Par Will Morrow
29 mai 2019
Dimanche, jour du scrutin des élections européennes, Facebook a gelé la page du plus grand groupe associé aux manifestations des gilets jaunes en France, avec plus de 350.000 membres. Les membres ne pouvaient pas y publier ou partager des informations.
Ses membres l'utilisent pour organiser des manifestations des gilets jaunes contre le gouvernement Emmanuel Macron. Le groupe, baptisé «La France en colère Carte des rassemblements», sert aussi pour partager des articles de presse, des déclarations politiques et des vidéos sur la violence policière.
Dimanche à 12 h 29, l'un des administrateurs du groupe a affiché un avis qui informait les membres de l'arrêt. Il a dit: «Suite aux mises à jour automatiques de Facebook datant du 6 mai 2019, les notifications des groupes Gilets jaunes n'apparaissent quasiment plus donnant comme une impression d'inactivité du mouvement». Le message donnait des instructions aux membres pour qu'ils annulent manuellement les modifications apportées par Facebook afin d'afficher les notifications de nouvelles activités.
Les administrateurs ont en outre annoncé que «Nous vous informons que nous rencontrons d'importantes difficultés techniques depuis ce matin», sans fournir d'autres informations. «nous ne parvenons pas à trouver de solution durable pour le moment. Nous prenons donc la délicate décision de mettre le groupe à l'arrêt. Nous espérons un rétablissement de la situation en fin de soirée.» Le gel a duré jusqu'aux petites heures du matin d'avant-hier.
Dans un groupe Facebook, chaque membre peut poster du matériel dans le flux du groupe, qui est visible pour tous les autres membres. De nombreux membres du groupe ont posté des commentaires en réponse à l'annonce qui s'est opposée à l'acte de censure de Facebook. Certains ont dit qu'ils étaient en mesure d'ajouter des commentaires aux messages existants, mais qu'ils ne pouvaient pas publier ou partager des messages.
«En fait, j'ai fait le changement comme indiqué parce que cela semblait que personne ne faisait de commentaires. Vive la censure de Facebook!» a-t-il dit, un membre. «Je suis sûr que Facebook perturbe intentionnellement ce groupe», a-t-il dit, un autre. «Impossible de publier et donc d'informer», a répondu un tiers.
D'autres ont souligné la récente visite du PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, au président Macron, le 10 mai. «Depuis la visite du PDG de Facebook avec Macron, je ne reçois qu'un très petit nombre de notifications de la page dans mon fil d'actualité», a écrit un autre. «La Dictature, et ce n'est pas par hasard que Macron a rencontré le directeur de Facebook. La Dictature».
Ni les administrateurs du groupe ni Facebook n'ont publié aucune autre information quant aux restrictions concernant ses notifications et ses messages. C'est toutefois inconcevable que des mesures prises par Facebook pour restreindre l'information sur le groupe des gilets jaunes puissent être prises sans la participation et l'apport directs du gouvernement Macron.
Le gouvernement Macron et d'autres grands États européens ont profité des élections de l'Union européenne (UE) pour intensifier leur collaboration avec Facebook. Leur but était de censurer le réseau des médias sociaux, sous la bannière de la lutte contre les «fausses nouvelles» et les contenus «polarisants».
Il s'agit là d'une caractéristique essentielle de la lutte contre la croissance des grèves, des manifestations et d'autres formes d'opposition sociale dans la classe ouvrière, qui sont de plus en plus organisées en ligne. Le groupe Facebook a organisé presque entièrement les manifestations des gilets jaunes, de même que l'opposition croissante des enseignants français, qui organise sur Facebook des manifestations contre les réformes réactionnaires Blanquer du gouvernement Macron en matière d'éducation. Une vidéo de la police qui envoyait des tirs de gaz lacrymogène sur des enseignants qui manifestaient à Toulouse jeudi dernier a été visionnée des milliers de fois principalement par l'intermédiaire du groupe Facebook «Stylos rouges».
La rencontre de Zuckerberg avec Macron, le 10 mai dernier, a passé en revue le premier semestre de leur collaboration. C'est la première du genre avec un gouvernement dans le monde. Au cours cette collaboration Facebook avait invité des responsables français directement dans ses bureaux de «modération» du contenu. Ils ont pu analyser le matériel censuré des fils de presse des usagers. C'est les algorithmes de Facebook qui déterminent que ce qui apparaît dans le flux d'informations d'un utilisateur donné, donc l'entreprise et l'État peuvent contrôler la diffusion du contenu.
Zuckerberg, qui a une valeur nette personnelle de 67,3 milliards de dollars américains, a écrit plus tard que le but de la réunion était d'examiner les «décisions nuancées» qui doivent être prises sur «la façon dont nous devrions traiter les contenus qui ne sont pas illégaux, mais qui pourraient causer du tort». En d'autres termes, ils discutent de la suppression du contenu qui n'est «pas illégal», c'est-à-dire de la liberté d'expression légalement protégée. Bien sûr, comme sous les censeurs tsaristes d'antan, ce qui est considéré comme «nuisible» est déterminé par la classe dirigeante et ses services de police.
Le rapport du gouvernement Macron sur sa coopération avec Facebook, publié à l'occasion de la visite de Zuckerberg, indique clairement la nature le contenu «nocif». Il s'agit de tout matériel (y compris les vidéos de violence policière, les grèves de travailleurs et les manifestations) qui encourage ou exprime l'opposition des jeunes et des travailleurs. Mais surtout quand la cible de leur colère s'agit des politiques du pouvoir politique et les niveaux sans précédent de pauvreté et d'accumulation de richesse de l'oligarchie financière.
Ou, selon les termes du rapport, la capacité de Facebook à déterminer quel contenu est affiché sur le fil de nouvelles d'un usager «joue un rôle essentiel» dans la «capacité des réseaux sociaux à prévenir ou accentuer des dommages en matière de cohésion sociale».
Le rapport exposait la stratégie du gouvernement qui vise à «responsabiliser les plateformes de réseaux sociaux» de la censure des médias sociaux. Travailler directement avec les géants des médias sociaux aurait l'avantage de «minimiser la portée de la critique tenant au risque de manipulation de l'information» par l'État, explique le rapport. En d'autres termes, Facebook prendra les mesures, plutôt que cela soit fait au nom du gouvernement et de ses agences de renseignement. Ainsi, on évite que la violation du droit à la liberté d'expression de la population ne soit contestée.
Facebook a établi un siège de censure pour les élections européennes de cette année, qu'il a baptisé son «centre de guerre», à Dublin, que le journal Guardian a visité ce mois-ci. Le journal a rapporté le 5 mai que jusqu'au vote, «et pendant plusieurs jours après, environ 40 personnes seront penchées sur les écrans 24 heures sur 24, surveillant le rythme changeant des conversations en ligne, cherchant des signes de manipulation, de fausses nouvelles ou de discours haineux». Ils sont «soutenus par un réseau mondial qui comprend des experts du renseignement sur les menaces, des scientifiques des données, des chercheurs et des ingénieurs».
La prétendue lutte contre les «fausses nouvelles» permet de justifier la censure illimitée d'informations qui ne sont pas conformes aux mensonges du gouvernement et de ses porte-parole de propagande dans les médias d'entreprise. Le World. Socialist Web Site a été une cible centrale de la censure des sociétés technologiques, y compris Google.
La répression des médias sociaux s'inscrit dans le cadre d'une attaque de grande envergure contre la liberté d'expression et les droits démocratiques de la classe ouvrière et la préparation à la dictature d'une classe dirigeante qui se sent assiégée par la croissance des luttes de la classe ouvrière.
(Article paru d'abord en anglais le 28 mai 2019)