19/06/2019 reseauinternational.net  12 min #158000

Golfe d'Oman : deux navires pétroliers auraient été attaqués, la marine américaine a reçu des Sos

La crise États-Unis/iran à la lumière du Soleil Levant

par Gearóid Ó Colmáin

Nous l'avons prédit depuis longtemps : les États-Unis allaient finalement fabriquer de toute pièce une crise massive internationale pour provoquer une guerre contre l'Iran. La série entière de guerres qui ont découlé du 11 septembre et les révolutions factices pendant les deux dernières décennies sont de simples préludes à la destruction à venir de l'Iran.

Désormais, le Japon se retrouve au centre d'une crise internationale qui s'amplifie après que les Américains ont accusé l'Iran de l'attaque de deux pétroliers dans le Golfe d'Oman, l'un étant propriété de la Norvège et l'autre du Japon.

La Norvège a été un médiateur important dans les négociations entre l'Iran et l'Occident et Oslo, bien qu'étant membre de l'OTAN, poursuit souvent des  politiques étrangères indépendantes. Mais dans cet article, je veux me focaliser sur l'engagement du Japon dans cette crise. Quel rôle peut jouer le Japon dans la guerre des États-Unis contre l'Iran ?

Mike Pompeo - » nous avons menti - nous avons triché - nous avons volé »

Le secrétaire américain Mike Pompeo a dit à CBS News hier que les États-Unis sont certains que l'Iran est derrière les attaques. C'est le même homme qui a récemment admis qu'en tant que directeur de la CIA, il a menti de façon répétée. N'importe qui avec un minimum de connaissance dans les relations internationales sait que la CIA est une machine à fabriquer des mensonges, qu'elle a vendu des guerres d'agression sur une base mensongère et que son but tout entier est de contrôler la perception des masses pour protéger son élite de bailleurs de fonds. La CIA a toujours haï les citoyens américains autant que leurs faux ennemis étrangers.

Mais alors, qu'est-ce que les États-Unis sont en train de planifier maintenant ? En premier, considérons le nouvel échiquier géopolitique et ses « impératifs stratégiques » pour emprunter une expression de feu Zbigniew Brzezinski. Les États-Unis ne contrôlent plus le Moyen-Orient, Ils ne contrôlent plus l'Amérique Latine. Les États-Unis ont perdu le contrôle de sa propre économie et essayent désespérément sous la présidence Trump de reprendre contrôle sur sa propre industrie alors que la Chine continue d'étendre son influence à travers le monde. Le gouvernement américain sous la présidence de Trump ne contrôle même pas l'Amérique.

L'Iran, fauteur de trouble dans le monde entier ?

Donc, revenons à Pompeo. Que dit-il maintenant ? Il dit que les États-Unis « savent » que l'Iran est derrière les attaques dans le Golfe Persique et que les États-Unis n'ont pas besoin d'autorisation pour utiliser la force. C'est ce qu'il a dit dans son interview avec CBS : les États-Unis peuvent bombarder et détruire n'importe quel pays dans le monde si ses intérêts sont menacés ; ses intérêts étant les intérêts de la cabale financière qui contrôle son gouvernement et dirige sa politique. On appelle cela la cabale d'Israël. Ce que dit Pompeo c'est que les États-Unis et Israël sont au dessus de la loi. Israël est sa propre loi et attaquera n'importe qui, n'importe où, n'importe quand à n'importe quel coût. Nous devons au moins être reconnaissant à Pompeo de rendre les choses officielles.

Pompeo a dit aussi : « C'est un régime qui cause beaucoup d'ennui dans le monde entier«. Considérons maintenant cette affirmation pendant un moment.

Est-ce que l'Iran a attaqué les Américains le 11 septembre 2001 ? Est-ce que l'Iran a envahi et occupé l'Afghanistan ? Est-ce que l'Iran a envahi et occupé l'Irak ? Est-ce que l'Iran a déclenché la guerre en Libye ? Est-ce que l'Iran a déclenché la guerre en Syrie ? Est-ce que l'Iran a déclenché la guerre factice contre le terrorisme ? Est-ce que l'Iran a envahi et bombardé plus de 50 pays depuis la Deuxième Guerre Mondiale, dont la majorité étaient des démocraties, en les remplaçant par des régimes dictatoriaux ? Non. Alors, à quoi se réfère Pompeo ? Il se réfère aux États-Unis d'Amérique !

Les Japs sont de retour !

Nous avons tous vu des films sur la Seconde Guerre Mondiale qui décrivent les Japonais comme étant cruels, des tyrans sans coeur qui réduisaient en esclavage les peuples d'Asie. Bien que réelle sous bien des aspects, c'est néanmoins une vision partiale et basée sur des préjugés au sujet des objectifs géopolitiques complexes du Japon pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Depuis leur défaite militaire, les Japonais ont été assujettis à la puissance américaine. Ils n'ont que rarement sinon jamais été en désaccord avec la politique américaine en Asie mais ces dernières années, la troisième puissance économique mondiale tend ses muscles. Le Japon se remilitarise et révise son histoire, en particulier, son rôle pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le Japon se voit comme un libérateur de l'Asie de l'influence pernicieuse du colonialisme britannique. Selon la vision japonaise, l'Asie a été largement colonisée par la Grande-Bretagne et la France à cause de la faiblesse des nations asiatiques. Le Japon se présentait comme un défenseur de la race mongoloïde contre la dominance des Caucasiens. Je ne cherche pas à défendre l'impérialisme japonais mais il est important de comprendre que tous les pays qui ont participé dans les deux guerres mondiales ont ce qu'on peut considérer des raisons légitimes pour leurs actions et les nations vaincues ne peuvent jamais écrire leur propre histoire.

Ce nouveau rôle affirmé du Japon dans la région cause des problèmes multiples avec la Chine.

Tant que le Japon en reste au révisionnisme historique pour menacer la Chine, les États-Unis ne sont pas concernés mais permettre au Japon de s'armer de nouveau et ne pas sanctionner la résurgence de son nationalisme signifie qu'il y a toujours un risque que le Japon échappe aux griffes des États-Unis.

Dans de récents conflits, la diplomatie japonaise, de plus en plus indépendante, est revenue au premier plan.

Pendant la déstabilisation du Myanmar en 2017, lorsque des groupes islamistes aidés par les oligarques de l'Arabie Saoudite et de l'Occident, ont lancé une campagne de terreur dans le nord de l'état de Rakhine - des attaques dont les médias internationaux ont fait porter la responsabilité aux victimes - les Japonais ont refusé de condamner et isoler Naypyidaw. Au contraire, ils ont discrètement rejoint la Russie et la Chine en soutenant le gouvernement birman dans sa tentative d'éteindre la crise.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la Birmanie a été une cible stratégique clé des tentatives de l'Empire du Japon d'expulser les Britanniques d'Asie. Les relations du Japon avec les Birmans sont restées cordiales, en dépit de l'hostilité américaine et européenne.

Ces dernières années, le Japon a organisé des conférences avec des nations africaines et n'ont pas caché leur ambition de rivaliser avec les investissements chinois sur le continent.

La visite récente de Shinzo Abe à Téhéran a été une tentative de la part de Tokyo de faire la médiation dans le conflit entre l'Iran et les États-Unis. Depuis la direction du premier ministre Yukio Hatoyama (2009 - 2010), le Japon cherche à focaliser à nouveau sa politique loin du centrisme américain et vers de plus en plus de liens avec les nations asiatiques. Le gouvernement de Hatoyama a fait des gestes importants dans le but d'avoir de meilleures relations avec la Chine. Bien que le nationalisme renaissant de Shinzo Abe a sans aucune doute aggravé les relations avec la Chine, cela pose aussi des problèmes pour les États-Unis parce que cela ne cible pas seulement la Chine.

La contradiction dans la politique étrangère japonaise a été mise en relief il y a quelques années par l'ancien ministre des finances Shoici Nakagawa, qui était un proche de Abe. Il était profondément suspicieux envers la Chine et radicalement pro-Taïwan mais il était autant suspicieux envers les États-Unis. Il a aussi suggéré que le Japon devait acquérir des armes nucléaires. Nakagawa était l'un des quelques officiels japonais importants à avoir publiquement condamné les bombardements atomiques sur Nagasaki et Hiroshima par les États-Unis à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Les États-Unis est le seul pays à avoir utilisé des armes nucléaires pour assassiner une population civile. Le lancement de bombes atomiques au Japon a été justifié sur la base que c'était le seul moyen d'arrêter la guerre mais les Japonais tentaient de négocier la paix avec les États-Unis depuis 1943 sans succès. Les États-Unis étaient déterminés à utiliser les bombes atomiques pour montrer aux Soviétiques qui étaient vraiment les nouveaux maîtres du monde.

La délocalisation de l'industrie américaine en Asie a signifié que le Japon, bien qu'en déclin, a néanmoins gagné en stature. Avec une base industrielle forte et une population largement homogène, le Japon a encore le potentiel pour jouer un rôle dominant dans l'intégration asiatique à condition qu'il maintienne de bonnes relations avec les nations exportatrices de pétrole et de gaz.

Le 12 mars 2017, le roi saoudien Salman Ben Abdoulaziz Al Saoud a visité Tokyo, la première visite d'un chef d'état saoudien depuis 5 décennies. Les deux pays ont signé plusieurs accords de haut niveau qui ont ouvert l'économie saoudienne à l'investissement high-tech japonais en échange d'accords d'exportations lucratifs vers le Japon.

En 2017, le roi Salman d'Arabie Saoudite a visité Tokyo où le Joint Vision 2030 a été inauguré. Alors que l'Arabie Saoudite soutient un vaste programme de privatisation, le Japon est gagnant en devenant un partenaire majeur dans la diversification de l'économie saoudienne.

Bien que les Saoudiens ont été accusés d'être de possibles suspects dans l'attaque du Golfe d'Oman, les responsables sont bien plus sûrement les États-Unis et Israël. L'éminent clerc chiite irakien Moqtada Ben Sadr a visité Jeddah en Arabie Saoudite en avril 2017 où il a rencontré le prince Mohammed Ben Salman avec un projet pour améliorer les relations saoudiennes avec  l'Irak et l'Iran chiites. Cela suggère que les saoudiens cherchent probablement à apaiser les tensions avec l'Iran.

Depuis le désastre de Fukushima en 2011, le Japon est devenu de plus en plus précaire en matière de sécurité énergétique. Le désastre de Fukushima a accentué la dépendance du Japon au pétrole moyen-oriental, les forçant ainsi à plus se conformer avec les politiques américaines envers les pays de cette région.

George Friedman, le directeur de Stratfor, un think tank américain proche de la CIA, croit que le Japon va finalement s'échapper du contrôle américain et pourrait même devenir un ennemi des États-Unis. En tant que puissance maritime majeure, le Japon est central pour le contrôle américain sur la région du Pacifique. La nécessité du Japon d'accroître les investissements dans les économies en développement rentre en conflit avec l'économie de guerre permanente des États-Unis et d'Israël. Le Japon ne veut clairement pas d'une autre guerre majeure au Moyen Orient car elle pourrait avoir un impact dévastateur sur le coût énergétique et la sécurité.

La culture de paix et de résistance de l'Iran

Lorsque je filmais mon documentaire « The Culture of Resistance » pour Press TV en 2017, j'ai visité le Musée de la Paix à Téhéran où j'ai interviewé une femme japonaise qui s'est installée à Téhéran après avoir expérimenté les horreurs des bombes nucléaires japonaises dans son pays. Elle s'est mariée à un Iranien et est resté en Iran toute sa vie. Le Japon a une petite idée de ce que sont les bombes nucléaires, les gens qui les fabriquent et pourquoi elles sont utilisées. Le Musée de la Paix de Téhéran est dédié aux victimes des guerres soutenues par les États-Unis contre l'Iran où des armes chimiques ont été utilisées, fournies par l'Allemagne et la France avec le soutien total des États-Unis. Les États-Unis n'hésiteraient pas à larguer encore des bombes.

L'ancien conseiller en sécurité nationale américain Zbigniew Brzezinski a dit au Comité des affaires étrangères du Sénat des États-Unis en 2007 qu'une guerre pourrait être déclenchée, « par des provocations en Irak ou un acte terroriste attribué à l'Iran qui plonge une Amérique isolée dans un bourbier s'étendant et s'accentuant et finalement parcourant l'Irak, l'Afghanistan et le Pakistan. »

Patrick Clawson a dit au Washington Institute en septembre 2012 que si l'Iran refusait de céder à la pression américaine, une opération sous faux drapeau pourrait être envisagée pour déclencher une guerre .

Personne ne croit les mensonges de Mike Pompeo sur les attaques contre les pétroliers mais ce que la guerre en Irak a prouvé, c'est que les neocons ne se préoccupent plus si le public les croit ou non. Ils ont seulement besoin d'un article en couverture. Le gouvernement japonais a dit ne pas être convaincu que l'Iran est derrière les attaques contre les pétroliers. Les provocations américaines pourraient provoquer un embrasement si la Chine et le Japon resserrent les liens avec l'Iran. S'il y a une chose sur laquelle la Chine, le Japon et l'Iran s'accordent, c'est que les États-Unis n'ont pas le droit de bombarder n'importe quel pays quand cela leur chante. Le Président Trump adore les frontières. L'armée américaine devrait se concentrer sur la protection de ses propres frontières et laisser le reste du monde tranquille.

Article original :  gearoidocolmain.org

traduit par Moira Forest

source :  moiraforest04.blogspot.com

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