Santiago O'Donnell
Le résultat des politiques de prévention des génocides des Nations Unies est mis en évidence en Libye. Quand les rebelles sont entrés à Tripoli cette semaine et les journalistes ont finalement pu entrer, selon eux, ils se sont trouvés avec un panorama peu encourageant. Des cadavres dans les rues. Des enfants armés de mitraillettes. Chaque quartier pauvre contrôlé par un chef militaire de couleur différente, et un « gouvernement de transition » reconnu par les puissances occidentales qui ne contrôle rien et qui est formé surtout par les mêmes types qui jusqu'à il y a quelques mois occupaient des postes importants dans le gouvernement de Khadafi. Les chefs tribaux islamistes d'Al-Qaida et les lobbyistes des compagnies pétroliers, entre autres complètent l'alliance triomphante. Khadafi en plein repli tactique, embusqué, prêt à lancer la contre-insurrection s'ils ne l'attrapent pas avant, au quel cas il a plusieurs fils préparés pour prendre sa place.
Je dis prévention de génocide parce que cela a commencé il y a six mois quand des forces de Khadafi ont ouvert le feu contre une multitude de manifestants désarmés qui avaient rempli la Place Verte [1], peu de temps après la chute de Ben Alí en Tunisie et peu de temps avant celle de Moubarak en Égypte, deux pays voisins. Parce que parfois les choses se confondent. D'abord Khadafi a tiré sur son peuple. Après la guerre civile est venue et quand les rebelles étaient assiégés, parce que Khadafi avait beaucoup de plus du matériel, et avant que le guide libyen ne pût en tirer vengeance, le bombardement de l'OTAN ont arrivé. Alors les rebelles ont été armés et l'omelette a été retournée. Aujourd'hui, les cadavres qui enlaidissent Tripoli sont ceux des mercenaires du dictateur. Un type qui un temps a su initier révolution socialiste, mais qui à un moment a perdu le cap et a fini par commettre un génocide.
Peu de temps avant de que cela arrive le professeur de l'UBA et d' Untref , Daniel Feierstein, a publié un article fondamental dans le numéro d'avril de la revue universitaire Genocide Studies and Prevention [ The Good, the Bad, and the Invisible : A Critical Look at the MARO Report rapport « payant » 13 u$s]. Il alertait sur la nécessité de changer le système de prévention des génocides pour éviter qu' arrive à nouveau ce qui était arrivé en Irak, où les doses de gaz moutarde que Saddam Hussein fournissait aux kurdes ont été remplacées par les bombes à fragmentation que les yankees ont déchargées sur toute la population irakienne. Personne ne lui a accordé le moindre intérêt et maintenant nous sommes dans de beaux draps. En Irak, au moins, les massacres de Bush et de Saddam étaient organisés. Ceux qui surviennent en Libye, par ce que l'on voit déjà, vont être un peu plus brouillons.
Sous le titre de « Le bon, le méchant et l'invisible », Feierstein a écrit que tandis que les politiques de prévention des génocides sont dans les mains du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le même organisme que les puissances utilisent pour légitimer et légaliser leurs invasions et d'autres interventions armées, alors les résultats continueront d'être les mêmes : génocide sur génocide, après génocide. C'est comme vouloir éteindre un feu avec de l'essence.
Comme alternative, le professeur a signalé l'importance de renforcer les organismes régionaux parce que les puissances arrivent, jettent leurs bombes et elles partent, tandis que les voisins les prennent sur leur tête et ils ne peuvent partir nulle part. Feierstein donne comme exemple le rôle positif que l'Unasur a joué pour freiner les menaces des putschistes en Bolivie et en Équateur et pour s'opposer au coup de Etat au Honduras, des actions qui sans doute ont servi à prévenir de possibles génocides dans la région. Bien qu'elles ne soient pas parvenues à prévenir le massacre de Pando [Ville de la Bolivie] ; ou la chasse en série de journalistes honduriens, sans l'Unasur, il est probable que la chose eût été bien pire.
le professeur, traduit de l'anglais, explique : « La politique usaméricaine pour la prévention des génocides se lit comme un conte d'enfant ou le scenario d'une production hollywoodienne Serie B. Les 'méchants' (les loups) commettent des actes horribles contre des innocents civils (les agneaux) par pure méchanceté, et peuvent être freinés seulement par les 'bons' qui portent l'uniforme de l'armée usaméricaine. Le problème est que ce point de vue ne domine pas seulement dans le discours des médias, mais il est aussi devenu populaire parmi les intellectuels. Beaucoup d'Usaméricains bien intentionnés, indignés de la souffrance humaine montrée par la télévision, lancent des appels pour que ' cesse le génocide' immédiatement, à tout prix. Et parce que les médias sont au service d'une certaine politique, elles se réfèrent aux abus des droits de l'homme au Soudan, mais non à ceux en Colombie ou au Sri Lanka. Par conséquence, cette politique extérieure basée sur le marketing de 'achète tout de suite' peut difficilement conduire vers une discussion académique sur un phénomène si complexe et contradictoire comme, est l'assassinat massif et systématique ».
Ce que le professeur dit, c'est que tandis que ce sont États-Unis qui décident qu'est-ce qu'est un génocide, il y aura des mauvais génocides méchants et de bons génocides, des génocides interdits et des génocides permis, et quand on parle de massacres des deux côtés, comme cela arrive presque toujours, tout au plus seul un côté sera puni.
« Par les énormes risques engagés par les missions des forces de paix, y compris la possibilité d'une escalade dans le conflit, la décision d'intervenir militairement ne devrait jamais être prise par une seule nation (et j'ajoute : ni par trois ou quatre), ni même par les États-Unis. Seules les organisations régionales ont la légitimité et l'autorité pour prendre des telles décisions », écrit-il.
Si l'on regarde le cas de la Libye depuis ici [Argentine] surgit donc, l'importance de l'Unasur, née de l'opportunité et du talent de la génération dorée de présidents latinoaméricains. Le professeur suit : « Pendant la période de la Guerre Froide l'Amérique Latine a été dévastée par des dictatures militaires appuyées direct ou indirectement par le Département de l'État des États-Unis. Depuis ce temps-là, les pays de la région se sont embarqués dans le processus de reprise du pouvoir politique et de la réorganisation régionale. L'une des institutions qui a émergé de ce processus fut l'Union des Nations Sudaméricaines, formée par douze nations latinoaméricaines. Étonnamment l'Unasur n'est pas mentionnée dans le rapport MARO (le rapport annuel de Nations Unies sur des Opérations en Réponse aux Atrocités Massives), dans lequel figure un seul organisme régional, l'Union Africaine ». Unión Africana ».
Le défi reste posé.
Página 12 . Le Buenos Aires, le 28 août 2011.
Notes[1] l'auteur se trompe la révolte commence à Benghazi et la place Verte se trouve à Tripoli