08/07/2019 reseauinternational.net  7min #158859

 Trump aurait ordonné des frappes sur l'Iran avant de se raviser in extremis

Surprenante suspension de l'attaque de l'Iran par les Etats-Unis

La suspension in extremis de l'agression de l'Iran par les Etats-Unis, jeudi 20 juin, soulève un certain nombre de questions quant à la stabilité de la paix dans le monde, mais aussi au renversement de rapports de force.

En juin il était évident que les Etats-Unis cherchaient des soutiens pour attaquer l'Iran. Les grossières accusations envers l'Iran pour les attaques contre des pétroliers dans le golfe d'Oman les 12 mai et 13 juin n'ayant pas suffi à convaincre les pays européens qui refusent de laisser tomber eux aussi l'Accord de Vienne, une encore plus grossière tentative a eu lieu au moyen d'un vidéogramme ridicule d'imprécision, qu'aucun pays sérieux n'aurait osé présenter comme « preuve », recevable en droit international, d'un casus belli prétendument commis par son ennemi. Accessoirement le moindre chef d'Etat ou de gouvernement européen comprend bien que l'Iran n'a aucun intérêt à fermer le détroit d'Ormuz ou à détourner les clients de la région, tandis que les Etats-Unis ont toujours eu intérêt aux tensions qui font monter le cours du pétrole (et donc la demande de dollars) et renforcent leur alliance avec les pays arabes.

Les alliés européens des Etats-Unis n'étant toujours pas prêts à les soutenir dans leur agression programmée, un avion sans pilote étatsunien a violé l'espace aérien iranien, suivi d'un avion de lutte anti-sousmarine et de pilotage de drones, pour y être abattu, le 20 juin au matin. L'Iran a abattu le drone mais a épargné le Poseidon, juste un mois après que le ministre des affaires étrangères Mike Pompeo ait averti, en substance, que la mort d'un seul militaire étatsunien sous le feu iranien justifierait une entrée en guerre. Que le Poseidon n'ait pas été détruit signifie en tout cas que la défense aérienne iranienne, qui le suivait évidemment avant son incursion (certainement marginale) dans l'espace iranien, l'avait identifié et savait qu'il n'était pas dangereux, et que la destruction du drone suffirait au principe et à l'avertissement.

La Russie a certes fini par clore le débat sur la trajectoire du drone (et de l'avion), quelques jours plus tard, en proposant aux pays qui le souhaitaient les enregistrements (satellitaires ?) irréfutables. Cependant au moment de l'annulation de l'attaque étatsunienne ces éléments n'avaient pas encore été proposés, ou du moins pas publiquement.

On n'aime pas mêler les questions de personnes aux relations internationales, sauf dans les autocraties intégrales où le chef d'Etat ou de gouvernement prend effectivement toutes les décisions importantes. Néanmoins l'agitation personnelle du président Donald Trump, au moyen des touitements spontanés (en témoigne l'orthographe) qui lui tiennent lieu de conférences de presse, fut là suffisamment notable pour inquiéter. Se serait-il soudain emparé du pouvoir ? La plus grande puissance confierait-elle réellement le pouvoir d'entrer en guerre (voire le bouton nucléaire) à des intérimaires malinformés et capables de coups de tête arbitraires dans un sens puis dans l'autre ? Si une attaque aérienne contre l'Iran, certes préparée depuis longtemps avec diverses options, a été armée et soumise à son ultime décision, c'est qu'il avait quelques heures plus tôt donné son accord, comme d'ailleurs ses réponses à quelques journalistes l'avaient laissé entendre dans la journée. Il est possible qu'on ne lui ait pas révélé la véritable position géographique du drone au moment où il a été abattu, mais des précédents montrent que ce n'est pas la soudaine révélation d'un tort (voire d'un mensonge) étatsunien qui l'aurait fait revenir sur sa décision de montrer à l'ennemi la puissance de son pays. Trump est prêt à la guerre, pour les motifs fallacieux auxquels on lui fait croire (le programme nucléaire iranien), et il a délibérément choisi cette voie en laissant le conseiller à la sécurité nationale John Bolton écarter les personnes et arguments contraires à la guerre, puis en acceptant la démission du ministre de la défense Patrick Shanahan qui exprimait les réticences de l'appareil militaire.

Quant au gentil conte selon lequel il aurait finalement refusé d'occire 150 ennemis car c'eût été disproportionné à la destruction d'un avion sans pilote, en plus d'être inquiétant pour la politique militaire des Etats-Unis, il ne tient pas. Ce pays a suffisamment montré, y compris sous le mandat de Trump, son total désintérêt pour les vies étrangères, ennemies ou pas, militaires ou pas, nombreuses ou pas, dès lors qu'il estime qu'une action est militairement justifiée ou justifiable, ce qui était manifestement le cas après plusieurs semaines de recherche d'un casus belli. L'occasion était même idéale puisque c'est un appareil étatsunien qui avait été indiscutablement abattu, alors que les provocations antérieures avaient touché des pays tiers (arabes) d'ailleurs peu empressés d'accuser formellement l'Iran. On n'a pas non plus reculé devant le risque de révélation ultérieure d'une provocation, puisque les cas précédents, en Syrie par exemple, montrent que lorsque les conséquences armées ont fait suffisamment de bruit la presse n'a pas besoin de creuser la véracité de l'incident initial.

Il n'est pas impossible que les Etats-Unis aient été menacés. La presse iranienne jubile certainement de l'illusion que le professionnalisme de ses armées et la détermination de son gouvernement aient dissuadé l'ennemi, comme si celui-ci n'avait pas pris en compte les réactions possibles à l'avance, et accepté les risques avant de prendre la décision initiale d'attaquer. Une certaine presse étatsunienne jubile de l'illusion que l'opinion de Tucker Carlson, animateur de Fox News, ait été sollicitée et obéie par le président Trump durant sa journée très chargée du 20 juin. Pourtant, ce n'est pas un coup de téléphone iranien ou étatsunien qui a pu faire reculer le gouvernement étatsunien, et l'envoyer immédiatement demander l'ouverture inconditionnelle de négociations avec l'Iran. Il a fallu plus que cela.

La Chine, de loin le premier importateur mondial de pétrole, a (pour l'instant) besoin d'un cinquième de tout le brut exporté par le reste du monde, et près de la moitié de ses importations proviennent de la région arabo-persique. Par ailleurs elle doit rivaliser, à l'achat, avec d'autres pays asiatiques (Inde, Japon, Corée du Sud, Thaïlande, Singapour, Taïwan...) dont les besoins totaux sont supérieurs aux siens. Aussi ne peut-elle pas permettre l'arrêt des exportations arabes et iraniennes pour cause de guerre ou de blocus. Par ailleurs elle a fini par prendre acte du fait que la force militaire fait partie des instruments de politique économique des Etats-Unis, et ne peut pas les laisser s'enhardir jusqu'à bloquer, par exemple, les détroits indonésiens incontournables par le commerce extérieur chinois. Comme on le rappelle dans  le onzième coup de minuit de l'avant-guerre, le 9 avril 2018, juste avant le bombardement de la Syrie par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, la Chine a annoncé qu'en cas de guerre ses navires présents en Méditerranée seraient mis à disposition de la flotte russe. Ce ne serait certainement pas le cas dans l'Océan Indien. On peut discuter des capacités militaires de l'Iran, mais pour sa part la Chine a indiscutablement la capacité de détruire chaque porte-avions étatsunien d'un seul missile balistique hypersonique.

Il n'est donc pas impossible que ce soit la Chine qui ait dissuadé les Etats-Unis d'attaquer l'Iran, dix minutes avant le lancement de l'agression. Il est intéressant de noter qu'elle a été écoutée (cette fois). Mais on note aussi qu'en dépit du flagrant délit de la reconnaissance par un pays qu'il a suspendu son agression contre un autre à quelques minutes d'y procéder, la Chine n'a pas saisi le Conseil de Sécurité de l'ONU compétent pour traiter des menaces à la paix, car elle ne croit pas à ce machin.

source: stratediplo.blogspot.com

 reseauinternational.net