Le Représentant Permanent de la Syrie auprès des Nations Unies, Bachar al-Ja'fari, a prononcé un discours devant le Conseil de sécurité de l'ONU le 14 avril 2018, après que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont mené des frappes unilatérales contre la Syrie.
Transcription:
Merci, Monsieur le Président.
Je me félicite de la présence du Secrétaire Général aujourd'hui, en ces moments très importants de l'histoire et des travaux du Conseil de sécurité. Le Secrétaire Général, dans sa déclaration d'hier, a averti que la guerre froide était de retour. C'est parfaitement juste. Nous sommes tous d'accord avec l'exactitude de cette déclaration. Il est important de rappeler, à cette occasion, qui sont ceux qui ont relancé la philosophie de la guerre froide.
Nous nous souvenons bien sûr qu'après l'effondrement de l'ex-URSS, un livre philosophique de Francis Fukuyama a été publié ici (aux Etats-Unis), intitulé La Fin de l'Histoire. Et un autre penseur américain, Samuel Huntington, a écrit Le Choc des civilisations. Ces deux livres ont fondé le retour de la philosophie de la guerre froide. En effet, l'essentiel de ces deux livres énonçait ceci: « Peuples du monde, soit vous suivez la voie tracée par les États-Unis et vous vous soumettez à sa volonté, soit nous vous attaquons. » Comme le dit le dicton américain: « My way or the highway » (Obéis ou expose-toi à des conséquences fâcheuses). Ainsi, la philosophie et l'atmosphère de la guerre froide sont réapparues.
Les mensonges sont inutiles, Mesdames et Messieurs. Les mensonges sont vains. Ils peuvent être utiles au menteur une seule fois. Nous ne pouvons être trompés par un mensonge qu'une seule fois. Mais quand le mensonge est répété, ce mensonge est exposé comme tel et révèle le menteur aux yeux de tous.
Mon collègue, le Représentant de la France, a annoncé que leur agression, aux côtés du Royaume-Uni et des États-Unis, a été menée au nom de la communauté internationale. C'est ce qu'il a dit (en français) : « La communauté internationale. » Je me demande de quelle communauté internationale le représentant français parle. Parle-t-il d'une communauté internationale qui existe réellement? Cette communauté internationale que vous représentez a-t-elle autorisé cette agression tripartite contre mon pays? Vos trois gouvernements ont-ils reçu un mandat du Conseil de sécurité pour attaquer mon pays ?
Mes collègues américains, français et britanniques ont affirmé avoir bombardé des centres de production d'armes chimiques en Syrie. C'est ce qu'ils ont dit. Si les gouvernements de ces trois pays connaissaient l'emplacement effectif de ces centres de production qu'ils prétendent avoir bombardés, pourquoi n'ont-ils pas partagé ces informations avec l'OIAC (Organisation pour l'Interdiction des Armes chimiques) ? Pourquoi n'ont-ils pas partagé cette information avec la mission d'enquête présente à Damas avant d'attaquer mon pays ? C'est une question.
En passant, je tiens à vous assurer que le groupe d'experts de l'OIAC est arrivé aujourd'hui à midi. Et bien sûr, leur voyage de Beyrouth à Damas a pris une journée entière de plus que prévu, et nous ne connaissons pas les raisons de ce retard, jusqu'à ce que l'attaque ait eu lieu. C'est comme si quelqu'un s'était assuré que cette équipe d'enquêteurs n'atteindrait pas Damas hier, avant que l'agression n'ait lieu, dans l'attente qu'elle se produise. Mais la délégation est arrivée à Damas aujourd'hui à midi et, comme elle l'a demandé, elle tiendra une réunion consultative dans deux heures, à 19 heures, avec la partie syrienne. Mon gouvernement apportera tout son soutien à cette délégation pour qu'elle puisse mener à bien sa mission.
Le bâtiment du centre de recherche de Barzeh qui a été visé par cette agression tripartite, ce bâtiment même a été visité deux fois l'année dernière par des experts de l'OIAC. Le bâtiment a été minutieusement fouillé. Et ils nous ont remis un document officiel indiquant qu'il n'y avait pas d'activités chimiques dans ce centre et que la Syrie avait respecté ses obligations vis-à-vis de l'OIAC. Maintenant, si les experts de l'OIAC nous ont remis l'année dernière un document officiel qui confirme que ce centre, le centre de recherche de Barzeh, n'avait aucune activité chimique contraire à nos obligations vis-à-vis de l'OIAC, comment conciliez-vous ce fait avec les accusations que nous avons entendues aujourd'hui, selon lesquelles cette agression visait un centre de production d'armes chimiques ?
La collègue des États-Unis a déclaré que le temps de la discussion avait pris fin hier. Le temps de la discussion était terminé. Alors, que faisons-nous aujourd'hui en tant que diplomates et ambassadeurs dans ce Conseil de sécurité ? Notre mission ici est de parler, d'expliquer ce qui se passe, de faire la lumière sur les problèmes. Nous ne sommes pas ici au Conseil de sécurité pour justifier une agression contre tel ou tel pays. Comment pouvons-nous déclarer que la discussion est terminée ? La discussion ne se termine jamais pour les diplomates au Conseil de sécurité si l'objectif est de prévenir une agression et de mettre en œuvre la Charte des Nations Unies et les principes du droit international.
Les collègues britanniques et français ont parlé d'un plan d'action et ont invité le Secrétaire Général à le mettre en œuvre, avant même que le Conseil de sécurité et le gouvernement syrien ne l'aient accepté. Et les étapes de leur plan sont vraiment surprenantes et étonnantes. Je voudrais pour ma part présenter un contre-plan d'action au nom de mon gouvernement, destiné aux trois agresseurs, et qu'ils devraient mettre en œuvre aujourd'hui même. Nous considérons que cela aurait dû être le plan d'action pour aujourd'hui.
Tout d'abord, lire les dispositions de la Charte des Nations Unies afin d'établir la responsabilité de ces trois États dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, plutôt que dans la menace et la destruction de celles-ci. J'ai apporté trois versions de la Charte, deux en anglais et une en français. Peut-être que ces États auraient avantage à relire ce que dit la Charte.
Deuxièmement, ces trois États devraient immédiatement cesser de soutenir de quelque manière que ce soit les groupes terroristes armés dans mon pays. Immédiatement.
Troisièmement, mettre fin aux mensonges et à la fabrication d'allégations pour justifier l'agression continue de ces trois États contre mon pays, la Syrie.
Quatrièmement, ces trois pays devraient se rendre compte qu'après sept années de guerre terroriste imposée à mon pays, la Syrie, une guerre menée par ces pays et leurs instruments dans la région, leurs missiles, leurs navires de guerre et leurs avions ne nous affaibliront pas ni ne briseront notre volonté et notre détermination à vaincre votre terrorisme, et ils n'empêcheront pas notre peuple syrien de décider par lui-même de son propre avenir politique, sans aucune ingérence étrangère. Nous le répétons pour la millième fois : nous ne laisserons aucune interférence étrangère façonner notre avenir. Je vous ai promis hier que nous ne resterions pas inactifs contre toute agression, et le gouvernement syrien a tenu sa promesse. Et je vais vous expliquer de quelle manière le gouvernement syrien a tenu sa promesse.
Permettez-moi maintenant de m'adresser aux membres qui sont réellement attachés au droit international en leur disant que la République Arabe Syrienne, ses alliés et ses amis, et ils sont nombreux, sont parfaitement capables de faire face à l'agression brutale que mon pays a subie ce matin. Ce que nous vous demandons aujourd'hui, aux diplomates et ambassadeurs attachés à la légitimité internationale et à la Charte des Nations Unies, est de demander aux Etats-Unis, à la Grande-Bretagne et à la France de lire les dispositions de la Charte des Nations Unies concernant la protection de la souveraineté des Etats et le non-recours à la force dans les relations internationales. Et peut-être que les gouvernements de ces trois pays se rendront compte, ne serait-ce qu'une fois, que leur rôle dans ce Conseil est de maintenir la paix et la sécurité internationales plutôt que de les saper. Comme je viens de le dire, j'ai trois exemplaires de la Charte. Je demande au Secrétariat de les distribuer aux trois délégations afin qu'ils puissent éclairer leur ignorance et leur tyrannie.
Monsieur le Président, en violation flagrante du droit international et des lois et principes des Nations Unies, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, à 3h55 ce matin, le samedi 14 avril 2018, heure de Damas, ont mené une agression abjecte contre la République Arabe Syrienne. Cette agression s'est élevée à environ 110 missiles lancés contre le territoire de la République Arabe Syrienne, à Damas, la capitale, et dans d'autres villes et régions. 110 missiles.
En réponse à cette agression brutale, la République Arabe Syrienne a exercé ses droits légitimes à se défendre garantis par l'article 51 de la Charte des Nations Unies et a repoussé cette agression inique. Les défenses aériennes syriennes ont fait face aux missiles des agresseurs tripartites et ont réussi à en intercepter un certain nombre, même si certains d'entre eux ont effectivement touché le centre de recherche de la région de Barzeh dans la capitale Damas (non pas à l'extérieur mais bien à l'intérieur de la capitale), un centre de recherche incluant des laboratoires. Heureusement, les dommages ont été seulement matériels. Certains des missiles « beaux, nouveaux et intelligents » qui visaient une installation militaire près de la ville de Homs ont été détournés. L'explosion de l'un d'eux a blessé trois civils.
Les gouvernements de trois États avaient préparé le terrain pour leur agression brutale par des déclarations hostiles de leurs plus hauts fonctionnaires affirmant que leur seule excuse pour entraver les progrès de l'Armée Arabe Syrienne contre les groupes armés terroristes serait l'utilisation d'armes chimiques. Et effectivement, les signaux de ces agresseurs sont parvenus aux groupes armés, et dans une course contre la montre, ces groupes ont présenté cette mascarade d'utilisation d'armes chimiques à Douma. Ils ont utilisé de faux témoins, créé une fausse scène de la pseudo-attaque, comme ils l'ont fait auparavant, et ont ainsi fourni le prétexte à cette agression brutale, qui ne peut s'expliquer que par le fait que les agresseurs, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, ont décidé d'intervenir directement afin de venger la défaite de leurs proxies terroristes dans la Ghouta.
À propos, Mesdames et Messieurs, ceux qui ont mis en scène la mascarade d'attaque chimique à Ghouta ont été capturés et ont admis devant des caméras qu'ils avaient fabriqué toute l'histoire du début à la fin. Nous avons cet enregistrement et nous sommes prêts à le fournir à la Présidence de l'ONU si elle le souhaite.
Mesdames et Messieurs, je voudrais attirer l'attention de ceux d'entre vous qui sont attachés au droit international et à la Charte des Nations Unies sur le fait que cette agression flagrante transmet un nouveau message des trois agresseurs aux groupes terroristes en leur disant de continuer à utiliser des armes chimiques à l'avenir et de commettre leurs crimes terroristes, non seulement en Syrie mais aussi dans d'autres pays. Il n'y aucun doute à ce propos.
Dans 146 lettres, nous avons attiré votre attention sur la possession d'armes chimiques par les groupes terroristes et sur leurs plans de les utiliser en Syrie. 146 lettres sont entre vos mains et entre les mains des institutions internationales. Certains essaient aujourd'hui de réinventer la roue et de déterminer le sexe des anges. Vous savez tous, Mesdames et Messieurs, que cette agression a eu lieu au moment où une équipe d'enquête de l'OIAC était censée arriver en Syrie à la demande du gouvernement de mon pays pour enquêter sur l'attaque chimique présumée de Douma. Donc, en un mot, le message principal que ces trois pays adressent à vous et au monde entier est qu'ils se moquent complètement de votre autorité en tant que membres du Conseil de sécurité, et qu'ils ne veulent pas d'une enquête transparente et indépendante. Ils font des efforts pour saper le travail de l'équipe d'enquête et préjugent ses conclusions, faisant pression sur les experts pour qu'ils couvrent leurs mensonges et leurs fabrications et ne les exposent pas, comme cela s'est produit il y a six ans en 2013 avec le Dr. Sellström entre Damas et Khan al-Assal, comme je vous l'ai expliqué dans une déclaration précédente.
Comme l'a dit mon cher ami l'ambassadeur de la Bolivie, il s'agit d'une attaque contre la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité et le droit international, une attaque contre 193 États membres des Nations Unies. Les efforts de Washington, Londres et Paris pour faire échouer la mission d'établissement des faits de l'ONU correspondent à une pratique historique continue, en dépit du fait que ces trois pays continuent d'affirmer pompeusement leur prétendu soutien à de telles institutions internationales. Dans le même temps, au sein des Nations Unies, ils ont recours à des pressions politiques et à des provocations derrière des portes closes afin d'empêcher l'ONU d'accomplir ses missions. Ils s'efforcent de faire dévier l'ONU de son mandat et des objectifs pour lesquels elle a été fondée.
Nous rappelons ce qui est arrivé à toutes les missions d'enquête qui étaient responsables de l'Irak, de la Libye, de la Yougoslavie et de l'Afrique. Aucune mission d'enquête ne peut jamais réussir tant qu'elle est soumise à des provocations, à du chantage et à des pressions politiques. C'est impossible.
Aux trois agresseurs, je dis que vous êtes des imposteurs, des hypocrites et des menteurs. Vous luttez pour l'échec de toute action de l'ONU qui ne poursuit pas vos intérêts. Depuis que l'ONU a été fondée, vous avez continué à essayer d'exploiter et d'obscurcir toutes les entreprises et les réalisations des institutions internationales. L'histoire des missions d'enquête et d'établissement des faits en Irak, en Yougoslavie, en Libye, en Syrie et en Afrique témoigne du fait que ce que vous dites est très différent de ce que vous faites. Vous avez épuisé les agendas du Conseil de sécurité pendant des décennies, en le détournant de son rôle visant à établir la paix et la sécurité dans le monde, et en faisant un instrument dans la poursuite de vos politiques agressives de colonialisme et d'ingérence.
Hier soir, Monsieur le Président, le titre principal des médias américains et occidentaux était la diffusion de mensonges et de duperies exercée dans le cadre d'une campagne de désinformation déjà exercée par le passé, et destinée à promouvoir une fausse victoire et des succès illusoires. Ils savent très bien que ce ne sont que des mensonges.
Pendant que ces trois gouvernements commettaient leur agression brutale contre mon pays, la Syrie, notre système de défense aérienne l'a contrée avec une grande expertise, en interceptant ces 100 missiles et en empêchant la plupart d'entre eux d'atteindre leur cible. En même temps, le ministre américain de la Défense, aux côtés du Commandant des forces américaines et de l'agression, se tenait à la tribune d'une mise en scène vraiment étonnante par son niveau de mensonges et de distorsions de la réalité. Comme vous l'avez tous vu hier, ils sont restés incapables de répondre aux questions factuelles pour lesquelles l'opinion mondiale attend une réponse.
Moi-même, avec des millions de téléspectateurs, j'ai eu pitié d'eux pendant ce spectacle, debout comme deux élèves honteux, répétant des phrases dénuées de sens qui ne répondaient pas aux questions d'un journaliste qui essayait de clarifier les faits quant à cette frappe contre des cibles soi-disant pleines d'armes chimiques et les grands dangers que cela représenterait pour les civils à cause de la propagation et de l'évaporation de ces substances alléguées. Il n'y a pas eu de réponse. Et ils ont également été incapables de répondre à un autre journaliste qui a demandé au ministre américain de la Défense, et je cite: « Vous avez dit hier sur cette plateforme que vous n'aviez aucune preuve que le gouvernement syrien avait lancé cette attaque chimique à Douma. Qu'est-ce qui s'est donc passé ces dernières heures ? Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ? »La réponse fut que dans les quelques heures qui précédèrent, il avait reçu une confirmation des services de renseignement.
La République Arabe Syrienne condamne avec la plus grande fermeté cette agression tripartite entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, qui démontre indubitablement qu'ils n'ont aucun respect pour le droit international, même s'ils en parlent constamment, à plusieurs reprises, menteurs et calomniateurs qu'ils sont. Ces pays ont montré leur foi dans la (seule) loi de la jungle et la logique de la force, alors qu'ils occupent des sièges permanents au Conseil de sécurité, étant chargés par les États membres des Nations Unies de la responsabilité fondamentale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, et d'arrêter toute agression conformément aux principes et à la Charte des Nations Unies.
La Syrie est dégoûtée de la position honteuse des dirigeants de l'Emirat du Qatar qui ont soutenu cette agression colonialiste occidentale tripartite contre la Syrie, et ont permis à sa lave d'être lancée à partir de la base aérienne américaine d'Al-Udeid au Qatar. Il n'est pas surprenant que les gamins qui dirigent l'émirat du Qatar prennent cette position, car ils ont soutenu les bandes terroristes des Frères musulmans et d'autres de diverses manières, afin de briser la stabilité des pays arabes, en particulier la Syrie.
La République Arabe Syrienne demande à la communauté internationale, si elle existe bel et bien - nous avons entendu une nouvelle définition de la communauté internationale aujourd'hui -, et au Conseil de sécurité de condamner fermement cette agression, qui ne fera qu'aggraver les tensions dans la région et dans le monde et constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales.
Mesdames et Messieurs, ceux d'entre vous qui sont attachés au droit international, je vous invite à imaginer avec moi la scène de la réunion qui s'est tenue hier au Conseil de sécurité américain durant lequel ils ont décidé d'attaquer la Syrie. Voilà ce que j'imagine qu'ils se sont dit : « Nous n'avons aucune base légale pour une frappe militaire contre la Syrie. Nous n'avons aucune preuve qu'une attaque chimique ait même eu lieu à Douma. Mais mettons tout cela de côté, car nous n'avons jamais eu besoin, dans aucune des actions militaires que nous avons menées, de recourir au droit international ou à tout prétexte légal. » Puis ils continuent à se parler, c'est comme ça que j'imagine la réunion d'hier : « Cette attaque militaire est nécessaire pour nous et nos alliés, afin que l'opinion publique de nos pays puisse être détournée des scandales de nos politiciens, et pour que les dirigeants corrompus de certains pays du Golfe paient la facture de cette agression. Et surtout, pour que nous protégions le terrorisme que nous avons nourri pendant des années en Syrie. »
Merci, Monsieur le Président.
Traduction : sayed7asan.blogspot.fr