Par Anthony Torres
10 mai 2019
Des centaines de milliers de fonctionnaires étaient mobilisés jeudi à l'appel de neuf organisations syndicales contre le projet de loi de «modernisation» de la fonction publique de Macron. Cette loi vise à casser le statut des fonctionnaires, qu'elle remplacerait par des contractuels précaires. Après six mois de manifestations des «gilets jaunes», les syndicats ont tous appelé à participer à cette journée d'action, une première sous Macron, craignant de se faire déborder comme ils l'ont été par les «gilets jaunes».
Ce projet prévoit la suppression de 120.000 postes d'ici à 2022 sur les 5.5 millions de fonctionnaires. Les postes de fonctionnaires supprimées seront remplacés par des emplois moins bien rémunérés de contractuels issus du privé pour des missions ponctuelles. Les agents seront plus mobiles, devront travailler plus d'heures et le gouvernement prévoit d'instaurer la possibilité de ruptures conventionnelles pour les fonctionnaires d'Etat et hospitaliers volontaires comme dans le privée. Une fois la réforme validée par l'Assemblée, elle doit prendre effet le 1er janvier 2020.
108 900 manifestants se sont mobilisés selon le gouvernement, 250 000 selon la CGT. Ils étaient 3.000 à Marseille (de source syndicale), de 3.300 (selon la préfecture) à 5.300 (selon l'intersyndicale) à Lyon. Ils étaient presque autant à Nantes (3 à 4 000 selon les sources). Entre un et plusieurs milliers de personnes se sont également rassemblées à Rennes, Montpellier, Bordeaux, Angers, Lille, Strasbourg ou encore Perpignan. Sur Paris 30 000 personnes selon les syndicats manifestaient et 18 000 selon la préfecture.
Le WSWS a pu rencontré sur Paris Anita, retraitée de la fonction publique venue «pour la défense du service public, la préservation de tous les acquis qui ont été gagnés de haute lutte et pour la liberté d'être ensemble de manifester notre désapprobation vis à vis des politiques qui sont menées actuellement. Il y a de l'argent, donc nous devons le partager. Si mondialisation il y a, nous devons partager mondialement sur le plan humain. Pour le bonheur des peuples en général.»
Anita raconte son expérience dans les luttes faisant le parallèle avec le mouvement des «gilets jaunes»: «Nous avons eu à lutter contre ce que nous appelions les jaunes dans les années 70. Les jaunes, c'étaient les briseurs de grève, ceux qui nous cassaient les jambes quand on faisait le piquet de grève devant les usines Citroën notamment. Les 'gilets jaunes' sont des gens qui ont du courage actuellement mais qui se réveillent un peu tard, parce qu'ils ont laissé passer tout ce qu'on nous a pris sur nos acquis, la retraite à 60 ans, le service public.»
Anita explique que la défense des inégalité sociales doit passer par la fin de l'exploitation capitaliste: «Nous devrions être tous égaux, nous sommes tous des êtres humains, femmes, hommes quelle que soit la couleur, le pays. Cependant les décideurs veulent toujours plus d'argent, toujours plus de capitaux. Faute de pouvoir exploiter la classe ouvrière occidentale, ils vont chercher des enfants en Inde, partout pour produire à bas coût et s'en mettre plein les poches».
Anita ne voit pas Mélenchon et LFI comme pouvons être un parti pouvant mettre fin au capitalisme: «Moi je voudrais qu'il y ait un parti pour partager des valeurs, mais pas de la politique fiction comme Mélenchon. Il avait donné un grand espoir parce que il rappelait un peu le passé, de la dialectique, de l'explication, de l'exposition, de la réflexion, mais là il s'est un peu fourvoyé.»
Le WSWS a pu interviewer George, qui travaille au Tribunal de Grande Instance de Bobigny et explique qu'il ne peut pas travailler correctement: «Onn a des outils qui fonctionnent mal qui ne sont pas adaptés et qui rend notre travail plus difficile alors que l'on est déjà surchargé. Les délais dans la justice sont extrêmement longs. Pour des décisions qui ont été rendues en juillet dernier j'en ai notifié et envoyé aux parties concernées seulement il y a quelques semaines, et moi je suis en renfort sur le service étant donné ma décharge syndicale.»
Il poursuit: «ça fait 9 ans que le point d'indice est gelé... Tout augmente sauf notre paye.»
George ne se fait guère d'illusion sur un recul de Macron: «De toute façon il s'en fiche. Macron c'est des riches qui le financent, donc il s'en fiche des 'gilets jaunes'. Il fait et il mène une politique pour les riches, pour ceux qui ont financé sa campagne. Il leur est redevable.»
George dit ne pas croire à l'action actuelle des syndicats: «C'est un véritable problème. Je pense que le dialogue social, c'est de la foutaise. Les syndicats de salariés se font prendre et certains vont aller jusqu'à accepter de l'argent parce qu'il y a des questions de représentativité. Ils sont pris dans un piège où le dialogue social fait croire que l'on pourrait avoir des intérêts communs avec le patronat alors que l'on voit le recul des droits des salariés et des plus pauvres. Il faut arrêter avec ce mensonge. Il faut arrêter de se voiler la face et revenir à des formes de lutte plus courtes, plus féroces. Les 'gilets jaunes', c'est peut être une solution.»
Enfin le WSWS a rencontré Lucile, professeur des collèges qui explique que «c'est une manifestation qui concerne tous les fonctionnaires pas que les professeurs et c'est contre la casse du service public qui est organisée depuis l'élection de notre très cher président. Là c'est vraiment en train de devenir quelque chose qui est vraiment grave alors que ce soit à l'école où il y a une réforme en cours qui est très grave notamment pour les lycéens et que ça soit aussi à l'hôpital et dans tous les services publics donc ça va être l'alignement sur le privé.»
Interrogé sur les luttes des enseignants aux Etats-Unis, Lucile dit avoir «suivi la grève» et salue leur lutte: «Les enseignants aux Etats-Unis n'ont pas la même protection que nous qui sommes bien protégés. C'est bien ce qu'ils font. Je n'ai pas suivi les grèves des enseignants en Europe mais c'est important de faire entendre notre voix maintenant en vue des élections européennes.»
Sur la nécessité d'unifier les luttes des travailleurs, Lucile explique: «On a les mêmes exigences que ça soit en Europe et dans le monde entier.... Voilà, il ne faut pas baisser les bras parce que c'est ce qu'ils attendent c'est qu'on baisse les bras et qu'on ne vienne plus.»