Par Bill Van Auken
24 avril 2020
«J'ai donné l'ordre à la marine américaine d'abattre et de détruire toutes les canonnières iraniennes si elles harcèlent nos navires en mer». C'est le tweet du président américain, Donald Trump, ce mercredi: une menace effrayante qui pourrait déclencher une guerre catastrophique dans tout le Moyen-Orient et au-delà.
La menace de déclencher une guerre à 11.200 kilomètres des côtes américaines vient en pleine pandémie de coronavirus, dont le nombre de morts aux États-Unis approche rapidement les 50.000. Elle fait suite au tweet de Trump de lundi soir qui annonçait une suspension de toute immigration aux États-Unis. Ce dernier tweet fut une tentative évidente de faire des immigrants les boucs émissaires des ravages de la pandémie et du licenciement de dizaines de millions de travailleurs.
Ces deux actions expriment une expression de désespoir et d'agitation devant une crise nationale et mondiale pour laquelle la classe dirigeante américaine n'a pas de solution viable. Cela représente une tentative grossière et désespérée de changer de sujet et de détourner l'attention du public des conséquences catastrophiques de l'indifférence criminelle du gouvernement et de l'oligarchie au pouvoir à la vie et au bien-être de la grande majorité de la population.
Des B-52 alignés à la base aérienne d'Andersen
Des responsables du Pentagone ont indiqué mercredi qu'ils n'avaient reçu aucune notification préalable du tweet de Trump, et encore moins d'ordre de modification des règles d'engagement dans le Golfe persique.
Néanmoins, la rhétorique brutale et fasciste de Trump reflète une volonté de guerre de l'impérialisme américain qui n'a pas été tempérée, mais plutôt intensifiée, par la pandémie mondiale.
Alors même que Trump publiait son tweet, les navires de guerre américains naviguaient vers une confrontation avec la Chine dans la mer de Chine méridionale. Au même moment, le Pentagone annonçait un changement dans le déploiement de ses bombardiers B-52 à longue portée et à capacité nucléaire, afin de rendre leur présence moins prévisible pour Pékin et Moscou et d'accroître ainsi les tensions.
Ces derniers jours, les États-Unis ont fortement intensifié leurs frappes aériennes contre la nation africaine appauvrie de la Somalie, alors même que la pandémie de coronavirus menace de ravager sa population. L'escalade des menaces de guerre se poursuit contre le Venezuela, et le Pentagone continue de soutenir la guerre quasi génocidaire menée par les Saoudiens contre le peuple du Yémen.
Cette campagne guerrière ne trouve nulle part ailleurs une expression aussi débridée que dans le renflouement massif du gouvernement qui est organisé pour l'industrie américaine de l'armement. Tandis que des dizaines de millions de travailleurs sont au chômage, dont beaucoup souffrent de la faim, et que l'administration Trump et les gouverneurs des États mènent une campagne pour forcer un retour prématuré au travail, des milliards et des milliards de dollars sont versés aux entrepreneurs militaires pour soutenir leurs profits garantis et les fortunes obscènes générées pour leurs principaux actionnaires.
Le principal fournisseur d'armes du Pentagone, la sous-secrétaire à la Défense Ellen Lord, a déclaré lors d'une conférence de presse lundi que quelque 3 milliards de dollars ont déjà été versés aux fabricants d'armes sous la forme de paiements anticipés pour les contrats existants, sans parler des milliards supplémentaires approuvés par le Congrès dans la première loi CARES, qui a injecté des milliards de dollars sur les marchés financiers. Elle a indiqué que beaucoup plus sera distribué une fois que le Congrès aura adopté un autre plan de relance.
À la question d'un journaliste de savoir combien il faudrait pour assurer les Marchands de mort de Washington contre toute perte due à la pandémie de coronavirus, elle a répondu: «On parle de milliards et de milliards pour ça». Lord a indiqué que la priorité de ce programme d'aide était le «processus de modernisation de la triade nucléaire».
Ces industries ne font guère figure de pauvres dans le besoin. Le fait que des ressources financières massives, dont on a désespérément besoin pour sauver des vies et sortir des millions de travailleurs de la pauvreté, soient au contraire versées dans leurs poches est un crime.
Lors d'une conférence téléphonique cette semaine pour informer les actionnaires de Lockheed Martin des résultats du premier trimestre, la PDG de la société, Marilyn Hewson, s'est vantée que le «portefeuille de la société est large et en expansion» et que sa «génération de liquidités» est forte. Elle a déclaré que la société se réjouissait de «soutenir les besoins de nos combattants».
En effet, Lockheed Martin a encaissé 2,3 milliards de dollars en espèces au cours du seul trimestre et s'attend à dépasser les 7,6 milliards de dollars - sans compter les effets du coronavirus - au cours de l'année. La société a un carnet de commandes de 144 milliards de dollars, un record absolu.
Après qu'on lui a demandé si elle avait des scrupules à accepter les retombées politiques d'un rachat d'actions d'un milliard de dollars en pleine crise, elle a répondu: «Nous sommes très différents, je pense, de ceux qui ont subi un impact très important sur leurs demandes». Hewson a annoncé que la société avait mis de côté un grand total de 10 millions de dollars pour les secours et l'assistance liés au COVID-19.
Le caractère «très différent» de ces sociétés a également été relevé dans une chronique financière publiée dans le New York Times à l'intention de ses lecteurs bien nantis, intitulée «Opportunité dans le complexe militaro-industriel».
Soulignant le budget de 741 milliards de dollars du Pentagone prévu pour l'année à venir, le Times dit: «Cette combinaison de dollars fédéraux et d'aide aux entreprises peut représenter une opportunité pour les investisseurs qui ne craignent pas de profiter de la guerre. Un pari modeste sur un fonds commun de placement ou un fonds négocié en bourse qui achète des titres d'entrepreneurs militaires et de sociétés aérospatiales pourrait contribuer à amortir la profonde récession provoquée par le coronavirus».
En bref, on peut récolter des richesses substantielles de la mort en masse.
L'une des principales préoccupations exprimées par la sous-secrétaire d'État à la Défense, pendant qu'elle présentait les plans de sauvetage, en milliards de dollars, de l'industrie de l'armement, était la perturbation des chaînes d'approvisionnement, en particulier celles qui proviennent des ateliers de misère des maquiladoras situés juste de l'autre côté de la frontière américaine, au Mexique. Elle a également mentionné les problèmes en Inde.
Des milliers de travailleurs mexicains ont fait grève et ont protesté contre les conditions mortelles qui règnent dans ces usines, conditions qui sont en train d'être préparées pour les travailleurs de toute la planète alors que les ordres de retour au travail sont imposés. Dans une usine de Ciudad Juárez appartenant à la Lear Corporation, basée dans le Michigan, 16 travailleurs sont morts du COVID-19, tandis que les hôpitaux de la région débordent de victimes du virus.
Le Pentagone et l'ambassadeur américain au Mexique, Christopher Landau, sont intervenus auprès du gouvernement mexicain pour exiger le retour des travailleurs des maquiladoras dans les usines, car cela était «essentiel» à la machine de guerre de l'impérialisme américain, tout comme celui de leurs homologues américains. Lockheed s'appuie sur des travailleurs mexicains mal payés à Chihuahua, au Mexique, pour produire le câblage électrique des hélicoptères Black Hawk et S-92 et des avions de chasse F-16 de l'armée américaine. Boeing se procure les pièces dans une usine gérée par PCC Aerostructures à Monterrey. General Electric, Honeywell et d'autres entrepreneurs militaires profitent également du travail des travailleurs mexicains de l'autre côté de la frontière.
Relayant les diktats du Pentagone dans le langage du mépris de la vie humaine qui caractérise toutes les politiques de l'administration Trump et de la classe dirigeante américaine, l'ambassadeur Landau a lancé une campagne sur Twitter où il exige que les travailleurs mexicains retournent dans les maquiladoras pour le plus grand bien de l'impérialisme américain. Il bénéficie de l'entière collaboration du président mexicain Andrés Manuel López Obrador, promu par la pseudo-gauche en tant que «progressiste» et même «socialiste», qui a préparé la Garde nationale du pays pour un déploiement contre les grévistes.
Il commence par mettre en garde que les emplois des travailleurs sont liés aux chaînes d'approvisionnement qui les relient aux fabricants d'armes américains. L'ambassadeur a menacé: «si nous ne coordonnons pas notre réponse, ces chaînes peuvent s'évaporer».
Il a ajouté: «des risques se trouvent partout, mais nous ne restons pas tous à la maison de peur d'avoir un accident de voiture. La destruction de l'économie est également une menace pour la santé».
Ce sont les mêmes arguments réactionnaires, antiscientifiques et misanthropes qui sont avancés aux États-Unis et dans le monde pour tenter de forcer les travailleurs à retourner dans les usines et les lieux de travail avec la certitude que beaucoup tomberont malades et mourront.
Les travailleurs de l'industrie de l'armement aux États-Unis, comme leurs homologues au Mexique, ont également fait grève et protesté contre le fait d'être forcés de travailler dans des «infrastructures critiques» de l'impérialisme américain. Des travailleurs de Bath Iron Works dans le Maine et du chantier naval BAE Systems à Norfolk, en Virginie, gérés tous deux par General Dynamics, ont fait grève pour protester leurs employeurs qui ne leur fournissent pas de protection contre l'infection et la mort. De même, à l'usine GE Aviation de Lynn, dans le Massachusetts, qui produit des moteurs pour les hélicoptères de la marine américaine, les travailleurs ont fait grève à cause de l'absence de mesures de protection ou de garantie pour les travailleurs victimes du COVID-19.
Cette résistance de la classe ouvrière au-delà des frontières nationales est directement opposée au nationalisme et à la réaction enragés qui caractérisent la réponse des classes dominantes, non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe et au niveau international, à l'intensification de la crise capitaliste déclenchée par la pandémie de coronavirus. Pour défendre leurs intérêts de profit, ils condamneront des millions de personnes à la maladie et à la mort, alors même qu'ils se préparent à la guerre mondiale et à la dictature fasciste. La seule alternative est que la classe ouvrière internationale mette fin au système de profit et reconstruise la société sur des bases socialistes.
(Article paru en anglais le 23 avril 2020)
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