainement de se défendre de nos coups d'Etats et autres « interventions humanitaires ». Chez nous, ceux qui commandent comme ceux qui exécutent sont avant tout des criminels de guerre, car personne n'ose plus nous agresser. Nos armes et notre absence totale de retenue ou de scrupules l'interdisent efficacement, et lorsqu'on vote les sanctions, on est à l'abri des sanctions. Traditionnellement nos guerres servent principalement à mater la populace lorsqu'elle grogne, descend dans la rue, et se fait menaçante pour les institutions et les élites. Ce que les trop modestes guerres de Louis XIV et Louis XV avaient échoué à produire, celles de Bonaparte y ont pourvu pour un moment. Ce que les hécatombes de 14-18 n'étaient parvenues à calmer, 39-45 et ses 27 millions de morts rien qu'en Russie y est arrivée pour un moment, et ainsi des suivantes. Et si vous tentez d'expliquer à nos élites qu'une saignée n'a jamais guéri un malade, elles vous rétorqueront froidement qu'on n'a jamais soigné celui-là autrement, et que la saignée à toujours bien fini par faire ses preuves.
Les guerres d'aujourd'hui n'ont plus pour objet la conquête, l'annexion, ni même le pillage, sauf à confondre les buts et le butin de guerre (qui ne sert qu'à mobiliser les troupes et les soutiens : aujourd'hui les milieux d'affaires qui détiennent notamment les médias). Elles ne servent plus, depuis des décennies qu'à handicaper et détruire les rares pays qui ont le potentiel de constituer un groupe d'Etats doté d'assez de ressources et de détermination pour devenir autonomes et rejeter notre hégémonie. Le pillage, ou la lucrative « reconstruction » d'après-guerre, sont vitaux mais annexes, et ne sont bien souvent, des années durant, qu'une promesse creuse. Depuis celle du Vietnam, les guerres modernes n'on même plus vocation à être gagnées (aucune ne l'a été), mais seulement à laisser en exergue, aux yeux de tous, un édifiant champ de ruines jonché de cadavres, avec des survivants envenimés de haine, dressés pour des générations les uns contre les autres, là où se dressait un pays - et à oblitérer qu'il y soit reconstruit.
Quant à cette guerre là, puisqu'on nous y invite, on en saisira sans doute mieux la fin quand elle sera terminée, si on en voit jamais la fin.
Dominique Arias
Dominique Arias, habituellement traducteur pour Mondialisation.ca
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