médias

 Mobilisations du 17 novembre : ce que proposent la gauche et les mouvements sociaux

 Gilets jaunes : nous sommes le peuple

 De la crise symbolique à la crise politique

 Live: France - Gilets jaunes: Nouvelle journée de tensions à Paris

 Gilets jaunes: l'aventure continue

 France/gilet jaunes: mobilisation modérée pour l' » acte 5 » à Paris

 Acte 6 des Gilets jaunes : une diversion organisée à Versailles ?

 Acte 7 des Gilets jaunes : une mobilisation bien plus forte en province qu'à Paris

 Acte 8 des Gilets jaunes : après les vœux de Macron, première mobilisation de 2019 (En Continu)

 Acte 9 : les Gilets jaunes se mobilisent partout en France (En Continu)

 Acte 10 des Gilets jaunes : une mobilisation sur fond de Grand débat national

 Acte 11 : les Gilets jaunes poursuivent leur mobilisation (En Continu)

 Gilets jaunes : un acte 12 en hommage aux blessés et aux victimes (En Continu)

 Acte 13 : les Gilets jaunes à nouveau dans les rues aux quatre coins de la France (En Continu)

 Acte 14 : après trois mois, la mobilisation des Gilets jaunes se poursuit (En Continu)

 Gilets jaunes : un acte 15 marqué par un rebond ? (En Continu)

 Acte 16 : des Gilets jaunes se rassemblent partout en France (En Continu)

 Acte 17 des Gilets jaunes : le maire d'une petite commune prend un arrêté interdisant les Lbd

 Gilets jaunes : un acte 18 pour marquer une nouvelle phase de la mobilisation (En Continu)

 La mission Sentinelle mobilisée et renforcée pour la prochaine manifestation des Gilets Jaunes

 Gilets jaunes : un acte 19 à haut risque (En Continu)

 Acte 20 des Gilets jaunes : Bordeaux au coeur de la mobilisation ? (En Continu)

 Acte 21 : les Gilets jaunes poursuivent leur mobilisation (En Continu)

 Acte 22 : situation tendue à Toulouse, manifestations dans le calme à Paris (En Continu)

20/04/2019 les-crises.fr  7min #155089

 Acte 22 : situation tendue à Toulouse, manifestations dans le calme à Paris (En Continu)

Thomas Legrand (France Inter) se lâche sur les gilets jaunes.par Frédéric Lemaire

Source :  ACRIMED, Frédéric Lemaire, 22-02-2019

Lundi 11 février, Thomas Legrand était l'invité de  24h Pujadas sur LCI. L'éditorialiste politique de France Inter y a livré une prestation d'une suffisance et d'une morgue sans pareilles. Son appréciation du mouvement des gilets jaunes ? « Incohérent », « débile », « abject » et bien sûr « violent ». Morceaux choisis.

Ce jour-là sur le plateau de LCI, à l'exception de la chroniqueuse Rokhaya Diallo, tout le monde semblait d'accord pour condamner doctement le mouvement des gilets jaunes : depuis Dominique Seux, des Échos et de France Inter, à Eugénie Bastié du Figaro, en passant par l'animateur, David Pujadas. Mais c'est bien Thomas Legrand, éditorialiste politique à France Inter, qui s'est illustré par le mépris et la suffisance de ses interventions.

A commencer par cette première sortie, fulgurante :

Il y a dans le mouvement des gilets jaunes une incapacité à s'exprimer, une incapacité à hiérarchiser ses revendications, une incapacité à dire ce qu'ils veulent. Et quand on ne peut pas exprimer ce qu'on veut dire, on finit par taper. Les enfants, c'est comme ça - je ne veux pas infantiliser les gilets jaunes - mais nous-mêmes, quand on engueule nos enfants et qu'on en a marre, qu'on n'arrive plus à exprimer, on se met... à donner une petite tape.

Sourires gênés autour du plateau ; Dominique Seux rappelle tout de même à son collègue de France Inter qu'il n'a pas le droit de « donner des petites tapes ». Ce dernier fait la moue, visiblement pas convaincu. Il s'apprête à poursuivre quand David Pujadas lui fait remarquer qu'avec les réseaux sociaux, « jamais il n'y a eu autant de canaux pour s'exprimer ». Thomas Legrand corrige donc le tir : « pour s'exprimer, pour parler et faire du bruit, oui, mais pour dire quelque chose de cohérent... »

On progresse : les gilets jaunes savent donc s'exprimer, mais pas pour dire « quelque chose de cohérent ». L'éditorialiste met d'ailleurs au défi les autres invités de lui donner les revendications des gilets jaunes (« à part le referendum d'initiative citoyenne » précise-t-il). Flottement sur le plateau, Eugénie Bastié évoque « la dénonciation des violences policières ». Mais Thomas Legrand ne l'entend pas et conclut, triomphant : « Voilà : quand on n'arrive pas à s'exprimer, quand on n'arrive pas à parler, on tape ». Une conclusion « cohérente » s'il en est.

Puis David Pujadas s'interroge : « mais pourquoi on n'arrive pas à s'exprimer ? » L'éditorialiste de France Inter n'en démord pas : « A partir du moment où vous rejetez les élites, les intermédiaires, où vous ne voulez pas vous élire des représentants [...] le mouvement est vain, et vous n'avez plus rien à dire et vous tapez ». Pour ceux qui n'auraient pas compris... Mais Thomas Legrand n'en reste pas là. Il se lance dans une seconde analyse d'une finesse toute aussi remarquable, et qui mérite d'être citée in extenso :

Les gilets jaunes savent dire non ensemble - et c'est pour ça qu'on retrouve l'extrême-droite et l'extrême-gauche. L'extrême-droite et l'extrême-gauche disent non ensemble, mais ils savent dire oui - l'extrême-gauche et l'extrême-droite - dans leur pré carré. Mais quand ils sont ensemble ils ne peuvent pas dire oui ; puisque oui ensemble, ce serait incohérent.

Mais oui c'est clair ! A ce stade, le téléspectateur doit s'accrocher car le long monologue de Thomas Legrand est loin d'être terminé :

Il y a, en plus, une instrumentalisation des groupes d'extrême-gauche et des groupes d'extrême-droite. L'extrême-droite et l'extrême-gauche rêvent de l'insurrection depuis très longtemps ; ils préfèrent d'ailleurs l'insurrection au contenu de l'insurrection - ils s'en foutent un peu du contenu de l'insurrection ; et comme ils rêvent de l'insurrection et qu'ils voient qu'il y a un ferment d'insurrection, ils vont dans ces manifestations, ils mettent des gilets jaunes, et ils essaient de coloniser pour eux-mêmes, pour l'extrême-droite et pour l'extrême-gauche, la manifestation. Il y a des mots d'ordre à l'extrême-gauche qui disent « il faut y aller » parce qu'il ne faut pas laisser ce mouvement, qui pouvait au début tomber vers l'extrême-droite ; et c'est pour ça qu'ils se réunissent, et ils se tapent dessus ; et en ce moment c'est l'extrême-gauche qui est plutôt en train de gagner sur l'extrême-droite.

Tout y est : le simplisme, les raccourcis, les généralités de café du commerce... Bref : l'analyse politique pour les nuls. Mais c'est dans un troisième temps que Thomas Legrand va révéler l'étendue de son mépris pour les gilets jaunes. Répondant à la question « peut-on critiquer les gilets jaunes ? », il s'en prend avec virulence à ceux qu'il identifie comme les « leaders » du mouvement, Eric Drouet et Maxime Nicolle :

Leurs propos sont absolument débiles. C'est-à-dire qu'ils sont incommentables. Moi je me penche sur leurs textes, sur ce qu'ils disent, et là il ne s'agit pas d'orthographe, il s'agit du contenu : c'est débile. Ça n'a ni queue ni tête, ils ne finissent pas leur phrase et ça n'a aucun sens, c'est passablement conspirationniste, donc ils sont totalement critiquables, ils sont même méprisables. On devrait arrêter de les inviter, ceux-là en tout cas.

Et de conclure, un cran supplémentaire dans l'injure :

La gilet jaune, assistante sociale, qui n'arrive pas à joindre les deux bouts et qui est encore sur son rond-point, celle-là, il y a forcément une part de sympathie, et ces pourcentages de soutien qui vont vers elle... Mais sinon d'un point de vue politique c'est abject, ça devient abject. C'est violent et sans sens, donc voilà.

Et en la matière, c'est peu dire que Thomas Legrand s'y connaît.

***

La vacuité et la virulence des « analyses » du chroniqueur politique de France Inter n'illustrent pas seulement la morgue décompléxée des éditocrates à l'encontre des gilets jaunes - qui ne daignent toujours pas rentrer dans le rang après des mois de mobilisations. Elles témoignent également de la hauteur d'analyse des éditorialistes auxquels France Inter (radio du service public qui se présente pourtant comme « différente ») ouvre ses micros. Qui n'a en réalité rien à envier à celle des éditocrates habitués des plateaux de CNews, de BFM-TV ou de LCI.

Frédéric Lemaire


Acrimed est une association dont l'activité repose sur le soutien de nos lectrices et lecteurs, sympathisant·es et adhérent·es. C'est pourquoi nous faisons  appel à vous pour exister et poursuivre notre engagement !

Source :  ACRIMED, Frédéric Lemaire, 22-02-2019

 les-crises.fr