© Boris Horvat Source: AFP
Le quotidien Le Monde s'est procuré la réponse française aux critiques de l'ONU sur l'usage excessif de la force, lors des manifestations de Gilets jaunes. Le gouvernement y justifie longuement l'usage d'armes de «force intermédiaire» dont le LBD.
Mise en cause par l'Organisation des Nations unies (ONU) pour son «usage violent et excessif de la force» lors de manifestations des Gilets jaunes, la France a répondu le 11 avril, par le biais de sa mission permanente à Genève. Le journal Le Monde s'est procuré le texte argumentaire de 21 pages, auquel ont été jointes des notes du ministère de l'Intérieur et de la Justice.
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Le gouvernement insiste sur les conditions «particulièrement difficiles» auxquelles ont été soumis les policiers et les gendarmes mobilisés : «Ces manifestations ont été marquées par des violences graves commises par certains manifestants, à l'encontre des forces de l'ordre, des journalistes présents ou d'autres personnes.» Et de faire valoir : «Il faut également souligner que des propos, inscriptions et agressions à caractère raciste, antisémite ou homophobe ont été constatés au cours ou en marge des mobilisations.»
Selon Le Monde, l'argumentaire défendu par la France dans ce texte est le suivant : le cadre légal applicable aux mobilisations n'est plus celui de la «manifestation» mais celui de «l'attroupement», c'est-à-dire «une manifestation qui a dégénéré dans la violence».
C'est ainsi que se retrouve justifié le recours massif aux «armes de force intermédiaire» dont les grenades lacrymogènes, les grenades de désencerclement et les fameux lanceurs de balles de défense (LBD) auxquelles quatre pages sont consacrées : «A aucun moment le LBD n'est utilisé à l'encontre de manifestants, même véhéments, si ces derniers ne commettent pas de violences physiques, notamment dirigées contre les forces de l'ordre ou de graves dégradations. Mais alors il ne s'agit plus de manifestants, mais de participants à un attroupement violent et illégal.»
Des cas de «mésusages» des LBD
Les nombreuses blessures et mutilations qu'ont entraînées des tirs de LBD ne sont pas mentionnées dans le document destiné à l'ONU, selon Le Monde, mais de possibles dérapages sont néanmoins évoqués à mots couverts : «Si des cas de mésusages sont toujours malheureusement possibles, [...] ils ne sauraient remettre en cause l'utilisation régulière de cette arme en cas de nécessité.»
Sans les citer explicitement, le gouvernement français appelle à laisser faire la justice dans les affaires qui ont vu des personnes blessées par des tirs de LBD : «Tant que les enquêtes en cours n'auront pas abouti, il n'est pas possible de déterminer, à ce jour, si les personnes blessées par des tirs de LBD l'ont été dans une situation justifiant le recours à cette arme, avec les conséquences malheureuses qui s'y attachent, ou dans une situation d'usage abusif, critiquable.»
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Pour le gouvernement français, l'usage des armes intermédiaires «a permis de contenir cette violence sans retenue et d'éviter des morts tant dans les rangs des forces de l'ordre que dans les rangs des émeutiers».
Il nie cependant toute utilisation de «liquides incapacitants», démentant «formellement l'existence d'une telle arme», comme l'avait affirmé certaines sources.
Le 6 mars, dans un discours prononcé devant le Conseil des droits de l'homme à Genève, le Haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU Michelle Bachelet avait déclaré : «Nous encourageons le gouvernement [français] à poursuivre le dialogue et demandons urgemment une enquête approfondie sur tous les cas rapportés d'usage excessif de la force.»
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