Récapitulant le travail d'une mission d'information initiée par le député LREM Roland Lescure, un rapport pointe les conséquences économiques du mouvement des Gilets jaunes. Largement médiatisées, ses conclusions font face à des critiques.
De la baisse du taux de fréquentation touristique en France au chiffre d'affaires des commerces de centre-ville affectés par les manifestations urbaines, les conséquences économiques de la mobilisation des Gilets jaunes ont fait l'objet d'un rapport réalisé par une mission parlementaire intitulée «impact gilets jaunes».
Présenté en commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale ce 17 juillet, le rapport a été consulté, en amont, par plusieurs rédactions afin d'en communiquer le contenu aux Français.
Les conclusions de la mission d'information parlementaire bénéficient le même jour d'une place de choix sur la scène médiatique française. En témoigne par exemple un format spécial dédié à «la facture des Gilets jaunes» sur 𝕏 BFMTV, ou encore les nombreux articles au contenu «exclusif» à ce sujet, simultanément diffusés sur plusieurs sites d'information en continu ( France Info, 𝕏 LCI, 𝕏 Le Parisien, etc.)
Menée à l'initiative du député LREM Roland Lescure, cette mission suscite toutefois des doutes chez certains commentateurs - et notamment chez de nombreux internautes.
Coûts humains pour les Gilets jaunes, coûts des politiques austéritaires... Des «oublis» pointés par les internautes
Lire aussi
La défiance des Gilets jaunes pour les médias exacerbée par la couverture de leur mouvement ?
De fait, comme prévenait le quotidien Les Echos dès le mois de mai, «la mission d'information de l'Assemblée nationale apparaît comme largement redondante avec les travaux de Bercy», qualifiant l'initiative de «mission à but politique, visant à donner la parole aux Français touchés».
Combien coûte à la France les choix politiques de désindustrialisation massive ? d'évasion fiscale ?
En réaction à la diffusion, ce 17 juillet, de vidéos et d'articles de presse présentant des éléments du rapport, nombre d'internautes ont souhaité nuancer ledit «coût des Gilets jaunes». Certains ont ainsi rappelé ce qu'ils estiment correspondre au coût des politiques gouvernementales qui, selon eux, contribuent à provoquer le mouvement de contestation citoyenne. «Combien coûte à la France les choix politiques de désindustrialisation massive ? d'évasion fiscale ? Il est question de milliards...», commente par exemple une 𝕏 internaute arborant les couleurs du parti UPR, en dessous d'une vidéo postée par BFMTV sur le sujet. «Le CICE 40 milliards ?», renchérit un autre internaute 𝕏 se définissant comme souveraniste et antilibéral.
Répondant à un tweet du 𝕏 Parisien, un autre internaute s'interroge sur «le vrai coût des décisions des gouvernements successifs depuis 2005», mettant en avant ce qu'il présente comme «la destruction des services publics, la vente forcée de biens publics, d'entreprises rentables vendues une bouchée de pain».
Huit chiffres à retenir sur le coût de l'obstination d'Emmanuel Macron à travailler contre le peuple
D'autres commentateurs dénoncent ce qu'ils estiment être une culpabilisation des Gilets jaunes, dans la mesure où, selon eux, la montée des violences lors des mobilisations serait avant tout imputable à la gestion de la crise par l'exécutif. «J'ai corrigé votre titre France Info : "Huit chiffres à retenir sur le coût de l'obstination d'Emmanuel Macron à travailler contre le peuple"», ironise par exemple un internaute, modifiant ainsi le titre de la chaîne télévisée qui précisait : «Les huit chiffres à retenir sur le coût des "gilets jaunes"». Même démarche de la part d'un utilisateur de Twitter, réagissant à une publication du Huffington Post, en modifiant dans le titre initial «les Gilets jaunes» par «Le gouvernement et sa dérive totalitaire».
De rien.
Selon d'autres, le choix consistant à mettre en avant les conséquences économiques de la mobilisation se ferait au détriment d'autres statistiques, comme celles concernant les Gilets jaunes blessés. «Un bras ? Une main ? Un œil ?», évoque par exemple un ancien policier sur Twitter.
Regrettant visiblement le manque de nuance de certains médias dans la présentation du rapport parlementaire, d'autres dénoncent ce qu'ils estiment être un parti pris. Le président de Sud radio Didier Maïsto fustige ainsi l'attitude de certains médias qu'il qualifie de «chambre[s] d'écho du pouvoir» : «D'où sortent ces chiffres ? Une honte !!!» poursuit-il.
Des mesures d'urgence «bénéfiques» provoquées par le mouvement
Alors qu'il avait dans un premier temps accepté de participer à la mission parlementaire, le député François Ruffin avait rapidement exprimé son désenchantement face à ce qu'il n'avait pas tardé à qualifier de «mission à charge», affirmant pour sa part que «les études économiques [avaie]nt montré les bénéfices du mouvement pour l'économie : la suppression de la hausse de la CSG pour les retraités jusqu'à 2 000 euros, la prime Macron...»
De fait, selon une note de conjoncture publiée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) le 19 mars, outre l'impact économique négatif des mobilisations elles-mêmes, les mesures gouvernementales d'urgence provoquées par la crise des Gilets jaunes ont contribué à relancer la dynamique économique début 2019. Ainsi, comme le rapporte le journal Libération le 19 mars, «l'[INSEE] confirme que sans cette crise et les "mesures d'urgences économiques et sociales" votées in extremis fin 2018 pour tenter de calmer la colère des ronds-points, la conjoncture française aurait été bien plus mauvaise au premier semestre 2019.»
Lire aussi : Un semestre de mobilisation : quels sont les premiers accomplissements des Gilets jaunes ?