04/02/2020 33 articles lesakerfrancophone.fr  8 min #168511

Les progrès de l'armée syrienne provoquent une nouvelle dispute entre la Turquie et la Russie

Par  Moon of Alabama - Le 3 février 2020

La poursuite de l'opération de l'armée syrienne pour libérer le gouvernorat d'Idleb conduit à un nouvel affrontement entre la Turquie et la Russie.

Le gouvernorat d'Idleb est toujours largement occupé par des « rebelles » sous contrôle turc et des groupes djihadistes alignés sur Al-Qaïda comme Hayat Tahrir al-Sham (HTS). L'accord d'Astana entre la Turquie et la Russie, signé en septembre 2018, prévoyait un cessez-le-feu dans le gouvernorat, des zones tampons et la réouverture de l'autoroute M4 entre la côte et la ville d'Alep et de l'autoroute M5 entre Damas et Alep. Les cessez-le-feu et l'accord entre la Turquie et la Russie excluaient explicitement les djihadistes.

Les routes n'ont jamais été rouvertes au trafic civil syrien et les nombreux cessez-le-feu n'ont pas été respectés. Le soutien aérien mené par la Russie et la Syrie a empêché les djihadistes de lancer des attaques plus importantes. Malgré tout, les tirs de harcèlement des djihadistes et les attaques de tous ordres  continuent de tuer des civils et des soldats dans la ville d'Alep et dans d'autres régions. Les postes d'observation turcs qui devaient surveiller le cessez-le-feu fournissent au contraire des renseignements et des fournitures aux « rebelles ».

Il y a six jours, après la libération par l'armée arabe syrienne de la ville de Maarat al-Numan, au sud-est de la ville d'Idleb,  nous écrivions :

Sud-est d'Idleb. Le 28 janvier 202
Venant de l'est, l'armée syrienne a traversé l'autoroute M5 au nord et au sud de la ville en un mouvement de pince. Les djihadistes qui tenaient la ville ont fui vers l'ouest en direction de Kafranabel et Al Barah sur les seules routes qui restaient pour sortir. La ville elle-même a été prise sans combat. La carte ci-dessus ne reflète pas encore cette dernière évolution.... Ce mouvement a traversé la zone d'un poste d'observation turc situé au sud de Maarat al Nunman. C'est le troisième poste de ce type à avoir été encerclé par les forces gouvernementales syriennes. Plus tôt dans la journée, un convoi d'une trentaine de véhicules turcs avait pénétré dans le gouvernorat d'Idleb, en provenance de Turquie, dans le but d'installer un nouveau poste d'observation près de Saraqib où les autoroutes M4 et M5 se rejoignent. Saraqib sera la prochaine cible de la campagne de l'armée syrienne.

C'est effectivement ce qui s'est passé. La Turquie a construit un nouveau « poste d'observation » lourdement armé au sud de Saraqib avec l'intention de bloquer les mouvements syriens vers la ville. Pendant ce temps, l'armée syrienne s'est rapprochée de Saraqib mais a également pris le temps de sécuriser son flanc est.

Le président turc  n'apprécie pas les progrès de l'armée syrienne contre ses mercenaires :

Dans une discussion avec des journalistes, le 29 janvier, Erdogan s'en est pris pour la première fois directement à la Russie, en disant : "La Russie n'a malheureusement pas été fidèle aux accords d'Astana et de Sotchi.... Soit [la Russie] arrête les bombardements à Idlib, soit notre patience s'épuise et nous ferons ce qui est nécessaire à partir de maintenant".... Le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, a rejeté les accusations d'Erdogan, insistant sur le fait que la Russie "respecte pleinement toutes les obligations des accords de Sotchi concernant la zone d'Idlib".

Après avoir sécurisé son flanc droit, l'armée syrienne s'est déplacée le long de la route M5 en direction de Saraqib. Mais le « poste d'observation » turc bloquait la route. Hier, l'armée syrienne a fait quelque chose d'inattendu. Elle a quitté la M5 en direction du nord-ouest pour encercler la ville.

Sud est d'Idleb. Le 2 février 2020

Cette initiative a alarmé la Turquie. Elle ne veut pas que le gouvernement syrien libère Saraqib et reprenne le contrôle des autoroutes M4 et M5 vers Alep.

La Turquie a soudainement déclaré l'autoroute M4 « zone militaire turque » et a envoyé de grands convois avec des armes lourdes pour construire plus de « postes d'observation » autour de Saraqib. Au cours de la nuit dernière, les premiers affrontements entre les premières lignes turques et syriennes ont eu lieu. L'artillerie syrienne a frappé l'un des nouveaux « postes d'observation » turcs, tuant 8 soldats turcs et en blessant une trentaine. L'artillerie turque a riposté mais semble avoir raté ses cibles.

Ce matin, Erdogan était livide. Pour sauver la face, il  a affirmé que l'armée et l'aviation turques avaient riposté contre les troupes syriennes. Les Russes, qui contrôlent l'espace aérien au-dessus d'Idleb,  ont rétorqué qu'il n'y avait pas eu de frappes aériennes turques :

Les avions turcs n'ont pas pénétré dans l'espace aérien syrien pour effectuer des frappes aériennes sur les positions des forces gouvernementales syriennes, a déclaré lundi le Centre russe pour la réconciliation des camps opposés en Syrie (qui fait partie du ministère russe de la défense).... Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait déclaré plus tôt, lors d'une conférence de presse à Ankara, que des chasseurs F-16 de l'armée de l'air turque avaient effectué des frappes sur 40 cibles à Idlib en réponse à une attaque sur les positions turques qui a tué quatre soldats. Selon Erdogan, l'attaque de représailles a tué 30-35 Syriens. Cependant, le président turc n'a pas précisé s'il s'agissait de militaires.

Aujourd'hui, l'armée syrienne a poursuivi son plan d'encerclement. Elle a traversé la route M4 Alep-Latakia à l'ouest de Saraqib et se déplace actuellement plus au nord pour couper la route entre Saraqib et la ville d'Idleb.

Sud est d'Idleb. Le 3 février 2020

Si elle parvient à bloquer les deux routes, les troupes turques basées à Saraqib seront coupées de leurs lignes d'approvisionnement direct avec la Turquie.
Cette carte de source turque montre les « postes d'observation » désormais menacés :

Sud-est d'Idleb. Le 3 février 2020

La Turquie  continue d'introduire armes et hommes en Syrie :

Les sources fiables de l'Observatoire syrien ont confirmé qu'un nouveau convoi militaire turc est entré sur le territoire syrien via le point de passage de Kafr Lusin à la frontière avec Iskenderun. Les sources ont informé l'Observatoire que le convoi se dirigeait vers le sud en étant escorté par un véhicule blindé avec des personnes non identifiées à l'intérieur. Hier, cinq colonnes militaires turques de véhicules blindés, de véhicules de transport de troupes et de camions sont entrées en Syrie via le point de passage de Kafr Lusin en direction d'Alep et de la campagne d'Idlib. Une de ces colonnes s'est dirigée vers la région d'Areha via l'autoroute M4, tandis qu'une autre s'est arrêtée dans la ville de Saraqeb. En conséquence, le nombre de camions et de véhicules militaires entrés sur le territoire syrien depuis le matin est presque de 320. Pendant ce temps, les colonnes turques se sont dirigées vers Idlib et Alep, sur fond d'informations concernant l'annonce que l'autoroute Alep-Latakie, connue sous le nom de M4, soit déclarée une zone militaire par les forces turques, ce qui constitue une escalade turque importante contre les Russes.

On peut se demander si les États-Unis ont  convaincu la Turquie d'agir à Idleb même sans l'accord de la Russie :

Le général Tod Wolters, commandant du Commandement américain en Europe et commandant suprême des forces alliées de l'OTAN en Europe, s'est rendu à Ankara le 30 janvier pour des entretiens qui ont porté sur la Syrie. Des sources à Ankara notent que les entretiens de Wolters avec le ministre de la défense Hulusi Akar et le chef d'état-major général Yasar Guler ont couvert l'ouest de l'Euphrate autant que l'est de l'Euphrate, où la présence militaire américaine est concentrée.

Il semble évident que l'armée russe n'est pas d'accord avec les plans d'Erdogan et que la Russie agira pour le dissuader de commettre d'autres actions néfastes. Il est maintenant temps pour un autre appel téléphonique entre Poutine et Erdogan. Le président russe rappellera à son collègue turc que l'économie turque est à la traîne et qu'il y a beaucoup d'argent en jeu :

Ragip Soylu  @ragipsoylu -  10:17 UTC - 3 février 2020 La Turquie dépend de la Russie : - Tourisme : 7 millions de Russes ont visité la Turquie, en tête du classement - La coopération nucléaire : Le réacteur nucléaire d'Akkuyu est construit par les Russes - Le pipeline turc - Les exportations turques atteignent 3 milliards de dollars - La Turquie importe 40 % de son gaz de Russie

L'opération syrienne visant à libérer les autoroutes économiquement importantes vers Alep va donc se poursuivre.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone

 lesakerfrancophone.fr

 Commenter

Articles enfants plus récents en premier
03/03/2020 reseauinternational.net  10 min #169823

Les progrès de l'armée syrienne provoquent une nouvelle dispute entre la Turquie et la Russie

Grand Maître des Échecs

par Sylvain Laforest.

Dans un match politique entre Vladimir Poutine et le meilleur ordinateur, je mettrais toutes mes billes sur Vlad. Non seulement il est la réincarnation humaine de l'idéologie de l'indépendance totale et de l'autonomie russes, mais il est aussi rusé et intelligent qu'un renard et comprend les rouages du monde comme personne d'autre. Comme tous les grands maîtres d'échecs, il a tellement de coups d'avance qu'il utilise l'échiquier pour tendre des pièges, où ses tours et ses cavaliers font tomber la dame et le roi comme si c'était de de simples pions.

01/03/2020 reseauinternational.net  15 min #169721

Les progrès de l'armée syrienne provoquent une nouvelle dispute entre la Turquie et la Russie

« La Turquie en Syrie, l'État légitime syrien et la Russie »

par Marc Barnovi.

Dans cet article, nous avons traduit une courte analyse très intéressante que le politologue, essayiste et écrivain russe Nikolaï Starikov fait de la situation du conflit en Syrie. Vous pouvez retrouver cette communication en russe à - YouTube [à partir de8′.49 »] datée du 13.02/2020.

Elle est retransmise par le site russe politrussia.com (Rousslan Ostachko).

28/02/2020 reseauinternational.net  6 min #169631

Les progrès de l'armée syrienne provoquent une nouvelle dispute entre la Turquie et la Russie

Poutine veut calmer le faucon turc

par Pepe Escobar.

Idlib est la dernière bataille de Erdogan, mais les combats vont bien au-delà de la Syrie - il s'agit d'une autre guerre par procuration entre l'OTAN et la Russie.

Ce satané « régime Assad » ne veut tout simplement pas partir. Le nouveau récit occidental sur la Syrie est que le régime est sur le point de « massacrer » plus de 900 000 personnes fuyant les zones pas vraiment désamorcées de la campagne dans les provinces d'Idlib et d'Alep.

24/02/2020 lesakerfrancophone.fr  7 min #169439

Les progrès de l'armée syrienne provoquent une nouvelle dispute entre la Turquie et la Russie

La Russie rejette la déclaration turque sur la Syrie

Par M. K. Bhadrakumar − Le 7 Février 2020 − Source The Indian Punchline

La réaction russe aux derniers mouvements militaires de la Turquie dans la province d'Idlib, au nord-ouest de la Syrie, a pris la forme d'une longue interview du ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov au quotidien gouvernemental Rossiyskaïa Gazeta, le 4 février, suivie depuis d'une déclaration officielle du ministère des affaires étrangères, jeudi.

23/02/2020 reseauinternational.net  9 min #169380

Les progrès de l'armée syrienne provoquent une nouvelle dispute entre la Turquie et la Russie

Syrie - Poutine contre Erdogan : qui va céder en premier ?

par Mike Whitney.

Une situation explosive se développe dans la province d'Idlib où l'armée syrienne mène une offensive majeure qui a déclenché une réponse sévère de la Turquie. Le président turc Recep Tayyip Erdogan menace d'attaquer les forces syriennes partout dans le pays si le gouvernement syrien n'arrête pas toutes les opérations militaires dans la « zone de désescalade » d'Idlib.

22/02/2020 reseauinternational.net  13 min #169338

Les progrès de l'armée syrienne provoquent une nouvelle dispute entre la Turquie et la Russie

Turquie, tant de choses qu'on ne nous dit pas

par Gordon Duff.

Malgré tous les efforts de médiation face à l'augmentation de la violence à Idlib, il est devenu clair que les intentions profondes de la Turquie sont de conserver, ou de tenter de conserver, le territoire syrien qu'elle convoite depuis longtemps.

Pour ce faire, la Turquie, comme le perçoivent les autres partenaires de l'accord de Sotchi, l'Iran et la Russie, n'a pas tenu sa parole.

Se réfère à :

1 article

Référencé par :

2 articles