17/03/2020 17 articles les-crises.fr  7 min #170464

Emmanuel Macron annonce une forte restriction des déplacements pour 15 jours au moins

Coronavirus : « Il faut prendre conscience que nous sommes en état de guerre » - William Dab

Tiens, c'est étrange, maintenant les médias donnent largement la parole à des experts de premier plan qui ne disent plus comme les experts rassurants d'avant...

Source :  Le Figaro, Tristan Vey, 15-03-2020

ENTRETIEN - William Dab, directeur général de la Santé pendant la crise du Sras, ne cache pas son inquiétude, et espère le succès du confinement en France.

William Dab est professeur émérite d'épidémiologie au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Titulaire de la chaire hygiène et sécurité entre 2001 et 2020, il fut aussi directeur général de la Santé entre 2003 et 2005 (l'actuel poste du Pr Jérôme Salomon, qui établit le bilan quotidien de l'épidémie), période pendant laquelle il eut à gérer la crise du Sras, cousin du virus qui sévit actuellement.

LE FIGARO.- Quel regard portez-vous sur l'épidémie de coronavirus à laquelle nous sommes confrontés?

William DAB.- La situation est très grave. Pour ne rien cacher, je n'ai jamais été aussi inquiet. C'est une situation inédite et très sérieuse. Nous savions que cela allait arriver un jour. Urbanisation massive, intensification des échanges internationaux, démographie galopante, toutes les conditions sont réunies depuis longtemps. La question n'était pas de savoir si on aurait un jour une pandémie de cette ampleur, mais quand. Nous y sommes.

Je pense que les gens ont beaucoup tardé à prendre la mesure de ce qui arrive. Jusqu'à jeudi, et l'intervention du président de la République, il y avait une forme d'insouciance. On entendait dire: «ce n'est pas si grave par rapport à la grippe» ou encore «ils nous refont le coup du H1N1». Il suffisait de se promener et de voir les gens attablés en terrasse à Paris pour voir que les mesures d'hygiène de base n'étaient pas respectées.

Quelle est la particularité de cette épidémie?

La clé, c'est que nous sommes dans une situation de diffusion massive d'un virus par des porteurs qui n'ont aucun symptôme, et pour lequel nous n'avons aucun traitement. Quand on a compris en 2003 que le Sras n'était pas contagieux avant l'apparition de la fièvre, je savais que les mesures barrières seraient efficaces et faciles à mettre en œuvre d'une certaine façon. Mais ce n'est pas le cas cette fois-ci. Les personnes infectées sont contagieuses plusieurs jours avant l'apparition des premiers symptômes. C'est lorsqu'on a compris cela fin janvier que la pandémie m'a paru inéluctable. Cela fait maintenant quinze jours que j'essaye d'alerter sur sa dangerosité, mais je n'ai pas toujours été pris au sérieux.

Peut-on craindre une hécatombe en France?

Je n'ai évidemment pas de boule de cristal mais un scénario à 300.000 morts est tout à fait possible. Je crois qu'il faut le dire clairement aujourd'hui. Si le virus contamine 30 millions de personnes dans le pays, ce qui est tout à fait envisageable dans la dynamique actuelle, et étant donné sa létalité estimée autour de 1 %, c'est tout à fait crédible. Et cela dans le cas très optimiste où les hôpitaux tiennent le choc, ce qui n'est pas garanti, loin de là. Il va falloir ajouter une mortalité indirecte à ce sinistre bilan. Des malades souffrant d'autres pathologies graves qui ne pourront pas être soignées, par manque de lits disponibles.

Peut-on encore éviter le pire?

Oui, on peut réduire la violence de la vague qui arrive et limiter l'engorgement des hôpitaux, voire la stopper, mais cela dépendra de l'implication de chacun. La parole présidentielle a constitué, je l'espère, un électrochoc qui était nécessaire.  Les mesures de confinement prises par le premier ministre étaient ensuite indispensables pour espérer contenir l'épidémie.

Nos pouvoirs publics ont pris leurs responsabilités. Tout le monde doit désormais prendre les siennes. Ce n'est pas l'État qui va détruire le virus. Si chacun d'entre nous respecte un confinement strict, que l'on est sérieux, disciplinés et rigoureux, que l'on accepte ces quelques semaines de privation de liberté relative, le taux de contamination peut descendre suffisamment bas pour casser la dynamique de l'épidémie.

Combien de temps cela peut-il prendre?

Il faudra déjà attendre trois semaines pour voir l'effet que les mesures prises aujourd'hui auront sur le nombre de morts. C'est ce qui va constituer le «thermomètre» le plus fiable pour évaluer leur efficacité. En attendant, le développement de l'épidémie devrait malheureusement rester exponentiel.

C'est brutal, mais il faut bien avoir à l'esprit que nous sommes en guerre. Nous sommes envahis par un ennemi invisible que nous devons combattre. Il faut en appeler à la mobilisation générale et ne pas avoir peur d'utiliser des termes militaires.

Ce virus a un énorme potentiel. C'est une situation de guerre, je le répète. Il va y avoir une longue période de vigilance, d'au moins une année

Pourra-t-on se débarrasser durablement de ce virus? N'y a-t-il pas un risque de rebond?

Il y a deux mois, on ne connaissait pas encore ce virus, il reste donc beaucoup de paramètres inconnus. Si l'on parvient à stopper l'épidémie et que moins de 30 % de la population est infectée, et donc immunisée, alors le virus aura en effet le champ libre pour faire son retour à l'automne. Et il faudra alors recommencer ce que nous faisons maintenant.

En revanche, si 60 à 70 % de la population sont contaminés pendant une première vague, avec le bilan humain que l'on imagine, cela pourrait conférer une solide immunité de groupe par la suite. Une deuxième vague serait moins sévère, s'il y en a une. C'est une maigre consolation mais ce serait déjà ça.

Autre scénario, plus ennuyeux, celui d'une mutation. L'immunité de la première vague ne serait alors que partielle, quelle que soit la couverture. Nous entrons dans un scénario de type grippe, avec épidémie annuelle. À cette différence que ce virus est au moins 10 fois plus mortel! Ce n'est pas une petite affaire. Ce virus a un énorme potentiel. C'est une situation de guerre, je le répète. Il va y avoir une longue période de vigilance, d'au moins une année.

Quelle leçon peut-on tirer de l'exemple chinois?

Avec les moyens dictatoriaux mis en place, la stratégie d'endiguement a fonctionné en effet. Mais que va-t-il se passer au moment où les Chinois vont lever leurs mesures de confinement? Il va falloir scruter très attentivement ce qui se passe dans le Hubei pour se donner une idée des évolutions à attendre dans les mois et les années qui viennent partout dans le monde.

Peut-on s'attendre à une amélioration à la faveur des beaux jours?

C'est une possibilité en effet. Cela fait partie des scénarios favorables d'évolution. Mais il vaut mieux ne pas compter dessus. Ce serait trop risqué. Mais dans le cas le plus optimiste, l'épidémie se mettra en pause, ce qui nous laisse le temps de trouver un traitement efficace. Ce qui pourrait tout changer. L'épisode de la grippe de H1N1 nous a démontré que nous avions les capacités de production. Les deux premiers cas sur le sol américain avaient été enregistrés en avril. En octobre, nous avions fabriqué 500 millions de doses de vaccin. Pas de chance, façon de parler, le virus avait muté entre-temps et la grippe mortelle s'était transformée en gros rhume... Cet exemple nous montre néanmoins que nous aurons les moyens de produire rapidement des médicaments en grande quantité si nous trouvons un cocktail efficace.

Quid, justement, d'un potentiel vaccin?

Malheureusement nous n'avons pas de modèle de vaccin pour les coronavirus. Il vaut mieux partir du principe que nous n'en aurons pas dans un avenir proche. Notre meilleure arme reste à ce jour le confinement. En limitant les contacts entre les gens, on peut stopper la propagation du virus. Il faut rester chez soi, ne plus voir ses amis, ni sa famille, à l'exception de son conjoint et de ses enfants.

Le mot d'ordre est clair: rester chez soi, rester chez soi, rester chez soi.

Source :  Le Figaro, Tristan Vey, 15-03-2020

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