09/12/2019 reseauinternational.net  14 min #165717

Bolivie : la dictature s'installe

Le nouveau gouvernement de droite bolivien cible les étrangers avec des escadrons de la mort « anti-terroristes »

par Alan McLeod.

La nouvelle mesure créant une force de sécurité armée injustifiée visant directement le terrorisme étranger n'aidera pas à dissiper les craintes que la Bolivie est en train de s'engager sur la voie d'une dictature totalitaire.

Le nouveau Ministre bolivien de l'Intérieur, Arturo Murillo, a dévoilé un nouveau bataillon de policiers « anti-terroristes », fortement militarisés et vêtus de noir, visant à neutraliser ce que le gouvernement prétend être des groupes étrangers qui « menacent » le pays sud-américain.

« Ce groupe antiterroriste a pour mission de démanteler absolument toutes les cellules terroristes qui menacent notre pays », a  déclaré Murillo lors d'une cérémonie officielle de lancement de cette force. Le Ministre de l'Intérieur a posé pour des photos devant la force masquée et lourdement armée.

Murillo a justifié cette nouvelle création par une « grande conspiration contre toutes les Amériques » qu'il  prétendait avoir découverte, affirmant que le gouvernement vénézuélien s'était allié au vice-Président évincé Alvaro Garcia Linera pour inonder le continent de narco-terroristes et de trafiquants de drogue.

Il a  ajouté que les politiciens vénézuéliens Nicolas Maduro et Diosdado Cabello « ont financé toute la terreur que nous avons vue ces derniers temps » en Bolivie, en faisant référence aux  massacres qui ont fait plus de  trente morts depuis le  coup d'État du 10 novembre. Le chef de la police, Rodolfo Montero, a  affirmé que l'unité est conçue pour « démanteler les groupes étrangers qui ont été formés et guidés pour semer la terreur parmi les citoyens ».

Le Président destitué Evo Morales a riposté au nouveau Ministre de l'Intérieur en  déclarant que « les conspirateurs qui se sont emparés du pouvoir en Bolivie inventent maintenant des histoires incroyables afin de blâmer les autres pour la terreur qu'ils imposent », notant que le seul terrorisme dans le pays est leur attaque « à feu et à sang » sur le peuple bolivien.

Murillo a  porté plainte contre Morales devant la Cour Pénale Internationale à La Haye, aux Pays-Bas, pour tenter de le faire condamner pour crimes contre l'humanité. Morales risque jusqu'à 30 ans de prison s'il est reconnu coupable.

Bien que le nouveau gouvernement ait présenté le bataillon comme une unité de lutte contre le terrorisme, il y a de bonnes raisons de craindre que la force cible des journalistes étrangers et des militants des droits de l'homme qui pourraient présenter au monde extérieur une image du pays différente de celle que le gouvernement souhaite. Murillo a récemment  menacé directement une délégation des droits de l'homme nouvellement arrivée d'Argentine. « Nous recommandons à ces étrangers qui arrivent... d'être prudents,  a-t-il dit, nous vous regardons. Nous vous suivons », les avertissant qu'il y aura une « tolérance zéro » pour tout « terrorisme » ou « sédition » de leur part. Il a  ajouté qu'au premier faux pas qu'ils feront, en essayant de commettre des actes de terrorisme et de sédition, « ils devront traiter avec la police ».

Le groupe de défense des droits de l'homme a  répondu : « Alors que le gouvernement de facto nous accuse d'être des terroristes, nous avons commencé ce que nous sommes venus faire, à savoir recueillir des témoignages sur les différentes violations des droits de l'homme que le peuple bolivien subit ». Murillo a tenu parole : la police a par la suite  arrêté 14 membres de la délégation.

Jeanine Áñez et Arturo Murillo

L'ironie, c'est que c'est précisément le nouveau gouvernement bolivien et les escadrons de la mort contrôlés par Murillo qui sont responsables de graves violations des droits de l'homme dans tout le pays, dont  deux massacres près des villes de Cochabamba et La Paz. Le mois dernier, l'armée a exigé que le Président nouvellement élu Evo Morales démissionne, choisissant la Sénatrice Jeanine Añez comme Présidente, dans une action que la plupart des médias traditionnels ont  refusé de qualifier de « coup d'État ». Cette décision a été  saluée par l'administration Trump, mais condamnée par de nombreux membres de la gauche du Parti Démocrate, dont le Sénateur  Bernie Sanders. Añez a immédiatement  exonéré toutes les forces de sécurité des crimes passés et futurs au cours de ce qu'elle a appelé le « rétablissement de l'ordre », largement compris comme leur accordant un permis de tuer en toute impunité. Morales a été contraint à l'exil et Murillo a commencé à « traquer » les élus pro-Morales comme les « animaux » qu'ils étaient, selon ses  propres termes.

Le nouveau gouvernement a également  attaqué la presse, forçant les médias internationaux critiques, comme TeleSUR et RT en Español, à cesser de diffuser. Pendant ce temps, un membre des forces de sécurité a  lancé du gaz lacrymogène sur un présentateur d'Al-Jazeera. D'autres journalistes ont tout simplement été  arrêtés et ont disparu.

Tout au long de ce processus, l'Organisation des États Américains et  les médias ont blanchi les événements, affirmant que l'élection de Morales était frauduleuse et soutenant le nouveau « gouvernement intérimaire de transition ». Plus de 100 économistes, statisticiens et universitaires ont  signé lundi une lettre confirmant qu'après une analyse minutieuse, les résultats de l'élection d'octobre que Morales a remportée étaient tout à fait légitimes. Ils  affirment que l'OEA doit répondre de son rôle en soutenant le coup d'État, en contribuant aux violations des droits de l'homme et à la terreur d'État qui sévit dans le pays.

La nouvelle mesure créant une force de sécurité armée injustifiée visant directement le terrorisme étranger ne contribuera guère à dissiper les craintes que la Bolivie est en train de s'engager sur la voie d'une dictature totalitaire, sans liberté d'expression.

source :  Bolivia's New Right-Wing Gov't Targets Foreigners With "Anti-Terror" Death Squads

traduit par  Réseau International

 reseauinternational.net

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