04/05/2018 legrandsoir.info  6min #140884

 Au début de sa visite à Washington, Macron promet une guerre sans fin en Syrie

Trump-Macron : on s'embrasse beaucoup, on est d'accord sur rien


Pierre MORVILLE

Emmanuel Macron a donc passé trois jours avec Donald Trump. Trois jours de salutations chaleureuses, d'embrassades, de tapes dans le dos sans oublier des baisemains à Mme Trump. Premier chef d'Etat à être reçu par le président des États-Unis, Emmanuel Macron ne cachait pas sa fierté devant l'attention qui lui était portée autant par le gouvernement que par le Congrès des États-Unis.

Mais une fois passé les embrassades, les effusions et les promesses d'amitié, le résultat diplomatique concret est beaucoup moins évident. Les divergences restent nombreuses. Le principal objectif visé par Emmanuel Macron était d'infléchir la position étasunienne sur l'accord sur le nucléaire iranien, (Joint Comprehensive Plan of Action, JCPOA) pour une période de dix ans, signé en juillet 2015 par les cinq membres permanents du Conseil sécurité des Nations unies (dont les Etats-Unis eux-mêmes, la Russie, la Chine, l'Angleterre et la France), l'Allemagne et l'Iran.

Dès lundi matin, Donald Trump face à Emmanuel Macron a dit tout le mal qu'il pensait de cet accord, conclu à l'époque par Barak Obama : « un désastre », un texte « dément ridicule, il n'aurait jamais du être conclu ». Le président des EU maintient donc sa volonté de retirer la signature des Etats-Unis dès le 12 mai prochain si de profondes modifications du traité n'intervenaient pas. Lesquelles ? On ne sait pas trop. Dans tous les cas, une modification dans un délai si court impose l'accord des six autres signataires. Tout cela parait très peu possible. Les Iraniens ont d'ailleurs signalé qu'en cas de « dissolution » de l'accord, ils reprendraient leurs essais nucléaires. Du coup, Trump les menace « de gros problèmes ».

Ces derniers jours, la Russie, la Chine et la Grande-Bretagne ont également milité pour le maintien du traité en l'état.

Emmanuel Macron a bien tenté de trouver des aménagements afin d'amener Donald Trump à des positions plus raisonnables : « on construit un accord plus large », propose le président français, accord qui irait au-delà de la date de 2025 et qui intégrerait un plan de stabilisation de la Syrie et plus généralement de toute la région.... Sacré pari !

Mais ces propositions hardies mais peu réalistes n'agréent pas du tout Donald Trump qui a publiquement promis de « déchirer l'accord ».

Emmanuel Macron n'a pas non plus réussi à modifier la position étasunienne sur d'autres dossiers d'importance comme « l'Accord de Paris » sur le climat que les Etats-Unis furent un des rares pays à ne pas le signer. Le président français n'a pas non plus réussi à réduire les nouvelles taxes étasuniennes sur les importations d'acier et d'aluminium. Toujours pressé, Trump avait donné fin mars à l'Union européenne pour négocier avant le 1er mai ses demandes d'exemption.

« A l'horizon des élections mi mandat novembre 2018 aux États-Unis, il y a fort à parier que le leader américain ne mette pas d'eau dans le vin, fût-il français, de ses convictions anti-environnementales, protectionnistes, anti-Iran, et pro-Israël » note le site Chine Europe.

L'Europe, l'Europe...

Toujours jeune, brillant, ayant réponse à tout, bon vendeur de la France, le président Macron rentre néanmoins un peu, beaucoup, bredouille de sa visite aux EU. Il partait pourtant à Washington comme le principal représentant de l'Union européenne. Mais sur ce dossier là aussi, le talentueux président français enregistre des échecs certains. Conscient des fragilités de la croissance économique tant en France que dans le reste de l'Europe, après le départ de la Grande-Bretagne, Macron pariait sur une forte relance de l'union européenne : création d'un budget spécifique européen, création du poste d'un ministre des finances de la zone Euro, création d'un fond monétaire européen, transferts permanents entre les États.... Les propositions françaises n'ont rencontré qu'un vaste scepticisme chez ses propres partenaires européens. Les Allemands qui ont mis un an à constituer un gouvernement, toujours dirigé par Angela Merkel, ont dit « Nein » à l'ensemble des réformes proposées. L'Europe du Sud (Espagne, Italie, Grèce...) se débat toujours dans des difficultés économiques et politiques. Quand les pays adhérents de l'Europe de l'Est, ils se sentent de moins en moins concernés par les débats de l'UE...

La République aux ordres

Sur le plan strictement français, Emmanuel Macron trouve au moins là, de nombreux sujets de satisfaction. Il dispose d'une ample majorité parlementaire. L'opposition est divisée : à droite, Les Républicains hésitent entre un opposition mesurée ou bien frontale vis-vis du gouvernement Macron ; Marine le Pen, malgré un second tour présidentiel réussi, reste très isolée.

A gauche, le parti socialiste se remet très doucement de sa crise historique qui a failli le voir disparaitre de la scène politique ; la France Insoumise de jean-Luc Mélenchon se débat beaucoup (le mouvement appelle à une manifestation nationale le 5 mai à Paris) mais reste elle aussi dans un certain isolement.

Malgré cette situation privilégiée, une majorité forte et une opposition divisée, Macron veut encore aller plus loin dans le renforcement de son propre pouvoir exécutif par une réforme constitutionnelle : « La révision constitutionnelle en est la preuve : Emmanuel Macron veut renforcer son autorité et les moyens de l'exercer. Pourtant, il n'existe pas de chef d'État disposant d'autant de pouvoir dans les démocraties occidentales », note Denis Jeambar dans Challenges.

La réforme prévoit notamment la réduction du nombre des parlementaires, il affaiblit le pouvoir d'initiative du Parlement, réduit le temps des débats et limite les choix d'ordre du jour. « Ce n'est pas l'autorité de la démocratie qui est ainsi renforcée mais le pouvoir d'un exécutif déjà surpuissant », conclut Denis Jeambar.

Reste le domaine social où la encore Emmanuel Macron ne cède sur rien. Confronté à une importante contestation sociale qui touche l'ensemble de la fonction publique, les hôpitaux mais qui voit surtout un fort mouvement des cheminots, la tactique gouvernementale est la suivante : « des concertations mais pas de négociations, on veut bien comprendre vos « émotions » mais aucun compromis, nos différentes réformes s'appliqueront intégralement ». Fermez le ban ! Les syndicats totalement unis à la SNCF ont parié d'emblée sur la durée et ont adopté un mode grève original jusqu'à fin juin : deux jours de grève, trois jours de travail. Face à un mouvement social qui ne délite pas et qui a la sympathie de deux salariés sur trois, l'intransigeance gouvernementale comporte elle aussi ses propres risques.

Pierre Morville

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