Jamal Elshayyal - Al Jazeera
Lorsqu'on touche le fond, on essaie en général de faire ami-ami avec n'importe qui, dans l'espoir qu'il s'en trouvera un pour vous tirer d'affaire.
Papandréou [à g.], soit-disant socialiste et artisan du dépeçage de la Grèce, serre ici la main au criminel de guerre multi-récidiviste Shimon Péres
La Grèce a été mise sur les genoux par la récession économique mondiale qui l'a sans doute plus frappée que tout autre pays en Europe, mais ses nouveaux amis feront très peu pour l'aider à se remettre sur pieds.
Depuis l'initiative de la Flottille de la liberté de l'année dernière, et à cause du tollé qui a suivi l'assassinat par Israël de neuf civils innocents dans les eaux internationales, le premier ministre Benyamin Netanyahou a tout fait pour empêcher une expédition humanitaire similaire de dénoncer la vraie nature d'Israël.
Une des conclusions de la Commission Turkel (j'emploie le mot 'commission' avec générosité ici car cela n'a été rien de moins qu'une blague) était que les diplomates israéliens et les services de renseignement étaient à blâmer pour l'immense embarras causé par la Flottille de la Liberté 2010. La Commission a statué qu'une pression diplomatique aurait avant tout due être exercée sur les pays européens pour arrêter la mise en vente des navires. A défaut, les services de sécurité d'Israël auraient dû saboter les navires, rendant impossible aux citoyens du monde de livrer l'aide humanitaire à la population assiégée dans Gaza.
Il semble qu'Israël applique aujourd'hui ces conclusions à la lettre. Depuis un an, Netanyahu a rencontré son homologue grec à plusieurs reprises - en fait, Georges Papandréou est le premier Premier ministre grec à avoir visité Israël depuis 30 ans.
Et maintenant, au moins deux navires qui devaient prendre part à la flottille ont été sabotés, mettant une nouvelle fois la vie d'innocents en danger.
Ce n'est pas surprenant... La volonté d'Israël de tuer sans discernement n'est pas nouvelle. Mais ce qui est étonnant, c'est l'alliance complètement immorale entre la Grèce et Israël.
Israël n'investit pas économiquement à l'étranger, il n'accorde pas de prêts à des pays et on ne peut pas dire qu'il soit pour le moment au top des « pays les plus populaires ».
Et même au niveau national, la grande majorité des Grecs sont favorables à la lutte des Palestiniens pour leur libération.
En 2010, alors qu'il y a avait également des grèves nationales, des ouvriers grecs ont suspendu leurs piquets de grève pour charger l'aide sur la flottille de la liberté, dans un remarquable geste de solidarité avec leurs camarades palestiniens - dont beaucoup sont en cessation de travail forcée à cause du blocus israélien et du chômage massif qu'il a provoqué.
Peut-être la seule chose que la Grèce a à gagner dans cette décision est le dépit de sa voisine turque. Et si c'est cela le vrai motif, il s'agit alors d'une vision très myope et politiquement immature, au mieux.
La Turquie est une grande puissance régionale et internationale, ce que la Grèce ne sera jamais.
Israël ne renoncera jamais à ses tentatives de réchauffer ses relations avec Ankara, pour des raisons économiques et géopolitiques et aussi à cause de l'importance stratégique de la Turquie.
Ses tentatives de marquer des points avec Israël font que la Grèce ressemble à la femme qui sert de pis-aller à un homme abandonné par une femme bien plus belle qu'elle.
Cette femme ne se rend pas compte qu'elle est exploitée, si ce n'est trop tard.
Beaucoup de pays du Golfe ont envisagé d'investir en Grèce, sans aucun doute leur peuple vont faire pression sur eux pour qu'ils cherchent ailleurs.
Pour parler de façon pratique, les tentatives visant à bloquer la flottille sont futiles.
Le simple fait que - alors qu'Israël a de sang-froid assassiné neuf personnes innocentes l'année dernière - des milliers se soient portés volontaires pour livrer de l'aide à Gaza prouve que vous ne pouvez pas vaincre le pouvoir du peuple.
En réalité, la flottille organisée cette année représente une coalition plus large, un plus grand nombre de navires disposant d'un soutien beaucoup plus important que celui dont bénéficiait la flottille en 2010.
Si la Grèce continue à vouloir empêcher le départ des bateaux, il y a encore des dizaines de nations libres qui se feront un plaisir de soutenir les idéaux d'humanisme, de solidarité et de libération.
Et beaucoup parmi ces nations sont un peu trop proches pour le confort d'Israël.
Car ce que beaucoup de médias n'ont pas su voir durant le printemps arabe, c'est le rôle joué par la cause palestinienne dans ces soulèvements sans précédent.
A Suez, la bataille contre Moubarak a été comparée à la bataille contre Ariel Sharon, laquelle a eu lieu exactement au même endroit. Sur la place Tahrir, des drapeaux palestiniens ont été quasi-fusionnés avec les drapeaux égyptiens.
A Alexandrie, où Moubarak semblait incapable de comprendre les demandes de son peuple, les slogans disaient : « dites-lui de s'en aller en hébreu, il ne peut pas comprendre l'arabe ».
En Syrie, les gens se demandent pourquoi les chars d'Assad ne roulent pas plutôt vers le sud [pour libérer le Golan] plutôt que sur les maisons de son propre peuple. Au Yémen, en Tunisie, au Maroc tous ces sentiments sont partagés.
Les gouvernements et les dirigeants du monde doivent commencer à accepter l'idée que la dynamique du pouvoir est aujourd'hui en train de changer, et rapidement.
La barrière de la peur qui a maintenu des millions en esclavage pendant tant d'années a été entièrement détruite, tout comme le nuage invisible du « réalisme », qui douchait tout espoir avant même qu'il soit apparu.
Les gouvernements et les dirigeants du monde doivent vraiment commencer à prendre en compte ce qui est le mieux pour leur peuple, plutôt que de vouloir gagner des points avec des lobbies et des pouvoirs qui vont bientôt s'effondrer et plus vite qu'un château de cartes.
La Grèce a la possibilité de régler sa dette morale en revenant sur sa décision, et si elle le fait, qui sait ? Cela pourrait bien être une invitation pour certains de l'aider à retrouver son équilibre économique.
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