K. Habib - Le Quotidien d'Oran
Sarkozy et Cameron ont été à Tripoli pour s'assurer auprès des nouvelles autorités libyennes que le deal contracté entre eux contre le régime déchu sera respecté dans ses clauses dont il n'a pas été fait état publiquement.
La visite commune précipitée de Sarkozy et de Cameron en Libye, alors que la situation dans ce pays est loin de s'être décantée, a eu le relent d'un marquage de territoire. Les deux hommes d'État occidentaux ont eu beau, la main sur le cur, affirmer que leurs États respectifs ne nourrissent pas de visées mercantiles sur la Libye libérée de Kadhafi et de son régime, ils laissent sceptiques ceux qui ont fait lecture d'une telle considération derrière l'activisme fébrile diplomatique et militaire de ces deux puissances dans la crise libyenne.
Sarkozy et Cameron ont été à Tripoli pour s'assurer auprès des nouvelles autorités libyennes que le deal contracté entre eux contre le régime déchu sera respecté dans ses clauses dont il n'a pas été fait état publiquement. Subsidiairement, leur visite consistait à adouber le plus spectaculairement possible la frange du nouveau pouvoir libyen avec laquelle ce deal a été passé. Frange qui a bien besoin du sponsoring des deux puissances ayant été à la pointe de l'intervention internationale en Libye face à d'autres n'ayant pas les même parrains internationaux. Il apparaît en effet qu'avant même qu'ait cessé la confrontation entre le nouveau régime et les partisans de l'ancien, une lutte de pouvoir s'est engagée dans les rangs du premier. Une bataille que les favoris de la France et de la Grande-Bretagne ne sont pas assurés de remporter sans leur appui. Paris et Londres ont donc décidé de le leur manifester sous la forme de la visite précipitée, empressée et commune de leurs deux chefs d'État.
Sur le terrain même, les hommes liges de Paris et de Londres sont cependant loin d'être en position de force dans les nouvelles instances dirigeantes que s'est données la rébellion libyenne maintenant triomphante. Il ne suffit pas à Sarkozy et à Cameron d'avoir adoubé les hommes sur qui ils ont misé dans la crise libyenne pour que ceux qui, dans ces nouvelles instances dirigeantes leur disputent la prépondérance dans celles-ci, acceptent de reconnaître leur autorité. Par ailleurs, d'autres puissances ayant peu ou prou soutenu la rébellion anti-Kadhafi ne sont pas disposées à laisser la France et à la Grande-Bretagne capitaliser à leurs profits exclusifs les perspectives économiques qu'ouvre la Libye post-kadhafienne. Elles aussi vont s'ingérer dans la recomposition qui s'opère dans le nouveau pouvoir Libyen.
Ce n'est pas pur hasard qu'un haut fonctionnaire du Secrétariat d'État américain a effectué une discrète visite à Tripoli la veille même de l'arrivée en Libye de Nicolas Sarkozy et du Premier ministre britannique. De même que la venue en Libye, peu après leur départ, du Premier ministre turc Recip Tayyep Erdogan. D'autres émissaires étrangers vont se bousculer à Tripoli. En ce temps de crise financière et économique, les ressources énergétiques de la Libye, la manne financière dont elle dispose ont des attraits irrésistibles qui justifient pour ceux qui les lorgnent qu'ils pactisent avec le diable en Libye, si besoin est, pour en capter le maximum.
Alors, si la France et la Grande-Bretagne escomptent avoir les mains libres pour instaurer en Libye un pouvoir acquis à leur condominium sur le pays, ils vont déchanter devant la voracité de ceux pour qui cette prétention est inacceptable pour leurs intérêts nationaux. Les vautours sont déjà à l'uvre en Libye.
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