Lundi 25 mars, Ian B, membre du collectif « Désarmons-les », a été interpellé par la police à Paris à sa sortie d'un train, alors qu'il rentrait d'une conférence qu'il avait donnée sur le maintien de l'ordre. « Il a été placé en garde à vue pour port d'arme prohibée, en l'occurrence des munitions vides qui illustraient son exposé et qu'il transportait sur lui », écrit le collectif. « Il s'agissait de grenades qui ont déjà explosé, donc ce ne sont plus des armes, ajoute un membre du collectif. Il a été arrêté directement à sa sortie du train. Il était clairement ciblé. S'agit-il d'un coup de pression par rapport au travail de recensement des blessés que nous faisons ? » Ian B est finalement sorti de garde à vue mardi soir, avec un simple rappel à la loi.
Désarmons-les recense depuis des années les personnes blessées par les forces de maintien de l'ordre et leurs armements, en particulier les manifestants et passants blessés depuis le début du mouvement des gilets jaunes. Le collectif appelle à des rassemblements du vendredi 29 au dimanche 31 mars devant le site de l'usine qui fabrique des grenades lacrymogènes, Alsetex, situé dans la Sarthe. Ailleurs en France, le collectif invite à se rassembler devant les sites d'autres entreprises fabricant des lanceurs de balles de défense, des grenades lacrymogène ou des grenades de désencerclement utilisées par les forces de l'ordre dans les manifestations, ainsi que devant les établissements du ministère de l'Intérieur qui teste et homologue ce matériel, dans les Yvelines ou à Limoges.
La carte des sites de production et d'homologation des armements des forces de maintien de l'ordre, réalisée par Bastamag.
Désarmons-les a ainsi listé une douzaine d'entreprises qui produisent et distribuent ces équipements en France, et les exportent aussi à l'étranger. « Cela fait plusieurs années que nous parcourons les salons d'armement. Il y a encore quelques années, les marchands de matériel de maintien de l'ordre était moins discrets qu'aujourd'hui », explique le membre du collectif. Le marché est assez restreint. Ce sont souvent des entreprises d'armement traditionnelles. »
Étienne Lacroix équipe aussi les chars Leclerc vendus aux Émirats arabes unis
Parmi ces entreprises, on trouve des PME parfois centenaires. Vernay Carron, qui fabrique flash-ball et grenades de désencerclement, produit des armes depuis 1820 à Saint-Étienne. Nobel sport, qui assemble des grenades lacrymogènes sur son site breton, non loin de Brest, tire son origine - et son nom - d'une entreprise créée au 19ème siècle par un industriel français aux côtés de l'Allemand Alfred Nobel, inventeur de la dynamite. On trouve aussi parmi les fournisseurs de la police française, l'entreprise suisse Brüger et Thomet, fabricante de lanceurs de balle de défense (LBD). Brüger et Thomet a été mise en cause dans une affaire de livraisons illégales d'armes au Kazakhstan (voir cet article). La société française Protecop « habille les unités de CRS et de gendarmes mobiles » et est également implantée « au Brésil, en Argentine, au Chili et au Mexique » où elle tente d'équiper la police, l'armée, l'administration pénitentiaire [1].
Alsetex, qui fabrique des grenades, est une filiale de l'entreprise Étienne Lacroix. Ce groupe familial créé au milieu du 19ème siècle produit d'un côté des feux d'artifices, de l'autre des grenades. Sa filiale Lacroix Défense fournit également des équipements militaires, tels des systèmes de protection pour les chars Leclerc vendus par la France aux Émirats arabes unis. « Le maintien de l'ordre est un des aspects de la militarisation générale », souligne le militant de Désarmons-les.
Photo : CC Sylvain Szewczyk via Flickr.
Voir l' appel à rassemblements du 29 au 31 mars de Désarmons-les.
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Notes
[1] Voir le communiqué de Protecop.