10/05/2021 7 articles reseauinternational.net  8min #189368

 « Pour un retour de l'honneur de nos gouvernants »

Réaction à la Tribune des militaires d'active

par Dominique Delawarde.

Hier soir, à ma grande surprise, le téléphone sonne vers 19h00, alors que je suis en famille, entouré de mes petits enfants. Une télévision nationale me sollicite pour intervenir lundi 10 mai sur un plateau au sujet d'une nouvelle tribune de militaires, « en activité » cette fois, qui serait publiée prochainement par Valeurs Actuelles. Elle pourrait compter, jusqu'à 2 000 signatures,... pour commencer.

J'avais bien entendu des rumeurs sur cette affaire, mais n'y croyais pas. Les états d'âme de la grande muette restent généralement « confinés » dans la « grande cocote-minute hermétiquement fermée » que constitue l'institution militaire, en charge de défendre notre pays.

Cette nouvelle étonnante m'inspire immédiatement quelques réflexions personnelles à chaud :

1 - Pour que la « cocote-minute » militaire se fissure, elle aussi, avant peut être d'exploser, c'est que la situation est déjà beaucoup plus sérieuse que je ne l'imaginais. La pression et l'exaspération doivent être fortes... C'est une situation que nous n'avions pas connue depuis plus d'un demi siècle.

2 - Si la nouvelle est avérée, elle constitue un démenti cinglant aux autorités politiques et militaires qui ont voulu tourner en dérision l'appel citoyen lancé le 13 avril par les anciens militaires, mais aussi aux médias mainstream et aux journalistes les plus serviles qui relaient et soutiennent sans relâche les mensonges de l'exécutif et de ses courtisans.

3 - J'imagine même un instant organiser une « section de choc » avec ces journalistes menteurs de « BFMTV ou France Intox » qui refusent de voir les réalités en face et de les envoyer en première ligne derrière le chef des Armées (Le président), la ministre de la Défense et le ministre de l'Intérieur, lorsque la situation sera vraiment hors de contrôle dans les banlieues les plus chaudes.

4 - Je me pose la question des sanctions, sachant que ces militaires d'active ont probablement eu l'habileté de faire authentifier leur signature par le média qui devrait publier leur tribune, mais que leur identité ne sera connue que du seul média qui publiera le texte de leur déclaration. Leur identité restera donc inconnue du grand public et sous protection des sources d'information des journalistes, décrite dans l' article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.

5 - Toujours sur les sanctions, je relis cette admonestation au CEMA du père Richard Kalka, ancien aumônier militaire de 1985 à 2015, qui a accompagné les soldats sur tous les théâtres d'opérations depuis 30 ans.

6 - Je relis aussi cet article d'un ancien officier de gendarmerie Alexandre JUVING-BRUNET

Elle fait apparaître une difficulté importante qui pourrait impacter la reconquête des territoires perdus de la République, d'autant que les effectifs de l'Armée d'active ont fondu depuis près de 30 ans et qu'une part importante de ces effectifs est déjà en opération hors de l'hexagone.

7 - Le souvenir des événements historiques de 2001 qui avaient agité la gendarmerie me revient en mémoire

Cela me conduit à penser que de tels événements pourraient bien se reproduire si l'exaspération des militaires devant la montée de la violence, qu'ils soient gendarmes ou de l'Armée d'active, mais aussi des fonctionnaires de police et des pompiers, devait monter en gamme...

Mais voici que je prends connaissance du texte de la tribune de nos camarades d'active.

La voici dans sa sobriété et dans son intégralité. Elle est, elle aussi, inattaquable et magnifiquement rédigée. Je laisse aux lecteurs le soin de l'apprécier avec la gravité qui s'impose.

*

Tribune de nos Camarades d'Active

Monsieur le Président de la République,

Mesdames et Messieurs les ministres, parlementaires, officiers généraux, en vos grades et qualités,

On ne chante plus le septième couplet de la Marseillaise, dit « couplet des enfants ». Il est pourtant riche d'enseignements. Laissons-lui le soin de nous les prodiguer :

« Nous entrerons dans la carrière quand nos aînés n'y seront plus. Nous y trouverons leur poussière, et la trace de leurs vertus. Bien moins jaloux de leur survivre que de partager leur cercueil, nous aurons le sublime orgueil de les venger ou de les suivre ».

Nos aînés, ce sont des combattants qui ont mérité qu'on les respecte. Ce sont par exemple les vieux soldats dont vous avez piétiné l'honneur ces dernières semaines. Ce sont ces milliers de serviteurs de la France, signataires d'une tribune de simple bon sens, des soldats qui ont donné leurs plus belles années pour défendre notre liberté, obéissant à vos ordres, pour faire vos guerres ou mettre en œuvre vos restrictions budgétaires, que vous avez salis alors que le peuple de France les soutenait.

Ces gens qui ont lutté contre tous les ennemis de la France, vous les avez traités de factieux alors que leur seul tort est d'aimer leur pays et de pleurer sa visible déchéance.

Dans ces conditions, c'est à nous, qui sommes récemment entrés dans la carrière, d'entrer dans l'arène pour avoir simplement l'honneur d'y dire la vérité.

Nous sommes de ce que les journaux ont nommé « la génération du feu ». Hommes et femmes, militaires en activité, de toutes les armées et de tous les grades, de toutes les sensibilités, nous aimons notre pays. Ce sont nos seuls titres de gloire. Et si nous ne pouvons pas, réglementairement, nous exprimer à visage découvert, il nous est tout aussi impossible de nous taire.

Afghanistan, Mali, Centrafrique ou ailleurs, un certain nombre d'entre nous ont connu le feu ennemi. Certains y ont laissé des camarades. Ils ont offert leur peau pour détruire l'islamisme auquel vous faites des concessions sur notre sol.

Presque tous, nous avons connu l'opération Sentinelle. Nous y avons vu de nos yeux les banlieues abandonnées, les accommodements avec la délinquance. Nous avons subi les tentatives d'instrumentalisation de plusieurs communautés religieuses, pour qui la France ne signifie rien - rien qu'un objet de sarcasmes, de mépris voire de haine.

Nous avons défilé le 14 juillet. Et cette foule bienveillante et diverse, qui nous acclamait parce que nous en sommes l'émanation, on nous a demandé de nous en méfier pendant des mois, en nous interdisant de circuler en uniforme, en faisant de nous des victimes en puissance, sur un sol que nous sommes pourtant capables de défendre.

Oui, nos aînés ont raison sur le fond de leur texte, dans sa totalité. Nous voyons la violence dans nos villes et villages. Nous voyons le communautarisme s'installer dans l'espace public, dans le débat public. Nous voyons la haine de la France et de son histoire devenir la norme.

Ce n'est peut-être pas à des militaires de dire cela, arguerez-vous. Bien au contraire : parce que nous sommes apolitiques dans nos appréciations de situation, c'est un constat professionnel que nous livrons. Car cette déchéance, nous l'avons vue dans bien des pays en crise. Elle précède l'effondrement. Elle annonce le chaos et la violence, et contrairement à ce que vous affirmez ici où là, ce chaos et cette violence ne viendront pas d'un « pronunciamento militaire » mais d'une insurrection civile.

Pour ergoter sur la forme de la tribune de nos aînés au lieu de reconnaître l'évidence de leurs constats, il faut être bien lâche. Pour invoquer un devoir de réserve mal interprété dans le but de faire taire des citoyens français, il faut être bien fourbe. Pour encourager les cadres dirigeants de l'armée à prendre position et à s'exposer, avant de les sanctionner rageusement dès qu'ils écrivent autre chose que des récits de batailles, il faut être bien pervers.

Lâcheté, fourberie, perversion : telle n'est pas notre vision de la hiérarchie.

L'armée est au contraire, par excellence, le lieu où l'on se parle vrai parce que l'on engage sa vie. C'est cette confiance en l'institution militaire que nous appelons de nos vœux.

Oui, si une guerre civile éclate, l'armée maintiendra l'ordre sur son propre sol, parce qu'on le lui demandera. C'est même la définition de la guerre civile. Personne ne peut vouloir une situation aussi terrible, nos aînés pas plus que nous, mais oui, de nouveau, la guerre civile couve en France et vous le savez parfaitement.

Le cri d'alarme de nos Anciens renvoie enfin à de plus lointains échos. Nos aînés, ce sont les résistants de 1940, que, bien souvent, des gens comme vous traitaient de factieux, et qui ont continué le combat pendant que les légalistes, transis de peur, misaient déjà sur les concessions avec le mal pour limiter les dégâts ; ce sont les poilus de 14, qui mouraient pour quelques mètres de terre, alors que vous abandonnez, sans réagir, des quartiers entiers de notre pays à la loi du plus fort ; ce sont tous les morts, célèbres ou anonymes, tombés au front ou après une vie de service.

Tous nos aînés, ceux qui ont fait de notre pays ce qu'il est, qui ont dessiné son territoire, défendu sa culture, donné ou reçu des ordres dans sa langue, ont-ils combattu pour que vous laissiez la France devenir un État failli, qui remplace son impuissance régalienne de plus en plus patente par une tyrannie brutale contre ceux de ses serviteurs qui veulent encore l'avertir ?

Agissez, Mesdames et Messieurs. Il ne s'agit pas, cette fois, d'émotion sur commande, de formules toutes faites ou de médiatisation. Il ne s'agit pas de prolonger vos mandats ou d'en conquérir d'autres. Il s'agit de la survie de notre pays, de votre pays.

*

Tout est dit. Je n'ai rien à ajouter.

Bonsoir

 Dominique Delawarde

 reseauinternational.net

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