France-Soir
Femmes et enfants palestiniens déplacées, Rafah, sud de la bande de Gaza (8 février 2024).
Mohammed Abed / AFP
MONDE - L'annonce par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, de la préparation d'une offensive à Rafah, au sud de Gaza, a vite été suivie de frappes aériennes. La guerre, qui entre dans son cinquième mois, se concentre plus que jamais au sud de l'enclave palestinienne, où plus de 27 800 personnes ont été tuées sous les bombardements israéliens, dont 130 entre mercredi et jeudi, selon un dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas. En réponse à la proposition de trêve élaborée avec les Etats-Unis, le Qatar et l'Egypte, le mouvement a présenté une contre-proposition vite rejetée par Benjamin Netanyahou, qui s'engage à poursuivre l'offensive militaire jusqu'à la "victoire absolue", faisant fi de l'optimisme du chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken. L'ONU avertit contre la création d'une zone tampon, "un crime de guerre".
Mercredi 7 février, le Premier ministre israélien a annoncé avoir ordonné à l'armée israélienne de "préparer" une offensive sur Rafah, ville située à la frontière fermée avec l'Égypte. Depuis le début de la guerre le 7 octobre dernier, pas moins de 1,3 million de Palestiniens s'y entassent, dont une majorité de personnes déplacées, soit cinq fois la population initiale de Rafah.
Un "cauchemar humanitaire"
Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a vite réagi, affirmant qu'un assaut sur cette ville du sud de Gaza "augmenterait de façon exponentielle ce qui est déjà un cauchemar humanitaire". Après des premières phases concentrées sur le nord du territoire palestinien, l'armée israélienne a progressé au fil des mois vers le centre et le sud de l'enclave, notamment dans la ville de Khan Younès, épicentre de combats acharnés.
Cette localité, où se cachent des responsables du mouvement palestinien selon l'armée israélienne, a d'ailleurs subi de nouveaux bombardements mercredi. La Société du Croissant-Rouge palestinien a par ailleurs indiqué que 8 000 personnes déplacées, qui se trouvaient à l'hôpital al-Amal et au siège de l'organisation à Khan Younès ont été évacuées.
En attendant une incursion terrestre, Rafah a été la cible de nombreux bombardements. Des témoins et des sources hospitalières ont fait état de frappes mortelles dans la nuit du 7 au 8 février et le ministère de la Santé du Hamas a dénombré au total 130 morts au cours des dernières 24 heures dans le territoire palestinien. Le dernier bilan s'élève désormais à 27 840 personnes tuées, en majorité des femmes, enfants et adolescents, et à 67 317 personnes blessées.
Pour le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk, l'armée israélienne détruit des bâtiments dans la zone frontalière avec Israël à Gaza dans le but de constituer une "zone tampon". Cela constituerait, affirme-t-il, un "crime de guerre". La "destruction massive de bâtiments, qui n'est pas justifiée par des impératifs militaires et qui est exécutée de manière arbitraire constitue un crime de guerre", précise-t-il.
Pour le Hamas, la poursuite de cette guerre démontre que l'objectif de Tel-Aviv était de commettre un "génocide". "L'insistance de Benjamin Netanyahou à poursuivre l'agression confirme totalement que l'objectif est le génocide du peuple palestinien", a déclaré Oussama Hamdane, l'un des hauts responsables du Hamas lors d'une conférence de presse à Beyrouth. "Nous ferons tout notre possible pour protéger notre peuple, que ce soit par la résistance sur le terrain ou par des efforts politiques pour mettre fin à l'agression".
De vains efforts diplomatiques
Le mercredi même où il a annoncé une offensive sur Rafah, le Premier ministre israélien a rejeté une proposition du Hamas. Celle-ci prévoyait trois phases de 45 jours, soit 135 jours au total, devant servir à la libération progressive de tous les otages israéliens en échange de centaines de prisonniers palestiniens et du retrait des troupes israéliennes de Gaza. "Nous sommes sur la voie d'une victoire absolue", a-t-il déclaré, ajoutant que "l'opération durerait des mois et non des années. Il n'y a pas d'autre solution".
Netanyahou exclut toujours tout accord qui laisserait au Hamas le contrôle total ou partiel de la bande de Gaza, martelant qu'Israël était la "seule puissance" capable de garantir la sécurité à long terme. Sa déclaration intervenait peu après sa rencontre avec Antony Blinken, chef de la diplomatie US. Ce dernier se montre toujours optimiste, malgré la déclaration du haut responsable israélien.
"Bien qu'il y ait des choses inacceptables dans la réponse du Hamas, nous pensons que cela crée un espace pour parvenir à un accord, et nous y travaillerons sans relâche jusqu'à y arriver", a-t-il déclaré. Le secrétaire d'Etat était en tournée au Moyen-Orient pour faire avancer les négociations de cessez-le-feu et faire pression sur l'Arabie saoudite pour que cet Etat normalise ses relations avec Tel-Aviv. En échange, Riyad exige "une voie claire, crédible et limitée dans le temps vers l'établissement d'un Etat palestinien".
Il s'agit, pour le chancelier allemand Olaf Scholz, de la "seule solution durable". "Cela doit être valable pour Gaza et la Cisjordanie", dit-il, appelant à "un rôle central" d'une "Autorité palestinienne réformée".
Avant la rencontre Blinken-Netanyahou, le ministre français des Affaires étrangères Stéphane Séjourné, s'est rendu lundi en Cisjordanie occupée, à Ramallah, siège de l'Autorité palestinienne. Il a rencontré son homologue palestinien Riyad al-Malki, puis le président Mahmoud Abbas. "J'ai réitéré la demande française d'un cessez-le-feu durable à Gaza pour des questions humanitaires", a-t-il déclaré.
De leur côté, l'Égypte et le Qatar, à l'origine de la première proposition de trêve, parrainent déjà un nouveau cycle de négociations qui a débuté jeudi 8 février au Caire. Le Hamas a annoncé qu'une délégation menée par Khalil al-Hayya, haut responsable de son bureau politique, se déplacerait au Caire. Le mouvement palestinien se dit toujours "ouvert" aux négociations malgré le rejet de ses dernières propositions par Israël.