Le président Rohani a décidé la levée imminente du confinement avec la réouverture des commerces «à bas risque» pour maintenir une économie menacée d'effondrement. Les sanctions américaines ne permettent pas une gestion sereine de la crise en Iran.
«Avant, la lutte [contre le coronavirus] se faisait en restant chez soi. Aujourd'hui, elle se fait en reprenant les activités économiques. Nous n'avons pas d'autre voie en face de nous». C'est ainsi que le président iranien Hassan Rohani a résumé la situation, le 8 avril, lors de la réunion hebdomadaire avec son cabinet.
Le chef de l'Etat a ainsi confirmé une annonce du 5 avril concernant la réouverture de certains commerces «à bas risque» à partir du 11 avril, précisant vouloir «maintenir les activités économiques autant que possible tout en luttant contre le coronavirus». Le Parlement iranien a, quant à lui, tenu sa première session le 7 avril après six semaines d'interruption à cause de l'épidémie. Les écoles et universités resteront en revanche fermées au moins jusqu'au 18 avril.
L'Iran est un des pays les plus touchés par l'épidémie de Covid-19 avec 4 110 décès selon le dernier bilan officiel. Dans ce contexte, la décision de mettre fin au confinement apparaît comme un non-choix alors que l'économie iranienne affronte de très grandes difficultés à cause des sanctions américaines et de la chute des cours du pétrole. Pour tenter d'affronter la crise sanitaire tout en protégeant sa population, l'Iran a demandé, pour la première fois depuis 1960, au Fonds monétaire international (FMI) un prêt de 5 milliards de dollars. Mais les Etats-Unis, qui ont un droit de veto dans l'institution, s'y opposent, accusant Téhéran de vouloir utiliser cet argent pour ses «activités terroristes» dans la région, selon la porte-parole du département d'Etat des Etats-Unis, Morgan Deann Ortagus.
«Je veux rappeler à la communauté internationale ses devoirs dans cette crise pandémique», a réagi Hassan Rohani sur son compte Twitter le 8 avril. «Nous sommes membre du FMI et de la Banque mondiale. Il est inacceptable de discriminer entre différentes nations», a-t-il ajouté.
Près de 6 milliards d'euros, soit l'équivalent de 20 % du budget annuel de l'Iran ont été consacrés à limiter l'impact du virus et à fournir de l'aide aux personnes touchées par le Covid-19. Le Monde rapporte que le Guide suprême iranien, Ali Khamenei, a autorisé le président Rohani à prélever 1 milliard d'euros du fonds souverain du pays à cette fin. Cet argent sera injecté dans le système de santé et la caisse d'assurance-chômage, selon les autorités du pays. Pour ne rien arranger, un rapport du gouvernement iranien, publié le 18 mars, faisait état d'une augmentation du nombre de chômeurs de cinq millions, soit plus de 20% de la population active, à cause de l'épidémie. Le centre de recherche du Parlement estime par ailleurs que la crise entraînera une contraction de 18,5 % de l'économie iranienne, après un recul de plus de 9 % en 2019.
Entre l'épidémie et l'effondrement : un choix cornélien
La situation est donc intenable pour le pays qui souffre des sanctions américaines limitant drastiquement son commerce international. La Haut-Commissaire de l'Organisation des Nations unies (ONU) aux droits de l'Homme Michelle Bachelet avait demandé, dans un communiqué publié le 24 mars, que les sanctions internationales frappant l'Iran et d'autres pays comme le Venezuela, Cuba, la Corée du Nord ou le Zimbabwe soient «assouplies ou suspendues» en cette «période cruciale» de pandémie de Covid-19. En outre, de nombreux pays se positionnent pour un moratoire sur les sanctions économiques pendant la durée de la pandémie. Début avril, le Groupe des 77 et la Chine considèrent que «la promulgation et l'application de mesures économiques coercitives unilatérales auront un impact négatif sur la capacité des Etats à réagir efficacement, en particulier dans l'acquisition de matériel et de fournitures médicales pour traiter convenablement leur population face à cette pandémie». Ces pays appellent donc la communauté internationale à adopter des «mesures urgentes et efficaces pour éliminer le recours à des mesures économiques coercitives unilatérales contre les pays en développement».
Mais à ce jour, les Etats-Unis sont restés sourds à ces appels. Washington ne semble pas décidée à faire de cadeau aux iraniens et se soucie peu du sort de la population. Le département du Trésor américain a d'ailleurs imposé de nouvelles sanctions fin mars contre Téhéran.
Si l'arrêt du confinement fait craindre l'arrivée d'une deuxième vague de contamination, l'Iran semble confronté au choix douloureux entre la gestion efficace de l'épidémie et l'effondrement économique qui pourrait entraîner un bilan humain bien plus lourd, dans un pays déjà lourdement affecté.
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