17/09/2020  35 min #179373

Eléments sur l'installation d'une dictature en Europe : Julian Assange face à l'Old Bailey, 7-10 septembre 2020

Eléments sur l'installation d'une dictature en Europe - Julian Assange à la Old Bailey 7 au 10 septembre 2020

Monika Karbowska

Lundi 7 septembre 2020 - premier jour à la Old Bailey
Nous sommes stressés par l'incident policier et je ne peux pas me lever au plus tôt.

Nous n'arrivons à la Old Bailey qu'un peu après 6 heures du matin.

4 personnes sont déjà debout avec deux pancartes devant le rideau tiré du Passage Warwick.

On ne sait pas si c'est bien ici que public va entrer mais nous n'avons pas le choix que de nous placer à leur suite.

On les salue et on reste polies mais la tension montera vite et restera vive toute la journée.

Jamie, Sandra, le journaliste allemand Moritz Müller et deux autres hommes jouent le rôle de « chauffe place » - ils font la queue pour d'autres et cèderont leur place à la dernière minute.

Ce ne sont évidemment pas des règles équitables du premier arrivé premier servi, j'estime qu'il n'y a pas de personne plus importante que d'autres et personne ne doit servir de larbin à quelqu'un, mais ce n'est pas le problème le plus aigüe.

Le plus dur est que même si nous restons calmes, les « supporters » se sentent autorisés à resquiller et nous passer devant, de sorte qu'au bout de 3 longues heures d'attente alors qu'un agent de sécurité ouvre la grille et que nous pouvons rentrer dans l'étroit boyau du passage, nous nous retrouverons dixièmes dans la file alors que nous étions cinquièmes le matin.

Une femme au chapeau de paille, un homme viennent se mettre devant nous et nous poussent des coudes pour nous faire partir.

Puis ils et elles nous agressent de diverses manières, d'abord en criant que nous les agressons (la fameuse inversion du bourreau qui crie être victime...), en jouant les kapo du « social distancing » ou en nous interpellant méchamment sur la quarantaine que les Français sont obligés de faire.

Je réponds qu'ils n'ont qu'à faire 3 pas en arrière pour avoir leur « social distancing », tout en mettant le masque muselière qui ici devient un accessoire utile de démonstration de notre bonne volonté à respecter les codes sociaux.

Je dis aussi que je suis Polonaise donc exemptée de quarantaine mais l'ambiance est irrespirable car la violence des « supporters » augmente au fur et à mesure que l'heure avance.

Dès 8h30 alors que la police de la City of London est sur place et que la manifestation en faveur de Julian Assange grossit devant l'entrée principale, nous savons déjà qu'il n'y a que DEUX places dans la galerie du public ! Les prétextes sont fallacieux et le covid joue un rôle de choix dans l'annulation de la publicité du procès, encore une violation des droits que nous subissons partout sur tout notre continent européen.

Nous tous, avec Julian Assange.

Mais je persévère, d'autant plus qu'une des policière, une dame d'une soixantaine d'année, grande blonde masquée, vêtue de l'uniforme au damier blanc et rouge de la City of London Corporation qui semble diriger les opérations s'approche de nous vers 8h00 et nous permet de rester faire la queue pour demander à la Cour si notre association de défense des droits de l'homme pourrait recevoir une accréditation pour le lendemain.

Elle est affable et n'a rien à voir avec les gens bizarres que nous avions subis la veille.

Les « vrais » policiers ne semblent pas du tout être les mêmes, aucun de ceux d'hier ne sont présents.

Les uniformes nickels et les coiffures apprêtées des femmes de la fameuse patrouille de nuit nous semblent de plus en plus ressembler à du décor de cinéma.

La voiture des policiers de la City of London est noire alors que celle des policiers britanniques sont bleues et jaunes.

Quelques policiers de la Grande Bretagne seront présents mardi et mercredi mais tout comme devant la Westminster ils resteront courtois et discrets.

A 9h30 la tension est à son comble.

La manifestation organisée bat son plein devant le bâtiment historique.

Certains aspects font penser à un spectacle ridicule et décalé : un homme se promène jambes nues vêtu d'une jupe au couleurs de l'Irlande, une femme porte un costume de kangourou censé représenté le « kangurou court » le procès « kangourou ».

Une autre distribue des tracts pour « l'avènement de Jésus » tandis que des acteurs grimés déambulent avec un simulacre de croix.

Je ne pense pas que cette mise en scène mette en valeur l'engagement politique de Julian Assange.J'aurais préféré voir des vrais militants politiques, des syndicalistes, des membres du Parti communiste, du Labour de gauche, des associations de droits de l'homme anglaises...

Mais ces représentants de la vraie société civile anglaise ne veulent pas toucher à l'affaire Assange comme si la complexité de la question les déroutait.

Il est vrai qu'ils auraient alors besoin de nettoyer en profondeur leur société, les contradictions de leur système politique féodal (la City of London en tant que fief féodal du suzerain de la Couronne d'Angleterre) et ils semblent reculer devant cette tâche herculéenne.

En tant qu'étranger luttant pour la liberté d'un homme otage nous n'avons pas ces hésitations et nous devons aller de l'avant parce que notre liberté est liée à la sienne.

A 10h un agent de sécurité privé, assez âgé, ouvre la porte de la galerie du public dans le Passage Warwick.

Il fait entrer les familles des quelques autres « cas » - Maurice Robinson et Christopher Kennedy, deux jeunes routiers anglais accusés d'avoir assassiné 14 migrants vietnamiens en les laissant mourir dans leur camion frigorifique en novembre 2019 ainsi que la famille d'un homme ayant tué sa femme.

Les quelques 10 personnes montent les escaliers alors que nous restons devant la porte.

La confusion s'installe alors et la pression physique des personnes « chauffe place » augmente sur nous.

Nous sommes accusés de tous les maux dont se rendent en réalité coupable ces gens qui sont censés être nos alliés dans la défense de Julian Assange.

On dirait un scénario bien huilé pour nous empêcher d'entrer en nous faisant perdre notre sang froid.

Comme je connais le scénario depuis un an et 14 audiences, je ne me démonte pas.

Les lieux et les protagonistes du « jeu »
Puis brusquement la situation se débloque : un agent de sécurité jeune vient prêter main forte au plus âgé.

La porte d'entrée vers la « public gallery » s'ouvre.

Les agents annoncent « la famille » de Julian Assange qui a priorité.

Avec je vois arriver John Shipton et puis avec surprise le trio de février et composé du frère de John Shipton, de la femme de celui-ci et du fils du frère.

Je ne les ai évidemment vu à aucune audience intermédiaire à la Westminster Court.

Stella Moris est également absente, elle ne sera JAMAIS présente dans les lieux avec la famille.

Par contre Craig Murray leur emboite le pas.

Je suis fatiguée de cette opacité - qui décide de qui est la famille ? - mais je ne peux rien faire.

Pire, une fois que les cinq de la Woolwich Court rentrent dans l'étroit escalier menant aux étages, des conciliabules entre Deepa River et les agents de sécurité commencent car les militants « chauffe-place » ont dégagé la place.

Ces négociations opaques ont comme résultat l'entrée de Kristinn Hrafnsson, de Fidel Narvaez et de John Pilger dans l'escalier.

Pilger n'a évidemment jamais fait la queue, contrairement à Fidel Narvaez que j'ai vu depuis le matin mais qui a pu circuler librement sans être acculé à tenir la porte comme nous pour ne pas être viré.

Je suis alors en colère, surtout quand je pense aux immenses efforts que nous avons dû faire pour arriver là....

Mais je reste stoïque, essayant cependant de discuter avec l'agent de sécurité d'une « accréditation pour association de défense des droits de l'homme ».

L'homme me regarde et dit qu'il n'y a pas de place dans la salle 10 « à cause du coronavirus » mais à son attitude je comprends qu'il faut persévérer.

Nous sommes maintenant les deux Polonaises devant la porte.

Entre l'entrée principale dans la rue et notre porte s'active G., la mystérieuse militante que j'ai toujours vue, toutes les fois à toutes les audiences depuis 1 an.

G.

a d'abord été hostile vis-à-vis de moi, puis amicale lorsque nous avons fait cause commune contre les listes de Greekemmy.

Elle a assisté aux 4 jours à la Woolwich Court et je l'ai revue en juillet et août dernier à la Westminster.

Elle parle un Anglais d'Oxford de très haut niveau et on ne sait rien d'elle ni comment elle fait pour toujours entrer.

J'ai été peinée ce matin lorsqu'elle m'a attaqué vertement dans la queue en resquillant alors même qu'elle était arrivée après moi et au final je la vois me passer devant.

Elle a l'air d'avoir un certain pouvoir car elle négocie avec les agents de sécurité et des responsables de la Cour l'entrée de deux autres protagonistes du jeu que je connais depuis la Woolwich, Rebecca Vincent de Reporter Sans Frontières UK et Christian Mihr de Reporters Sans Frontières Allemagne.

Je ne peux cependant comprendre la teneur des échanges car je ne peux quitter mon poste dans le sombre boyau du passage Warwick pour aller vers l'entrée principale dans la rue.

Lorsqu'elle me pousse pour se retrouver devant moi face à la porte, je réagis.

D'un ton gentil, presque suppliant je lui dis : « Pourquoi tu me fais cela.

J'ai toujours été loyale avec Toi ».

Elle continue dans la veine agressive, m'accusant de la pousser et me parlant du fameux « social distancing ».

C'est une pose.

Alors, je lui dis simplement : « Qui es-tu ? Comment se fait-il que tu entres toujours ? Tu as dit être chercheuse, mais je n'ai jamais rien lu de ce que tu as écrit ».

Alors, la femme réprime un sourire.

« Tu ne sais pas sous quel nom j'écris ».

Non, effectivement elle n'a jamais voulu dire son nom.

Puis son visage devient sévère, déterminé, mais également effrayé : « Je fais cela pour mon pays » dit -elle.

« Tu n'as pas remarqué qu'il n'y a aucun Britannique dans cette affaire » ?
Si j'ai remarqué.

Que des Australiens et des Allemands.

Et ici c'est le lieu international de la Cité des Banquiers mondiaux par excellence.

Je bafouille, surprise, je parle du frère de Shipton, ne vit-il pas ici ? J'en oublie que Craig Murray est censé avoir été diplomate de Sa Majesté.

Mais pour G., il ne représente ici pas son pays.

Tout va alors très vite.

La porte s'ouvre.

Kristinn Hrafnsson apparait suivi de John Pilger.

Les deux hommes quittent les lieux après une heure seulement.

L'agent de sécurité annonce qu'il peut nous faire entrer.

Georgia la première, puis moi, puis les deux de RSF.

Je donne mon téléphone portable à ma coéquipière polonaise et je devrais aussi jeter ma bouteille d'eau et mes biscuits, toute alimentation étant interdite.

Le passage vers la galerie du public est un étroit boyau tout en bois sombre et au linoléum fatigué qui me rappelle l'architecture stalinienne du tribunal de Varsovie dans les années 90-93.

Dans un minuscule entresol se trouve le PC de l'agent, ainsi qu'une caisse en métal - un détecteur de métaux modèle des années 80.

Une fois que nos sacs passent dans la caisse et que l'agent n'a rien trouvé d'interdit, nous traversons un portique de sécurité.

Il est assez sensible car mes chaussures sonnent chaque fois.

Dès que je suis libérée de la fouille, je me mets à courir pour ne pas perdre ma place.

Trois grands étages à gravir d'un escalier bunkérisé sans fenêtres, un plancher en lino sale, des toilettes dans les entresols derrière de lourdes portes en bois foncé (les toilettes femmes sont condamnées pour cause de corona, il faudra aller dans les toilettes hommes, garnies de lavabos et de pissotières modèle des années 1960.

Personne n'a jamais rénové ni modernisé ces lieux qui n'ont d'ailleurs pas l'air très fréquentés).

Je croise au 1er, 2ème et 3ème étage les familles des autres accusés qui attendent dans un petit vestibule sur le palier.

Je dois courir tout en haut, au 4ème étage de cet escalier, 5ème et dernier étage du bâtiment et j'arrive essoufflée.

Sur le palier une femme blanche âgée en uniforme blanc et noir masquée me dit d'attendre.

Elle se concerte avec une autre agente assise dans le couloir dans un renfoncement devant un écran de caméras.

Les caméras de surveillance montrent l'escalier et elle doit en plus surveiller le couloir.

Pas de PC sécurité, je me fais la réflexion sur les conditions de travail lamentables des prolétaires anglais si obéissants.

Les deux femmes me disent de les suivre.

Dans l'étroit et sombre couloir nous longeons la « Court Room 10 » et elles ouvrent la porte suivante « Court Room 9 ».

Je descends dans la galerie du public, je m'assieds sur une des nombreuses chaises vides.

G.

est derrière moi loin de moi, à ma gauche au fond je retrouve Fidel Narvaez mais Rebecca Vincent et Christian Mihr ne se formalisent pas du « social distancing » (et je ne leur en veux pas) et se placent dans la rangée juste derrière moi un peu en hauteur.

Je ne suis pas dans le « Saint des Saints », ce lieu est la Courtroom 10.

Je suis dans une salle mitoyenne qui accueille les journalistes et le public sommés de suivre les débats de la salle 10 sur deux écrans video placés de part et d'autre de la pièce.

J'enrage quand je compte le nombre de chaises vides : 40 places dans la galerie du public répartis en 4 rangées et nous ne sommes que 5 ! Le Coronavirus permet décidemment abolir toute règle d'Etat de Droit alors qu'il y a largement l'espace pour faire entrer 20 personnes ! En bas du balcon de la galerie, je compte dans la salle elle-même 50 chaises occupées seulement par 15 personnes ! Et il y a aussi à droite de la salle le box des accusés ou pas moins de 10 places restent vides ! En tout 100 places dont 80 vides !
Le public des journalistes est donc très clairsemé.

La salle est une salle d'audience comprenant une grande estrade avec haut fauteuil en cuir pour le juge (quelques livres de droit gisent sur ce bureau) à droite de la pièce.

En dessous de l'estrade se trouve, en face des participants au rituel, le non moins confortable fauteuil du greffier.

Ici le siège est occupé par...

Rosie Sylvester, la manager que nous connaissons si bien de la Westminster ! Elle est habillée d'un tailleur bon marché et tape sur un ordinateur en regardant vaguement l'écran de l'audience.

Elle a droit à de l'eau, une bouilloire pour le café et à des objets personnels qui attestent que c'est son lieu de travail actuel.

Elle ne travaille donc pas pour la Westminster Court mais pour « le cas Assange »...

Il n'y a dans la salle aucun personnel spécifique de la Criminal Court Old Bailey car ce n'est pas cette Cour qui juge Assange.

Cette Cour est le lieu où ça se passe, comme si on avait loué une salle pour une réunion qui ne peut plus se tenir nulle part ailleurs.

Il se peut cependant que Rosie Sylvester et Vanessa Baraitser travaillent pour l'entreprise privée Prudential qui est en réalité propriétaire du bâtiment central au 179-185 Marylebone Road et qu'elle loue à la Westminster Court, comme le prouve le document du cadastre N° NGL900525.

Les bâtiments des tribunaux ont été privatisés depuis longtemps en Grande Bretagne et le propriétaire Prudential peut très bien louer des salles de réunions pour d'autres objectifs à d'autres personnes morales et privées et salarier des employés directement ou en sous-traitance.

Le « Procès Assange » peut en réalité être un spectacle menée par une entreprise privée qui emploie les protagonistes en salariés.

Un bâtiment comme la Old Bailey dans un lieu quasi extraterritorial garantit à cette entreprise privée organisatrice une impunité totale.

Nous allons croiser Rosie en route vers son bureau tôt le matin vers 8 heures cheminant par le passage Warwick vers l'entrée du personnel à l'arrière du bâtiment.

Les agents de sécurité et de jeunes stagiaires passent aussi par cette entrée.

Ici salle 9 Rosie est assise dans l'axe de la pièce comme si elle se trouvait en face de Vanessa Baraitser derrière le mur à droite.

En face de moi, perpendiculairement à Rosie se trouvent 3 rangées de 25 places, dont la moitié est condamnée avec des rubalises à droite alors qu'à gauche seules 4 places sont occupées par des gens écrivant sur des ordinateurs (des journalistes ?), des hommes aux physiques passe partout.

Un homme se détache néanmoins de la masse : il est plus costaud, aux cheveux roux et visages rond.

Il a un notebook mais aussi un téléphone portable non éteint qui fait du bruit lorsqu'arrivent les messages.

Il a l'air de sourire en regardant l'écran pile en face de lui.

Il suit très attentivement le déroulé comme un réalisateur le scénario de son film, tout en faisant de nombreux gestes ponctuant son observation.

De temps en temps il note sur son téléphone (privilège car nous n'avons droit à aucun outil ni même à un bloc-notes et stylo !).

Le lendemain je découvrirai qu'il est probable que ce soit le producteur de cinéma et de spectacle Hamish Hamilton.

L'Allemagne dans la Old Bailey
Les autres personnes ne sont pas journalistes non plus : je découvre avec stupeur la députée au Bundestag de Die Linke Heike Hänsel assise juste en face de Rosie Sylvester dans la première rangée.

Derrière elle se trouvent deux jeunes hommes.

Celui de gauche, un jeune roux aux lunettes, s'avère un représentant de l'Ambassade de l'Allemagne ! Je l'apprends car Rebecca Vincent a bien spécifié à l'agent de sécurité qu'elle est pistonnée par l'ambassade de l'Allemagne dans les lieux.

Sitôt arrivée Vincent et Mihr ont droit aux saluts de Heike Hänsel qui leur désigne le jeune homme comme leur contact de l'ambassade.

Je n'entends pas son nom mais il apparait clair qu'il est un personnel politique de la mission diplomatique.

Derrière eux une femme brune à la veste vert foncée me parait avoir été parmi les journalistes qui fréquentaient le procès depuis 1 an.

A sa gauche sont assis trois hommes roux ou blonds aux allures très « baba cool ».

Toutes ces personnes se parleront Allemand entre elles le lendemain et le surlendemain.

Il n'y a presque pas de Britanniques ici, oui.

Par contre l'Allemagne en tant qu'Etat est très présente par sa député et ses diplomates.

L'Allemagne est très présente en particulier dans le dossier Assange, sans toutefois que les véritables chefs du projet 04 Wikileaks « Freedom of Expression » de la Wau Holland Siftung, sis au 25 Marienstrasse à Berlin, Andy Müller Maguhn, Bernd Fix, Klaus Schleisiek n'aient le courage d'assumer ouvertement leur responsabilité et prendre la place de leur ancien ami et salarié Julian Assange dans le box des accusés.

Ce sont pourtant eux les vrais chefs de ce projet de la Wau Holland qui perdure aujourd'hui et dont Müller Maguhn assume la direction.

Assange ne fut que la belle gueule, la vitrine de Wikileaks, pour laquelle le public donnait de l'argent séduit par son physique et son apparente honnêteté.

Müller Maguhn, Fix, Schleisieck et les autres dirigeants de la Wau sont toujours restés dans l'ombre et ne sont donc pas inquiétés par la justice américaine tandis que leur marionnette Assange est livrée en pâture au Grand Inquisiteur.

Il faut dire les choses brutalement car elles sont ainsi, preuve dans les rapports d'activités de la Wau Holland que j'ai étudié avec soin i.

L'Etat Allemand a l'air de vouloir protéger sa fondation et ses citoyens, à défaut de soutenir Assange.

L'Allemagne est ici chez elle dans cette affaire.

Qu'un procès se déroule en présence d'un Etat étranger est une pratique impensable en droit mais il ne faut pas oublier qu'ici nous ne sommes pas en Grande Bretagne mais à la City of London Corporation, la Guilde des Marchands de Londres.

Si les Sheriffs qui gouvernent le bâtiment de la Cour et le Lord Mayor de la City acceptent l'influence de l'Allemagne sur leurs institutions, je me demande si le gouvernement britannique a son mot à dire sur ce qui se passe dans ce lieu- une enclave comme le Vatican sur son territoire...

Alors je regarde l'écran suspendu sur le mur à l'opposé de la galerie.

Et je ne vois hélas pas grand-chose car il se trouve à 20 mètres de moi et l'image est floue.

Le son est également peu audible.

Je distingue néanmoins la salle 10, avec Baraitser à gauche sur une estrade, Fitzgerald et Summers en chemise blanche en face d'elle devant des tables, Lewis et Clair Dobbin à leur droite.

Au fond je distingue vaguement des têtes.

Lorsque les avocats parlent, la caméra ne montre pas Julian Assange.

Ce n'est que lorsque le procureur parle que la caméra se tourne à gauche et je peux distinguer de très loin le box des accusés...

et une tâche blanche au visage blanc vêtu d'un habit vaguement marron entre deux gardes à chemises blanches.

Julian Assange est là, oui, mais comment en être sûr que c'est bien lui alors qu'on ne voit rien de son visage qu'une tache blanche ! Une autre tache blanche est assise devant lui, une femme avec des cheveux noirs.

Gareth Peirce est présente aussi derrière Fitzgerald, toute en noire alors qu'elle n'apparaissait plus depuis février.

Au fond de la salle, à gauche d'Assange, des têtes indistinctes.

Comment peut-on appeler cela un procès équitable ? Un procès secret digne des temps féodaux oui.

Mais la City of London Corporation est toujours régie par des Lois datant des temps féodaux toujours valables et la Grande Bretagne a toujours dans son système politique des éléments de féodalité comme le pouvoir de la Reine sur certaines institutions sociales, politiques juridiques et scientifiques.

La City of London Corporation est censée avoir fait allégeance à la Reine qui est son suzerain direct selon les coutumes datant de 1186 !
Dans un tel espace nous ne pouvons espérer le respect des Droits de l'Homme car les Lumières n'ont jamais réussi à pénétrer ce lieu clôt, feutré, violent et puissant.

Comme je n'ai pas le droit de prendre de notes, je n'ai pas retenu la plaidoirie de Summers et la réponse du procureur.

Je sais juste que pendant une heure l'avocat de Wikileaks a essayé de plaider l'impossibilité d'accepter les nouvelles accusations des Etats Unis avec l'argument d'un envoi trop tardif des documents.

Il ne conteste donc pas le fond et reste dans le cadre d'un « case management hearing », une audience d'organisation.

Au bout d'une heure, c'est la pause midi.

Les agentes de sécurité viennent nous virer.

Je n'ai pas le choix que de sortir.

Je parais tellement fatiguée que les femmes me disent d'enlever mon masque pour souffler.

Je regarde la porte de la salle 10, la Famille a déjà quitté les lieux, je ne verrai ni Julian Assange ni personne par une porte entre-ouverte.

Nous devons manger et nous reposer, ayant atteint les limites de ce qu'un être humain peut endurer sans repos et sommeil.

Nous revenons trop tard, à 15 heures.

Les militants « chauffe place » sont là, ils se moquent de nous.

Je reste un peu devant la porte jusqu'à ce que quelqu'un sonne et que l'agent de sécurité ne me voit.

Il me dit poliment que pour aujourd'hui c'est impossible mais que je peux revenir demain.

Je rejoins les quelques amis qui participent à la manifestation carnavalesque devant la porte principale de la Old Bailey.

Puis à 16 heures nous nous retrouvons avec eux à attendre devant la porte cochère de la rue Newgate (nom de la prison qui desservait la Criminal Court tout au long de l'histoire de la City et de Londres).

Cette immense voûte commande l'entrée du passage entre le bâtiment de la Old Bailey du 19 siècle et les bureaux d'Axa à gauche avec au fond au la Maison des Couteliers.

Le passage arrive dans la petite cour intérieure de la Old Bailey qui est aussi l'entrée des salariés (à voir sur le plan Google) ii.

La chasse à la photo de Julian Assange dans son fourgon est organisée par la meute de photographes, présents en nombre le premier jour, nettement moins assidus les jours suivants.

Comme en décembre 2019 et en janvier dernier les photographes se ruent sur les 4 fourgons sortants et sur une grande berline noire aux vitres teintées.

Ils flashent l'intérieur puis regardent leur photo pour reconnaitre Assange.

Ce n'est jamais lui, ils persévèrent donc.

On a compris qu'il faut les suivre, puisque leur but est de vendre la photo et qu'ils cesseront une fois leur butin attrapé et envoyé à leur rédaction.

Pourtant les pauvres types qui sont sortis par la porte dans les fourgons ont l'air d'être les autres accusés de la Criminal Court jugés inintéressants par les médias.

A un moment donné nous demandons aux photographes s'ils ont eu la photo.

Ils démentent, nous ne sommes pas certaines qu'ils disent la vérité.

Peut-être que oui puisqu'aucune photo d'Assange n'est finalement publiée.

Dès que la dernière voiture est partie, la police lève le camp immédiatement.

Etrange procès ou nous avons subi tant d'intimidation pour finalement voir de nos propres yeux qu'il n'est pas si « sensitive » que cela aux yeux des « vrais » autorités.

Julian Assange reste visiblement piégé en captivité à l'intérieur de la Old Bailey.

Il n'est pas sorti de la semaine Après tout, dans la Old Bailey il y a tout ce qu'il faut pour tenir un siège : de vastes souterrains visiblesquand les camions de livraisons amènent les plateaux repas et le matériel de tournage et d'enregistrement, une cantine, une cuisine dont on entendait les bruits dans le passage Warwick...

Et certainement des appartements en haut et des cellules en bas.

La nuit, les 4 et le 5 èmes étages correspondant aux salles 9 et 10 et à leurs couloirs et galeries seront illuminés de leur lumière bleutée.

Quelqu'un dort et travaille ici la nuit, incontestablement.

Mardi 8 septembre 2020
Le lendemain après une bonne nuit de repos nous arrivons beaucoup plus tôt, à 5h30.

Le passage Warwick est ouvert et désert.

Jamie arrive vers 6 heures, suivi de Sandra et de Deepa.

Il est désappointé de nous voir avant lui et nous en fait la remarque « cette fois vous avez été plus vite » ! Je ne lui en veux pas mais je suis agacée.

Pour nous ce n'est pas un jeu à « qui arrive le premier ».

Nous ne sommes pas comme ces « Titouchki » ukrainiens ou biélorusses, ces gens payés par les fondations occidentales 100 Euros par jour pour participer aux fausses manifestations de « révolution de couleur » contre Janoukovitsch ou Loukachenko.

Personne ne nous paye, au contraire, nous donnons nos forces et nos ressources pour la lutte commune.

Je n'ai rien contre Jamie, mais il est certain qu'il n'écrira jamais aucun compte rendu puisqu'il n'assistera jamais à aucune audience de lui-même.

Comme hier notre attente dure longtemps, il commence à faire froid en cette matinée de septembre londonien.

J'ai amené mon sac de couchage qui me sert de couverture.

Vers 8 heures des personnes commencent à se rassembler devant la Old Bailey.

Il y en a nettement moins que la vieille.

Le storytelling effectué, nos chers journalistes passent à une autre nouvelle.

Les employés traversent le passage pour se rendre vers l'entrée des salariés dans la cour.

Rosie Sylvester passe vers 8 heures mais ne répond pas à notre salut.

Ce jour là il y a nettement moins d'audiences « normales » et plus aucune famille ne fera la queue côté passage Warwick.

La véritable Cour Criminelle travaille aux étage 1, 2 et 3, le public fait la queue devant l'entrée principale.

L'entrée du passage Warwick et l'escalier qui y débouche est uniquement destiné au « cas Julian Assange » comme si c'était une réunion d'une association ou d'une entreprise privée qui aurait loué des salles inoccupés aux deux derniers étages.

A 8h30 le jeune agent de sécurité se pointe et nous annonce qu'il n'y aura que deux places pour le public car trois sont « réservées pour les VIP ».

Deepa tente de parlementer et moi je rajoute « pouvez vous nous dire qui décide de qui est « Very Important Person » ? Ce genre de passe-droit accordé à des chanteuses comme autant des titres de noblesse modernes m'agace profondément.

Deepa appuie ma demande de transparence.

L'homme est gêné et nous dit qu'il va se renseigner.

Il ne revient jamais.

Une des amie supporteur me dit ironiquement « voyons - les VIP, Pamela Anderson, Maria Carey, Mia, en plus elles ne sont même pas là».

C'est sûr que des riches comme ces dames ne font pas se geler les fesses à faire la queue dans l'immonde et sale boyau du passage.

On est bien dans une société féodale et capitaliste.

A 9h30 John Shipton et Craig Murray arrivent justement dans le boyau et échangent avec les militants.

Vers 10 heures le jeune agent sécurité ouvre la porte d'entrée et appelle « la Famille » puis nous désigne « deux personnes.

Premiers arrivés, premiers servis ».

Nous donnons nos téléphone à notre collègue.

J'ai vidé mon sac de tout, sauf d'un chargeur électronique qui ne passera pas le portique.

Heureusement qu'une des militante, gentiment, me le gardera.

John Shipton, son frère, la femme du frère et leur fils sont là et entrent dans l'escalier suivis de Craig Murray.

Puis je rentre avec Barbara la Polonaise.

Je suis la dernière à passer l'antique détecteur de métaux et à gravir à toute vitesse les 4 étages à pieds pour ne pas perdre une miette du procès.

Mais arrivée en haut je vois Barbara attendre dans le petit vestibule devant la porte vitrée séparant l'escalier du couloir.

Elle se tient debout en face des « familiers » de Julian Assange assis sur des sièges en bois des années 60 tandis que le jeune homme est assis sur les marches.

Une agente de sécurité vêtue d'un uniforme bleu marine (il y a deux sociétés de sécurité différentes qui travaillent pour le procès d'Assange ? Pourquoi les uniformes des gardiens d'Assange sont aussi disparates ?) vient nous dire que l'audience est retardée.

Elle disparait dans le couloir et nous restons à nous regarder un peu en chien de faïence.

Craig Murray parle de l'Ouzbékistan à son ami John Shipton.

Ce dernier compare ses grandes mains caleuses à celles de son frère.

« C'est génétique » dit-il.

Il rit, détendu.

Ses mains ne ressemblent pas à celles longues et fines de Julian Assange, mais on me dira « comment être sûr de ressembler toujours à son père » ?
Au bout de 20 minutes l'agente de sécurité ouvre la porte et dit «j'ai besoin de connaitre les noms des membres de la famille ».

Le groupe assis en face de nous n'est pas très content de décliner son identité.

J'entends ainsi que le frère de John Shipton s'appelle Sullivan Shipton, son fils Elliot Shipton et l'épouse de Sullivan Esther Bronfman ou Kaufman, elle le dit si bas que l'agente de sécurité est obligée de se pencher vers elle pour comprendre.

Quelques minutes plus tard l'employée revient et nous fait signe de la suivre.

Nous pénétrons dans le couloir glauque et sans fenêtres, laissons sur notre gauche le renfoncement avec sa table et ses caméras de surveillance et nous nous retrouvons à la suite du groupe familial en face de la porte marquée « court room 10 » à la peinture rouge.

Elle ouvre cette porte et fait entrer « la famille ».

Je m'efforce de distinguer quelque chose - la salle a l'air sombre, les murs tendus de vert et les fauteuils en bois et en cuir rouge.

Mais je ne peux hélas apercevoir Julian Assange.

L'agente nous barre l'entrée et dit « vous vous allez salle 9 ».

Puis « Mais vous pourrez peut-être aller salle 10 l'après-midi ».

Il y a de l'espoir !
Salle 9 nous nous retrouvons seules parmi les 40 sièges vides du balcon.

Nous nous asseyons de façon à pouvoir communiquer.

Nous sortons nos calepins et nos stylos pour noter.

Surprise, les règles ont changé, aujourd'hui il est permis d'écrire.

Devant moi la même configuration qu'hier et seules 8 personnes se trouvent dans la salle : Rosie Sylvester à la place du greffier, Heike Hänsel en face d'elle, le jeune homme de l'ambassade allemande derrière elle, les deux « baba cool » allemands et la femme brune au pull vert dernière rangée.

Dans les fauteuils en face, celui qu'on identifiera comme Hamish Hamilton et un autre homme dernière rangée à droite.

C'est tout.

Ou sont donc les journalistes censés faire des reportages sur le procès ? Ils n'ont pas pu ou pas VOULU entrer ?
Sur l'écran retransmettant la salle 10 je vois Baraitser à droite, Summers et Fitzgerald, le greffier, l'accusateur Lewis et trois silhouettes très loin dans les rangées perpendiculaires au tables des avocats et accusateurs.

Dans le coin droite en bas de l'écran un homme se tient au pupitre des témoins : c'est l'avocat Smith, que Summers présente immédiatement comme « spécialisé dans les extraordinary rendition, les kidnapping, la torture, les disparitions forcées ».

Dommage que je ne puisse pas voir son visage car debout dans le pupitre il tourne le dos à la caméra.

Par contre on entend nettement mieux qu'hier.

Mark Summers est dans sa plaidoirie, après la présentation du CV du témoin (qu'hélas je n'entends pas très bien) il lui demande s'il a eu des contacts avec Wikileaks et si les documents classifiés publié par Wikileaks lui ont servi dans son travail comme preuves.

Il est surtout question d'assassinats perpétrés en 1993 par l'armée US en Afghanistan.

Non, l'avocat Smith n'a pas eu de relations avec Wikileaks, oui il a utilisé les « cables » (les télégrammes diplomatiques).

Alors que je m'efforce de tout comprendre et tout noter brusquement, pendant 10 secondes la caméra zoome sur le box des accusés ! Et je vois Julian Assange, bien plus distinctement que la veille ! Je le vois assis entourée de deux gardes en blanc.

Il a les cheveux courts et pas de barbe.

Il porte une chemise blanche et une veste bleue marine.

Hélas, trop loin pour que je puisse voir l'expression de son visage.

Il est immobile, assis droit comme un I...

Les organisateurs du sacrifice ne nous font pas de cadeaux ni à lui non plus.

Immédiatement la caméra quitte Assange et nous ne le reverrons plus !
Tout en restant attentive à la caméra, je suis la démarche de Summers qui se réfère aux paragraphes de la déposition du témoin et lui donne la parole sur les points cités.

Le témoin Smith, qui est Américain, explique que « la réputation de mon pays a été sérieusement entachée par les crimes de guerre », qualifie les révélation de Wikileaks de « powerfull » (fortes) et se réfère à des procès conduits par la justice du Pakistan contre les « rendition » et les assassinats.

Les Etats-Unis ont-ils voulu bloquer les investigations sur les « rendition » ? questionne Summers.

Oui, répond le témoin.

Le document le plus important qu'il a utilisé dans son travail est la liste de 69 noms de personnes « cibles » d'assassinats décidés par les « agences américaines ».

Cette liste a été publiée dans la presse pakistanaise et afghane et constitue un « document fascinant ».

L'avocat de Wikileaks questionne l'avocat des victimes du gouvernement américain sur son « assassination program » et lui demande des détails sur la façon dont il a travaillé avec ces « sources de preuves ».

Smith est prudent et parle d'une voix détachée et posée.

Il ne mentionne pas avoir lu par lui-même la page de Wikileaks, mais parle toujours de presse afghane ou pakistanaise ou du New York Times.

Puis Summers le questionne sur les documents de « Guantanamo II » publiés par Wikileaks, le débat passe sur les « secret prisons ».

(Je ne peux m'empêcher de penser à mon pays la Pologne qui sert toujours et va servir de bagne secret à l'Etat voyou américain).

Smith exprime sa tristesse et dit qu'il n'aurait jamais cru que son gouvernement allait tremper dans des pratiques pareilles : torture, kidnapping, rendition, secret prisons...

Summers souligne et répète « Rendition, torture, détention ».

Selon Smith « la torture psychologique est la pire » et il cite la Convention de l'ONU contre la torture qui oblige effectivement les Etats à coopérer aux enquêtes criminelles sur la torture.

Summers assène « Wikileaks a aidé à prouver la torture, les renditions, les disparition ».

A ce point là on a la nausée à force d'entendre les mots « torture disparition, rendition, kidnapping, assassination, target (cible »).

Le timbre de voix de Summers étant dépourvu de la moindre émotion, l'impression qui se dégage de son discours est que oui, Wikileaks est une bonne chose, mais la puissance américaine est telle et tellement violente, qu'on ne peut rien y faire.

C'est un monstre invincible qu'il est impossible de vaincre et que seuls quelques courageux peuvent contester à la marge.

Justement, comment Smith a-t-il pu poursuivre les Etats Unis devant Le tribunal international criminel ? Il n'a pas pu, car même en ce qui concerne les prisonniers de Guantanamo la CIA et les autres agences ne coopèrent pas avec la justice.

La nausée nous submerge.

Décidément les hommes comme Summers manquent de combativité et de persuasion si à la fin de leur juste plaidoirie l'opinion publique ne retiendra que sa passivité face à l'innommable violence d'une Superpuissance.

Mais comment l'opinion publique pourrait même en être même informé ? Ce « procès » est une réunion à huis clos comme une cérémonie sacrificielle de l'Inquisition au 17 siècle.

Les quelques « journalistes » dans la salle sont clairement en train de regarder leur portable sans écouter.

Le représentant de l'Allemagne regarde même Facebook, je le vois du haut du balcon !
La procureur passe le témoin « à la question ».

D'abord il lui demande s'il croit que Wikileaks est « public interest », « d'utilité publique », puis lui demande la définition de ce « public interest ».

Puis il demande si révéler les « secrets de l'Etat » peut être d'utilité publique si c'est publié au New York Times et au Washington Post.

L'impression qui se dégage de la discussion entre les deux « Américains » (qui est le procureur Lewis on n'en sait trop rien finalement) est que c'est débat...

américain.

Deux Américains discutent de ce qu'il est bien et pas bien de faire en Europe et cela se passe sur notre continent.

A aucun moment des Lois européennes, la Convention Européennes de Sauvegarde des Droits Fondamentaux, la Chartes Européennes des Droits Fondamentaux que la Grande Bretagne a signés, dont elle a été promotrice, ne sont cités.

Oubliés les Droits fondamentaux.

La cérémonie du sacrifice d'Assange a eu raison de nos droits pour ce qui est de la politique tandis que le coronavirus se charge de liquider le reste de nos droits personnels comme le droit à l'intégrité physique, à la santé, à la liberté de circuler, la non violabilité du domicile...

Le procureur affirme cependant que Julian Assange n'est pas poursuivi pour les publications de documents secrets mais pour avoir « outé » les collaborateurs américains.

Je n'entends hélas pas bien son échange avec Smith.

J'estime qu'il doit être environ 11 heures (nous n'avons pas droit à une montre) quand brusquement j'entends dans l'écran distinctement la voix de Julian Assange ! Il parle ! Et d'une voix décidée, le ton monte vers une interrogation ! Je n'entends hélas pas ce qu'il dit et de plus, la caméra ne le montre pas ! Je dis à ma collègue que Julian Assange a parlé ! Baraitser lui interdit de parler ! Le renvoie à ses avocats ! Puis on voit à l'écran qu'elle suspend la séance.

Tout le monde bouge, le son est coupé.

Je fixe l'écran dans l'espoir d'entre apercevoir Julian, mais pas question, les tortionnaires ne vont pas montrer ce qu'ils font avec lui.

On ne sait pas s'il est là ou s'ils l'ont fait sortir.

Ce qu'on comprend et qu'il s'est révolté encore et encore !
Dans notre salle un homme entre par la porte du fond à gauche et vient parler à Rosie Sylvester.

Je distingue par cette porte la clarté du jour : derrière elle se trouve un couloir garni de fenêtres donnant sur la rue.

Le technicien sort et quelques secondes après apparait à l'écran dans la salle 10.

Dans cette pièce on n'a pas l'impression de percevoir la moindre tension alors que nous, le public, restons stupéfaits.

On voit les avocats et les procureurs se parler, tout le monde a l'air détendu.

Assange est absent de l'écran.

Baraitser rentre, reprend sa place, admoneste Assange comme si elle parlait à un enfant fautif (nous sommes de nos jours nombreux à être infantilisés par le système dominant...).

Elle lui dit que même s'il pense avoir le droit de parler lui-même, il ne doit pas interrompre le témoin.

Et non, il n'a pas à parler sinon il va être viré de cette cour.

A sa place, j'aurais fait la grève pour rester dans ma geôle, plutôt que de cautionner une cérémonie inique digne du Moyen Age !
D'ailleurs en fait, ici à la City of London nous SOMMES au Moyen Age, régie par des coutumes et un arbitraire directement venus du 11 siècle et on se demande bien en vertu de quelles Lois internationales cet homme est maintenu en captivité dans ce lieu ! D'ailleurs, les menaces de Baraitser sont peut-être déjà mises à exécution : on n'a aucune preuve que Julian Assange soit toujours dans la salle 10.

Ils l'ont peut-être sorti et enfermé quelque part et ils continuent à débattre de la justesse de « Wikileaks », cette page internet dont le propriétaire du nom de domaine n'est pas Julian Assange mais un certain John Shipton, le père assis tranquillement sur sa chaise de la galerie du public, jamais inquiété par aucune instance ! Le père est sauf et le fils sacrifié : on se croirait dans le plus patriarcaux des mythes, celui de Abraham sacrifiant son fils par obéissance à un Dieu exterminateur.

La mort du fils pour sauver le père m'a toujours paru le comble de la perversité du système !
Je n'en peux plus de voir Julian Assange dans la position de l'agneau sacrifié, culpabilisé, humilié.

J'aimerais descendre dans l'arène, ouvrir toutes ces foutues portes, qu'en réalité aucun policier ne garde, enjamber ce balcon, me diriger vers le box, y entrer (le box n'est pas fermé non plus), prendre Julian Assange par la main et lui dire « vient on se casse, on laisse tous ces tarés à leur cirque absurde » ! Et on part ensemble, les portes s'ouvrent toutes seules, les agents de sécurité qui sont justes des salariés prolétaires nous font une haie d'honneur car ils n'ont plus d'employeur à qui obéir et avec nos amis nous quittons ces lieux et ce pays le plus vite possible !
Mais hélas le cirque continue : l'accusateur exige du témoin de réfléchir s'il est juste de révéler les secrets qui mettent en danger la « national security ».

La sécurité nationale n'a pas de sens en Français.

La Nation est une entité qui ne peut être mise en danger, la Nation est une communauté d'humains qui créent un Etat pour assurer sa sécurité.

L'Etat n'a pas d'existence ontologique c'est un outil...

Mais ici on est dans un débat ésotérique américano-américain.

On n'est pas, plus en Europe.

Aucun des concepts philosophiques de notre histoire n'a sa place.

J'assiste impuissante à la discussion américano-américaine s'il est permis de torturer pour assurer la « national security ».

Le simple fait de poser les termes du débat est une justification de la torture et normalement il devrait être interdit ici sur notre continent qui a subit le nazisme et deux guerre mondiales de PENSER même en ces termes ! La torture est un crime, point barre !
Mais ici, à la City des banquiers, qui n'est pas la même entité juridique que l'Etat Grande Bretagne qui a si courageusement combattu le nazisme, on débat si la torture peut quand même être justifiée.

L'avocat Smith essaye de minimiser la « faute» de Julian Assange en arguant que seuls un très petit nombre de noms de collaborateurs a été publié par Wikileaks.

Dans la salle 9 une très vieille climatisation poussée à fond crache sur nous un air froid et possiblement surchargé de germes.

Je me couvre avec mon sac de couchage.

Même les journalistes en bas du balcon ont froid.

Baraitser interrompt le procureur et une pause de 5 minutes a lieu.

On la reconnait au fait que le témoin quitte son pupitre, et la pause finit quand il reprend sa place.

Mark Summers reprend la parole.

Il reparle des « dark prison, assassination, rendition » et demande si la révélation de ceci est un « public interest ».

Oui répond le témoin, ce sont les preuves des activités criminelles de mon gouvernement ! Puis le débat se recentre sur ce dont Julian Assange est réellement accusé, de « conspiration en vue d'obtenir des documents secrets », auxquels Summers rajoute les « rules of engagement » euphémisme des militaire américains pour désigner les permis de tuer les civils qu'ils accordent à leurs soldats en toutes circonstances.

Assange a-t-il juste reçu ou a-t-il cherché à obtenir les documents diplomatiques ? Telle est la problématique « accusatrice » alors que personne ne cherche à définir ce qu'est un « complot », « une conspiration, » terme existant en droit pénal européen pour des crimes de sang ou des attentats.

On n'a pas encore vu en Europe de complot en vue de publier des textes...

Mais cette cérémonie conjointe américano-City of London est en train de créer un dangereux précédent sur notre continent !
Le procureur somme le témoin de présenter son CV, mais Baraitser les interrompt et décide de la pause.

Nous devons reprendre à 14 heures.

J'attends que l'écran s'éteigne.

J'écoute les participants du « bas » discuter en Allemand.

Ils ne sont pas obligés de quitter les lieux.

L'agent de sécurité nous fait sortir.

Nous repassons devant la salle 10.

J'aimerais tellement y entrer ! En sortant l'agent de sécurité du portique nous assure que nous serons les premières à entrer à nouveau.

Nous quittons les lieux pour un déjeuner dans notre appartement.

La décision est prise de continuer, même s'il semble juste que nous cédions au moins une place à ceux qui attendaient après nous.

Les fameux VIP ne sont évidemment pas venus mais contrairement à la veille les agents n'ont pas voulu accepter 3 personnes de plus malgré les 38 sièges vides de la galerie ! Nous sommes de retour avant 14 heures.

Deepa est déjà devant la porte.

Nous décidons de laisser entrer ma collègue polonaise.

Elle restera jusqu'à la fin et je l'attendrais dehors dans la manifestation.

Avant 14 heures la famille Shipton arrive devant la porte.

Je saisis l'occasion pour demander poliment à John Shipton ce que Julian Assange a dit lorsqu'il a protesté, puisque nous n'entendions rien de ce qu'il a dit.

Shipton me regarde d'un air stupéfait comme s'il n'avait pas assisté à cette scène.

J'insiste ! Assange dit une phrase, Baraitser l'a admonesté, il a bien dû entendre, il était aux premières loges, salle 10 ! L'homme me regarde encore d'un air ahuri et me demande qui je suis.

Je me présente, je lui rappelle que j'étais présente à toutes les audiences depuis octobre 2019, sauf pendant le lockdown.

Je lui rappele qu'on a discuté le 14 août à la Westminster.

Je lui présente ma collaboratrice polonaise.

Je n'en tirerai rien au sujet de la phrase d'Assange ni sur aucun autre sujet.

Soit il a dormi, soit ce n'était pas lui qui était salle 10, car je ne vois pas pour quelle raison il devrait garder secrète la phrase protestatrice de Julian Assange!
Nos amis sont rassemblés au pied de l'immeuble en verre qui fait face à la Old Bailey.

Ils ont beaucoup de chance de ne pas être virés de ce lieu privé.

Les policiers de la City of London sont devant la porte d'entrée.

Je parle avec l'officière qui a été si affable avec nous.

Des camions livrent du matériel par la porte cochère près du passage Warwick ce qui me permet d'apprécier la profondeur des immenses souterrains sous le bâtiment de la Cour.

A 17 heures c'est fini.

La famille Shipton sort du passage Warwick.

Pendant que John est entouré des caméras, Sullivan, Eliot et Esther se pressent pour quitter les lieux par le passage à côté de l'hôpital St Bartolomeus au nord de la Old Bailey.

MC McGrath apparait dans la rue, je suis étonnée de voir là le jeune hacker.

Nous essayons comme hier d'apercevoir Julian Assange par la fenêtre du fourgon, mais l'affaire est pliée encore plus vite que la veille.

Un seul fourgon sort, puis les policiers de la City lèvent le camp.

Il n'y a pas de photo.

Le quartier redevient rapidement désert et nous partons nous reposer.

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