Ce 26 avril, la presse en France a annoncé le contenu d'un rapport des services de renseignement francais confirmant l'usage d'armes chimiques en Syrie le 4 avril dernier. On lit (voir article de Le Monde) que
« Les preuves recueillies par les services français complètent celles des Américains et des Britanniques. Elles sont accablantes pour Bachar Al-Assad, même si elles ne démontrent pas un ordre direct du dictateur syrien, seul véritable patron d'un arsenal chimique qui n'a donc pas été totalement détruit malgré ses engagements«.
On se doit de rappeler qu'en représailles à l'attaque de Khan Cheikhoun du 4 avril dernier, les Etats-Unis ont ordonné deux jours plus tard le bombardement de la base d'Al-Chayrat, d'où étaient partis, selon les Etats-Unis, le ou les avions responsables. Cette attaque des Etats-Unis constitue une violation flagrante de la Charte des Nations Unies.
Lors d'une réunion du Conseil de Sécurité le 12 avril, la France (avec les Etats-Unis et le Royaume Uni) avait présenté un projet de résolution condamnant l'usage « qui aurait été fait » d'armes chimiques en Syrie (voir texte du projet de résolution qui n'a obtenu que dix votes pour, deux contre (dont celui de la Russie) et trois abstentions (donte celle de la Chine).
On est en droit de se demander si il est habituel de voir le Conseil de Sécurité des Nations Unies condamner « avec la plus grande fermeté l'emploi qui aurait été fait d'armes chimiques » (Paragraphe 1), et, plus généralement condamner des actions « qui auraient été » menées. Sur ce point, une recherche rapide sur la toile de cette expression par le Conseil de Sécurité renvoit au seul projet de résolution présenté le 12 avril précité, mais le doute est permis (et nous remercions d'avance nos lecteurs de nous renvoyer à une quelconque résolution précédente du Conseil de Sécurité condamnant « avec la plus grande fermeté » de choses qui auraient été faites).
Un rapport des services de renseignements des Etats-Unis afin de justifier cette action militaire contre la Syrie (voir texte complet) a été analysé par un spécialiste, Theodore Postol, Professeur au MIT (Massachusets). On peut lire dans son analyse (voir texte publié par GlobalResearch que :
« We again have a situation where the White House has issued an obviously false, misleading and amateurish intelligence report«.
Dans un Addendum du 13 avril (voir texte), le scientifique conclut son analyse ainsi:
« I therefore conclude that there needs to be a comprehensive investigation of these events that have either misled people in the White House, or worse yet, been perpetrated by people seeking to force decisions that were not justified by the cited intelligence. This is a serious matter and should not be allowed to continue«.
Les enquêteurs de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) avaient conclu, le 19 avril dernier 2017, sans procéder a l'envoi d'une mission sur place (réclamé depuis le 4 avril par la Russie), à l'emploi « irréfutable » de gaz sarin ou d'une substance similaire. Sur cette épisode récent de l'OIAC, inhabituel dans la mesure ou l'OIAC prend plusieurs mois afin de mener une enquête en Syrie, nous renvoyons à notre note intitulée « Without any in situ inspection, OPCW confirms sarin exposure during the explosion that took place in Syria on 4th April » publiée sur le site de Pressenza.
L'OIAC a été créée en vertu de la « Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction«, signée à Paris en 1993, et entrée en en 1997. Cette Convention a été ratifiée par 192 Etats (dont la Syrie, qui l'a ratifiée en 2013). En 2014, les équipes de l'OIAC ont conclu leur travail en Syrie, les stocks d'armes chimiques possédés par la Syrie ayant été détruit. Le seul Etat au monde à ne pas faire partie de cette convention est Israël (voir liste officielle sur l'état des signatures et ratifications).
Sauf erreur de notre part, le texte complet du rapport des services francais de renseigenemnts dont fait état la presse francaise n'a pas été mis en ligne sur la toile. Sa lecture permettrait sans aucun doute de connaître les preuves « irréfutables » imputant directement aux autorités syriennes l'usage de substances chimiques contre les « groupes rebelles » à Idlib le 4 avril dernier.
Nicolas Boeglin
Nicolas Boeglin, Professeur de Droit International Public, Faculté de Droit, Université du Costa Rica (UCR)
La source originale de cet article est Mondialisation.ca