Réunis en assemblée générale, les soignants des services d'urgences en grève ont décidé de poursuivre leur mouvement, mené depuis six mois autour du collectif Inter-urgences. Ils ont lancé un appel au personnel des autres services hospitaliers, médecins compris, à rejoindre leur mouvement pour améliorer les conditions de travail, d'accueil et de soin au sein de l'hôpital.
Il est un point qui n'a absolument pas fait débat au cours de l'assemblée générale des urgences en grève, mardi 10 septembre. L'ensemble des délégations présentes se sont prononcées pour une poursuite du mouvement démarré en mars dans les hôpitaux parisiens, et qui a depuis gagné l'ensemble du pays. Dans les urgences publiques, près de la moitié des services sont en grève. Selon Inter-urgences, le collectif qui anime ce mouvement principalement composé d'aide-soignants et d'infirmières, leur nombre aurait même doublé durant l'été, passant de 119 à 237 services mobilisés.
« Oui bien-sûr, on continue ! », balaie Sabine comme une évidence, dans les travées de la bourse du travail de Saint-Denis. La jeune femme représente les urgences de Bastia, l'un des services à avoir rejoint le mouvement durant l'été. Celui-ci a récemment défrayé la chronique après qu'une vidéo montrant les locaux inondés a largement circulé sur internet. Dans la grande salle, chaque délégation régionale égrène les motifs de mécontentement, révélant une situation qui, malgré certaines avancées ici ou là, a globalement peu évolué sur les principales revendications du mouvement.
Avant l'AG du 10 septembre, une action symbolique devant la bourse du travail de Saint-Denis (crédit : Thomas Clerget)
« Ce sont des menteurs, ils continueront à fermer des lits, à dégrader la situation »
« Il y a du mieux sur le matériel, note Emmanuel, venu du CHU d'Avignon où des travaux d'agrandissement sont programmés. Mais sur le reste, on est loin du compte. » La ministre de la santé Agnès Buzyn a bien concédé des primes - encore éloignées des 300 euros réclamés par les soignants -, mais sur le plan des moyens humains et des lits, toujours pas d'avancées. Les délégués rapportent des situations toujours critiques, avec la fermeture de lits d'hospitalisation, voire celle, en cours ou à venir, de services entiers - forçant les patients à rester sur les brancards des urgences. Ils dénoncent aussi la fermeture de lignes de SMUR (envoyées suite à un appel au SAMU).
La nouvelle enveloppe de 750 millions d'euros étalés sur trois ans, annoncée le 9 septembre par Agnès Buzyn, est perçue comme étant en-deça des enjeux. Résumant le sentiment général, un délégué évoque « des propositions très floues ». « On ne nous propose toujours rien sur la capacité en termes de lits, et sur les effectifs. » Avec le gouvernement, la confiance est rompue. Une soignante venue de Saint-Malo revient sur la grève menée par son service en janvier-février : « Le protocole signé n'a pas été respecté. On s'est donc remis en grève la semaine dernière. » « Ce sont des menteurs, tacle une infirmière lyonnaise. Ils continueront à fermer des lits, à dégrader la situation. »
Agnès Buzyn promet que la somme allouée - dont 340 millions pour la création d'un nouveau numéro d'orientation téléphonique - ne pénalisera pas d'autres budgets. Elle annonce aussi, sans trop convaincre, l'ouverture de lits « là où il y aura des besoins ». « Le plan peut paraître ambitieux, commente Hugo, l'un des animateurs d'Inter-urgences. Il est surtout hasardeux. Il ne valorise pas les compétences humaines, et on reste à moyens constants. » Devant les députés, la ministre a parlé d'obtenir « au moins les mêmes budgets que l'année dernière », entretenant le flou, à l'approche du vote sur la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS 2020), sur ses réelles marges de manœuvre.
Tout la journée, les services en grève ont fait parvenir au collectif les images d'actions menées à travers le pays sur le thème des « urgences asphyxiées » (crédit : Inter-urgences)
« Il va falloir un mouvement global de l'hôpital »
« Notre mouvement est plus que nécessaire, constate un délégué de Normandie. Mais il est impossible de déconnecter la situation des urgences de celle de l'hôpital. Il va donc falloir un mouvement plus global. » La seconde partie de l'AG discute les moyens d'un tel « élargissement » du mouvement, non seulement aux paramédicaux des autres services hospitaliers - Ehpad et psychiatrie compris -, mais aussi aux personnels administratifs et techniques, aux médecins, si possible aux usagers.
L'ampleur de la grève a poussé le gouvernement à des concessions, mais pour les soignants, le rapport de forces est encore insuffisant. « Il faut un virage à 180° de cette politique austéritaire, qui fait de l'hôpital une variable d'ajustement, pointe un représentant du syndicat Sud-Santé, invité à s'exprimer devant l'AG. Mais seules, les urgences n'y arriveront pas. Il faut les médecins, et l'ensemble des hospitaliers. » « Si nous ne fédérons pas les autres services autour de nous, abonde un soignant des urgences de Saint-Nazaire, nous n'obtiendrons pas satisfaction ! »
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L'assemblée générale adopte finalement, à l'unanimité, une motion déclinant le « triptyque » de revendications pour l'ensemble des hospitaliers - 300 euros d'augmentation pour toutes et tous, la titularisation des précaires et le rattrapage des effectifs, l'arrêt des fermetures de lits voire leur réouverture si nécessaire. Surtout, Inter-urgences appelle tous les services et métiers hospitaliers à se mobiliser à leur tour. Une journée d'action nationale, en départements ainsi qu'à Paris, est programmée pour le 26 septembre. Le personnel des hôpitaux va-t-il répondre à l'appel des urgentistes ?
Thomas Clerget
Photo de une : action menée le 10 septembre par le personnel en grève des urgences de Nantes (crédit : compte Twitter Inter-urgences).